Un opérateur de service doit-il répondre à une injonction de blocage alors qu’il n’a pas matériellement accès au réseau ? Oui répond la Cour de cassation qui vient de se pencher sur la question soulevée par Darty à l’occasion d’une demande de blocage visant un site de casino non agréé.
En 2011, la justice avait ordonné le blocage de 5Dimes.com, un site de jeux en ligne non agréé par l’Autorité de régulation des jeux en ligne. En pareil cas, l’Arjel a la possibilité d’adresser une notification à l’opérateur de jeux de respecter la loi française. Faute de réponse satisfaisante, la même autorité peut demander au juge d’enjoindre les fournisseurs d’accès à bloquer le site en cause.
Plusieurs opérateurs avaient combattu la demande de blocage visant 5Dimes, mettant notamment en doute l’efficacité de ces mesures. Vainement : le jugement fut confirmé en appel le 20 novembre 2012.
Opérateur de service vs opérateur de réseau
Darty avait pour sa part soulevé un autre argument via une demande de question prioritaire de constitutionnalité. Selon elle, ces procédures ne peuvent être dirigées que contre les FAI qui ont « matériellement accès au réseau et pouvant ainsi personnellement procéder au blocage ordonné », ce qui n’est pas son cas puisque rappelle Darty, elle n’est pas opérateur de réseau mais opérateur de service. Nuance. En somme, il ne lui est pas possible de mettre en œuvre une telle injonction de blocage dans la mesure où elle n’est pas en condition de pouvoir la mettre personnellement en œuvre.
La solution du côté de l'Arcep
Le 21 janvier dernier, la Cour de cassation rejettera son analyse et sa demande de QPC par la même occasion : à la lecture des textes, elle rappelle que le blocage peut être ordonné « aux personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne » sans qu’il y ait lieu de distinguer « entre opérateurs de services ou de réseaux ». Mieux : il importe peu « que l’opérateur considéré ait ou non la possibilité de procéder lui-même au blocage de l’accès au site litigieux ». Or ici, Darty s’est déclarée en tant que FAI auprès de l’Arcep. Cette seule déclaration suffit donc pour la rendre destinatrice des injonctions de blocage. Il reviendra donc à Darty de se débrouiller avec les moyens du bord. L'analyse devrait évidemment intéresser les autres branches du droit, dont la propriété intellectuelle.