Asus et d'autres constructeurs ont annoncé ces derniers mois que des produits hybrides sous Windows et Android seraient lancés, et plusieurs passages à l'acte ont été recensés. Pourtant, ni Google, ni Microsoft n’apprécient cette idée, faisant le tour des partenaires pour leur faire abandonner ces projets.
Le pavé dans la marre
Le dernier CES de Las Vegas a été l’occasion pour plusieurs constructeurs d’annoncer leur intention de commercialiser des produits d’un genre un peu particulier. Ces appareils, smartphones, tablettes ou ordinateurs portables, avaient en effet la capacité de démarrer sur Windows (Phone) 8, ou sur Android. La question de l’intérêt trouvait alors une réponse très simple : on lançait l’un ou l’autre des systèmes en fonction de nos besoins. Le fait qu’il faille complètement redémarrer l’appareil n’entrait pas en ligne de compte dans la praticité du concept, ce n'était d'ailleurs pas toujours nécessaire.
Il faut dire que le sujet faisait jaser, plusieurs constructeurs s’étant exprimé avant, pendant, ou après le CES. Par exemple, Huawai a indiqué vendredi dernier qu’il lorgnait justement sur le dual boot pour convertir ses modèles Windows Phone vers une offre qu’il jugeait apparemment plus pérenne. Mais les principales annonces sont venues d’Asus qui était dans la lignée d'Intel et ses fameux PC Plus. Un produit du genre avait d'ailleurs déjà été mis sur le marché : le Transformer Book Trio, que l’on trouve à partir de 770 euros environ.
Des pressions communes pour faire cesser les produits hybrides
Et pourtant, alors que l’on pouvait penser que de tels produits allaient se multiplier, on sait désormais qu'il n'en sera rien. Ni Microsoft, ni Google ne sont intéressés par la prolifération de ces appareils. Et pour cause : le message serait complètement brouillé et aucun des deux éditeurs ne souhaite voir son produit phare associé à son ennemi. La situation est encore plus problématique pour Microsoft : qu’il s’agisse de Windows 8 ou de Windows Phone 8, c’est systématiquement Android que l’on retrouvera en face.
C’est ainsi qu’Asus a été approché par les deux géants du logiciel, et ce pour les mêmes raisons. D’une part, stopper les développements en cours concernant les nouveaux projets. D’autre part, arrêter la commercialisation des produits actuels, à l’instar de la Transformer Book Trio qui pourrait finir par être retiré des stocks si ceux-ci ne sont pas rapidement écoulés. Selon le Wall Street Journal, Asus aurait acquiescé aux demandes, et on imagine que des pressions ont dû être exercées.
Ne pas brouiller le message
Contactée, l'équipe d'Asus France n’a pas souhaité répondre à nos questions sur le sujet, mais on imagine sans peine les problématiques soulignées par Microsoft et Google. La firme de Redmond a déjà du mal à s’imposer dans le monde mobile, qu’il s’agisse de Windows 8 ou de Windows Phone. Elle ne souhaite donc clairement pas que son produit semble avoir besoin du concurrent pour se vendre : « Du Windows, oui, mais seulement avec Android ! ». Un message qui ferait du plus mauvais effet s’il venait à se répandre. Google, de son côté, a précisément le problème inverse : Android écrase littéralement la concurrence dans l’univers mobile et n’a pas besoin d’être associé au nom d’un concurrent pour briller en société. Cela ne supprime pas pour autant les très nombreuses rumeurs qui veulent que Microsoft se soit rapproché des constructeurs pour leur demander d’utiliser le matériel déjà existant pour sortir des smartphones sous Windows Phone. La question était alors de savoir justement s’il s’agissait de dual boot ou d’un système unique.
Au final, c'est surtout Intel qui se retrouve perdant dans l'affaire. La société avait en effet largement abordé le thème des PC Plus, des machines qui justement avaient la capacité d’exécuter Windows ou Android selon les besoins et les envies. La société focalisait alors l’attention sur ses nouveaux processeurs capables de faire fonctionner aussi bien Android 4.4 que Windows 8 dans leurs moutures 64 bits.
Ces produits avaient-ils réellement un avenir ?
D’un autre côté, doit-on considérer que l’arrêt de ces produits hybrides serait réellement une perte ? Difficile de réellement le savoir, car leur positionnement était pour le moins particulier. Les deux plateformes (qu’il s’agisse de Windows (Phone) 8 couplé à Android) n’ont aucun rapport et le redémarrage pour passer de l’un à l’autre dans certains cas pouvait être clairement handicapant. La problématique est comparable à ce que l’on peut trouver sur les Mac avec Boot Camp : Windows peut y être installé nativement, mais pour ceux qui n’ont pas besoin de puissance 3D en particulier, les solutions de virtualisation se révèlent rapidement plus pratiques.
Enfin, on notera qu’avec le temps, chacun des « trois grands » de l’univers mobile, Apple, Google et Microsoft, s’oriente vers une multiplication des services pour parer à toutes les éventualités. Maintenant que les plateformes sont à ce point développées, aucun d’eux ne souhaite sans doute faire réellement de concessions. Et s’il fallait une preuve de cette évolution, en particulier chez Google, il suffirait de regarder en direction de l’arrêt du support d’EAS (Exchange Active Sync) sur ses comptes Gmail.