Il n'y a pas que les geeks qui s'intéressent aux crypto-monnaies, les banques et autres institutions financières également. C'est notamment le cas de Goldman Sachs, qui vient de diffuser à certains de ses clients une étude d'une vingtaine de pages au sujet de Bitcoin. Selon ses analystes, une économie de plus de 200 milliards de dollars par an en frais de transactions bancaires pourrait découler de son usage.
Depuis la mise en faillite de Mt.Gox, l'une des plus importantes plateformes d'échange de bitcoins au monde, l'univers des crypto-monnaies est en pleine effervescence. Les gouvernements du monde entier ou presque se penchent sur la question, notamment en France où Pierre Moscovici a insisté sur la nécessité d'un « encadrement précautionneux », de ces monnaies alternatives. Les banques aussi surveillent ce phénomène avec attention, comme Goldman Sachs, qui a consacré à Bitcoin un numéro entier de sa revue « Top of Mind », distribuée à certains de ses clients et que nos confrères de TechCrunch ont mis en ligne.
« Est-ce que le bitcoin est une monnaie ? Non. »
La première question à laquelle la banque essaye de répondre consiste à déterminer si Bitcoin peut être considéré comme une monnaie à part entière. Pour cela deux points cruciaux sont à prendre en compte, la capacité qu'a Bitcoin à être largement, voire universellement adopté, et la stabilité de son cours.
Sur le premier point, les analystes de la banque reconnaissent bien volontiers que le bitcoin peut à terme être utilisé de façon très large, et que les quelques obstacles empêchant une adoption massive de ce moyen de paiement ne sont pas insurmontables.Ils insistent toutefois sur le fait que « des connexions avec le système bancaire conventionnel restent essentiels à son fonctionnement ». En effet, il faut que les clients comme les commerçants puissent facilement convertir leurs bitcoins en monnaie classique pour que cela fonctionne. Il est donc difficile pour le moment d'imaginer Bitcoin fonctionner de manière complètement autonome.
Si l'adoption du bitcoin par le public n'est semble-t-il pas un problème à terme, il reste un problème majeur à résoudre : celui de la volatilité de son cours. Certes,ceux des monnaies telles que l'euro ou le dollar fluctuent d'un jour sur l'autre, mais jamais dans des proportions aussi énormes. Dans le cas de Bitcoin, l'affaire est plus compliquée puisque rien qu'en 2013, le cours a fluctué entre 14 et 1 142 dollars. Dans le même temps, la valeur d'un euro n'a varié qu'entre 1,28 et 1,38 dollar.
D'ailleurs, rien n'est prévu pour garantir la stabilité de la valeur du bitcoin. En effet, si les gouvernements peuvent faire tourner la planche à billets pour agir sur le cours de leur monnaie, la quantité de bitcoins disponible ne peut être augmentée hors du cadre prévu au départ, et peut même décroître en fonction du nombre de portefeuilles oubliés çà et là. De ce fait, la banque définit plutôt le bitcoin comme un bien financier spéculatif utilisé comme moyen d'échange.
En cas d'adoption massive, Bitcoin ferait économiser 200 Md$ par an aux marchands
Mais dans un scénario où Bitcoin serait adopté massivement et dans l'ensemble des pays du monde, les banques et autres intermédiaires auraient beaucoup à perdre. En effet, lors de chaque transaction, une petite commission est prélevée afin de couvrir notamment les coûts d'infrastructure, l'assurance, les commissions pour les opérateurs de cartes de paiement etc.
Ces coûts sont supportés par les marchands et dégressifs en fonction de leur volume de ventes. Goldman Sachs les estime entre 1,5 et 4 % du prix de vente d'un produit selon les cas. À titre de comparaison, un intermédiaire comme PayPal facture en France 3,4 % du total ainsi qu'une commission fixe de 0,25 euros pour les petits commerçants, la part variable pouvant descendre à 1,4 % au-delà de 100 000 euros de chiffre d'affaires mensuel.
Dans le cas d'un paiement en bitcoins, les marchands n'auraient à payer que 1 % de frais réduisant ainsi fortement leur coûts, notamment pour les plus petits qui sont plus durement touchés que les autres. Selon les estimations de la banque, une adoption universelle de Bitcoin permettrait plus de 210 milliards de dollars par an d'économies en frais de transactions pour les commerçants. Leur facture passerait en effet de 326,3 milliards de dollars à seulement 115,4 milliards, soit une division par près de trois.
Les grands gagnants dans cette histoire seraient tout simplement les plateformes de paiement exploitant Bitcoin qui profiteront d'une véritable manne financière. En effet, leur marge brute correspond à 75 % des commissions qu'elles touchent, 20 % couvrant leur frais et les 5 % restants servant aux questions d'assurance et de lutte contre la fraude. Les banques auraient alors tout intérêt à faire un tour sur ce marché, déjà occupé par des entreprises comme BitPay ou Coinbase pour ne citer qu'elles.