Le rapport sur la contrefaçon commerciale en ligne a du retard. Mireille Imbert Quaretta, présidente de la commission de protection des droits à la Hadopi devait le remettre en janvier puis début mars. Finalement, cela sera sans doute pour fin mars. Surtout, PC INpact a appris que la publication de ce texte sera accompagnée de déclarations d’intentions, signées notamment par les acteurs de la filière publicitaire.
Pourquoi le rapport de Mireille Imbert Quaretta n’a t’il toujours pas été remis à Aurélie Filippetti ? Son auteur nous évoque un calendrier ministériel surchargé. Côté ministère de la Culture, c’est le silence radio. Cependant, les raisons de ce patinage peuvent aussi s’expliquer par l’ambition de ce document destiné à lutter contre les sites de streaming ou de direct download. MIQ veut en effet s’armer dans le même temps d’une série d’engagements des intermédiaires dans cette chasse.
MIQ a donc adressé une lettre d’intention que les acteurs de la publicité notamment, sont invités à signer. Dans cette lettre que PC INpact dévoile, « les signataires déclarent leur intention de travailler en concertation, sous l’égide de l’autorité publique, à la conclusion en France d’une charte visant à rappeler et promouvoir des bonnes pratiques en matière de lutte contre la contrefaçon » en ligne.
On comprend la démarche : avec ces engagements au ceinturon, MIQ peut espérer faire gagner des points de légitimité à son projet qui milite justement pour une collaboration active des intermédiaires. Dans cette déclaration d’intention, ces acteurs affirment ainsi être « attachés au respect du droit d’auteur et des droits voisins et à la nécessité de lutter contre la contrefaçon à grande échelle sur Internet ». Les signataires admettront dans le même temps que les sites de streaming et de direct download « tirent d’importants revenus de ces activités, notamment grâce à la publicité en ligne ». Et l’univers de la pub en ligne d’admettre haut et fort que cette diffusion « porte atteinte à la création et à l’offre légale culturelle en ligne », ou qu’elle « trompe en outre le public qui voit dans la présence de ces marques sur les sites un gage de légitimité. »
Ces professionnels de la filière devront aussi reconnaître « la pertinence » et « s’associer » à la démarche « qui consiste à assécher les revenus des sites dédiés à la contrefaçon. »
Une déclaration d'intention rédigée au sein de la Hadopi
Pour l’heure les réactions sont timides, puisque le document n’est toujours pas sorti officiellement. Contacté, l’Interactive Advertising Bureau nous confirme avoir rencontré, comme d’autres, Mireille Imbert Quaretta fin 2013. Stéphane Hauser, délégué général de l’IAB : « La Hadopi nous avait envoyé un projet de lettre d’intention, mais nous attendons sa publication officielle. »
En attendant, l’organisme « prend note avec intérêt de cette mission » tout en nous rappelant que la profession n’a pas attendu Hadopi pour mettre en place « ces bonnes pratiques ». Un passé justement souligné dans la lettre rédigée par MIQ qui évoque de préexistantes « démarches de sensibilisation et d’autorégulation en matière de lutte et de prévention contre les activités illicites », avec « des chartes impliquant les acteurs de la publicité en ligne dans la protection du droit d’auteur et des droits voisins sur Internet. »
En somme, les signataires de la lettre d’intention s’engagent à signer une future charte qui s’empilera sur une série de chartes préexistantes.
Comment pourraient être impliqués les acteurs de la publicité ?
Rappelons cependant que dans la logique de MIQ, l’ambition est musclée : il s’agit d’impliquer au plus tôt les acteurs de la publicité dans la lutte contre les sites illicites. Et ce, sans l’aval du juge.
Explication. Dans un précédent rapport, elle avait déjà exposé son souhait d’instaurer une sorte de riposte graduée contre les sites de streaming ou DDL. Faute de réponse satisfaisante aux alertes lancées par les ayants droit, ces sites seraient placés sur une liste noire, qui devrait être prise en compte par le monde de la publicité ou des moyens de paiement (Paypal, etc.) pour couper les vivres. « Les intermédiaires disposeraient d’une information objective sur les sites sur lesquels des atteintes au droit d’auteur ont été constatées » écrivait alors MIQ avant d’évoquer, déjà, un système de charte : « La mise en œuvre de ces mesures pourrait être unifiée dans le cadre de chartes négociées et rédigées sous l’égide de l’autorité publique, afin de prendre en compte la nécessaire proportionnalité des mesures envisagées ».
En guise de carotte, elle proposait une immunité des intermédiaires « dès lors qu’une suspension des relations contractuelles interviendrait en lien avec la procédure d’alerte envisagée. » En cas de résistance ? Il reviendrait finalement juge de tenir le bâton.
Seule incertitude : est-ce que tous les acteurs accepteront de se lancer dans un tel dispositif dont les premières étapes reposent en grande partie sur le volontariat ? Plus sournoisement, aux yeux des juges, quel sera l’impact de ces politiques volontaristes sur le statut juridique de chacun de ces acteurs ?