Depuis la rentrée de septembre, les chaînes de TV sont revenues à l'offensive avec leurs applications mobiles dédiées à la Social TV. Mais cette nouvelle vague, il faut bien l'avouer, était une fois de plus assez décevante et surtout centrée sur la publicité. Mais cela pourra changer d'ici peu avec certaines initiatives à venir, notamment via le groupe M6.
Lorsque nous avons commencé à nous pencher sur le phénomène de la Social TV, tel qu'il était appréhendé par les chaînes de TV françaises, nous avons souvent été de déceptions en déceptions, à quelques rares exceptions près. « Devant ma TV » de M6 était une première initiative assez malheureuse, MyTF1 Connect s'est démarqué avec une bonne ergonomie mais finalement assez peu de fonctionnalités réellement intéressantes, et la publicité étant dans tous les cas omniprésente, puisque c'était finalement le réel but de l'opération. La preuve que les chaînes prenaient les choses dans le mauvais sens.
La TV sociale en France : la pub avant tout, des usages souvent mal pensés
La nouvelle vague de la rentrée de septembre qui est encore utilisée pour les programmes actuels n'est guère plus convaincante. Déjà parce que les applications ont assez peu évolué. Ensuite parce que les usages imaginés par les chaînes sont toujours sur la même mécanique, parfois en pire. MyTF1 Connect, désormais utilisé dans des programmes comme la version numérique de Téléfoot, a ainsi montré ses limites avec la nouvelle saison de The Voice puisque rien de vraiment nouveau n'était au programme. On pouvait à peine participer, lors des phases de sélection par exemple, et encore, sous réserve de créer un compte. Oui, parce qu'il ne faut pas oublier qu'un utilisateur est avant tout un prospect potentiel sur lequel il faut récolter des informations :
Chez M6, l'autre grand acteur de ce terrain, l'évolution était là et c'était plutôt appréciable puisque Connect partait de loin. Nous avions ainsi effectué une série d'essais à l'occasion du retour de Top Chef et les actions proposées étaient plus nombreuses et souvent plus engageantes, bien que toujours assez futiles. Le paroxysme du n'importe quoi a sans doute été atteint au moment où l'on nous a demandé si l'on trouvait Christian Constant « Swag ». Bref, des efforts étaient encore à faire du côté de la partie rédactionnelle du traitement.
On notait aussi quelques bugs, notamment sur la version Android, mais l'interaction avec Twitter était bien meilleure, tout comme les cas où la navigation vers une page web devait être effectuée. Parfois c'était tout de même assez raté puisque le site visé était peu adapté à l'appareil utilisé, mais les choses allaient là encore dans le bon sens. Le réel problème était sur le fond toujours le même : la grande nouveauté était là où le réel intérêt de la chaîne se trouve, la publicité.
Top Chef : quand le télé-achat se mêle à des questions sans intérêt
En effet, comme nous l'avions noté, la Social TV est pour les chaînes une manière de tenter de vous vendre les produits de ses partenaires en relation avec l'émission. Une sorte de Téléachat 3.0. Top chef est d'ailleurs assez représentatif de cette tendance publicitaire puisque les mélanges entre le programme et ses annonceurs sont constants. Les participants interviennent dans les publicités, le jury vante les produits associés. Cette année les choses sont allées encore plus loin comme le vantait la régie de la chaîne début janvier.
Cette fois, vous pouviez donc acheter le bloc aiguiseur ou le fouet Top Chef pendant l'émission, en plus des publicités qui tournaient autour de Top Chef et des contenus sponsorisés de l'application. Bref, l'overdose était totale et l'on s'étonne toujours que le CSA ne vienne toujours pas mettre son nez dans de telles pratiques dont les chaînes abusent de plus en plus.
Mais chacun tente de tirer son épingle du jeu. Direct 8 a tenté sa chance avec le vote basé sur un tweet pour La nouvelle star. Un procédé un peu simpliste, qui était surtout pensé pour profiter d'un partenariat avec SFR. De son côté, Twitter multiplie les initiatives du genre, notamment à l'étranger, mais il n'est pas seul puisque Google vient d'annoncer un partenariat avec American Idol plutôt bien pensé. Mais dès ce mois de mars, les choses pourraient réellement évoluer en France et la Social TV pourrait devenir un peu plus un lieu d'échange et non pas un simple gadget servant à nous inonder de publicités en tout genre.
Ce n'est pas la fin des votes par SMS : chaque émission son modèle
Ces tentatives nous incitent d'ailleurs à penser une chose : qu'en est-il du modèle économique des votes par SMS ? En effet, c'était une réelle manne financière sur laquelle les chaînes comptaient pour certains types de programmes : télé-crochet, téléréalité, etc. Nous avions un temps pensé qu'elles allaient remplacer cela par des votes payants, M6 ayant un temps indiqué la possibilité d'un achat « in-app » à 0,89 € dans son application, mais cela semble être révolu, l'intégration publicitaire ayant sans doute pris le dessus.
Un choix de la gratuité pour les interactions sur de nombreux programmes à venir (mais pas tous) notamment confirmé par le responsable de M6 Web, Valéry Gerfaud, dans une interview récente accordée à nos confrères de Décideurs TV : « Il y a des émissions dans lesquelles on va commencer à monétiser ces votes par le SMS surtaxé ou l'audiotel. On continue à le faire, si vous regardez Incroyable talent ou d'autres. Mais il y a d'autres émissions [...] où la participation au vote sera gratuite. Cela dépend un peu des émissions, du style d'émission, du poids de l'interactivité, du type de public et donc au cas par cas on décidera : est-ce que le SMS surtaxé est le moyen de participer, ou pas. [...] Cela n'est pas un élément fondateur du business model ni de M6 Web, ni de M6. »
Enfin de vraies interactions dans les programmes : pour le meilleur, ou le pire ?
Cela va tout d'abord être tenté à l'occasion du prime de demain soir : Qu'est-ce que je sais vraiment. Chacun pourra ainsi répondre aux questions en direct via sa tablette ou son smartphone et voir ses résultats comparés aux invités ou à ceux de 300 étudiants. Un format qui a plutôt bien fonctionné en Hollande selon la régie publicitaire du groupe qui évoquait 300 000 joueurs par émission.
Un second programme sera concerné, bien qu'il n'ait pour le moment été que très peu évoqué par le groupe : Rising star. C'est l'adaptation d'un format israélien dont le principe est simple, bien qu'il associe de nombreux morceaux de programmes déjà diffusés : un artiste est caché derrière un mur, et chante. Les internautes peuvent voter pour lui, et si un nombre de votes suffisant est atteint, le mur se lève. Particularité du format qui fait son intérêt du point de vue de l'interaction sociale : le mur en question affiche l'avatar des votants, qui peuvent donc être grisés par le fait de se voir à la TV, un peu comme ceux qui sont heureux de voir leurs tweets repris par l'équipe de Mots Croisés le lundi soir.
Au final, on voit donc bien que la Social TV évolue en France, bien que les choses étaient assez mal parties. Les initiatives sur le numérique se diversifient et s'enrichissent. Reste à voir si le volume publicitaire et les abus nombreux des chaînes en la matière vont continuer à être au cœur du concept, quitte à prendre le risque de dégouter les internautes.
Les nouveaux essais de M6 vont ainsi sans doute être scrutés afin de voir si l'audience se prend au jeu, ou pas. Lors de notre essai sur les émissions de Top Chef, nous constations entre 2000 et 3000 votants aux questions posées, soit une très petite fraction des millions de téléspectateurs d'un tel programme. Le succès sera-t-il plus grand ce soir et pour Rising star ? L'avenir nous le dira.