La proposition de loi sur la Contrefaçon a été publiée ce matin au Journal Officiel. Le texte exige pour plusieurs de ses dispositions, des décrets d'application qui ne sont pas encore publiés. La loi en question va dans tous les cas obliger les juges à augmenter sensiblement le montant des dommages et intérêts dans les affaires pour contrefaçon, c'est du moins le souhait de ses rédacteurs.
Le sénat a voté conforme hier la proposition de loi sur la contrefaçon. Avec cet examen en seconde lecture, le texte est maintenant en passe de terminer son périple parlementaire.
Cette proposition fut déposée en septembre 2013 par le sénateur Richard Yung, à la ville président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), où on retrouve le ministère de la Culture, l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), les majors de la musique réunies au sein de la SCPP, etc. Le texte est très fourni, outre le fichage des échanges postaux, il aiguise ainsi la spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle.
L’une des principales dispositions tient à la façon dont les juges devront désormais calculer les sanctions en matière de contrefaçon. Une fois la loi publiée, les juges devront en effet prendre en considération distinctement :
- Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
- Le préjudice moral causé à cette dernière ;
- Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Si l’ayant droit estime que le résultat n’est pas assez, il pourra solliciter en sus du préjudice moral, une somme forfaitaire. Son montant devra en outre être impérativement supérieur « au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. » Le texte apporte ainsi de multiples « précisions » au droit actuel avec pour conséquence espérée, des dommages et intérêts plus importants.
Une prescription en or
Autre chose, comme nous l’avons déjà expliqué, la proposition de loi offre un joli cadeau aux sociétés de gestion collective. Lorsqu’une société oublie de redistribuer à ses membres des sommes, par exemple parce qu’elle ne les identifie pas, les bénéficiaires sont en capacité d’agir contre elle.
Aujourd’hui, ils ont 10 ans pour réclamer leurs droits mal répartis. Demain, avec la proposition votée au parlement, le délai sera ramené à 5 ans, officiellement afin de le faire correspondre avec celui du droit commun. En d’autres termes, à 5 ans et 1 jour, les sommes collectées en trop et mal réparties ne pourront plus être réclamées aux SACEM & co, contre 10 ans et 1 jour aujourd’hui.
Cette modification avait fait tiquer à l’Assemblée nationale. « La réduction à cinq ans de ce délai (…) est, en effet, défavorable aux droits des auteurs, artistes interprètes et producteurs de disques ou de films. Elle n’a, de surcroît, aucun lien avec la lutte contre la contrefaçon ou d’autres délits douaniers, qui est l’objet de la présente proposition de loi » avait expliqué Jean-Michel Clément, qui reviendra finalement sur les 5 ans, également défendus par le gouvernement.
Aux députés, la ministre du commerce, Nicole Bricq avait expliqué l'intérêt d'un tel délai réduit : « une fois les sommes mises en répartition par la SACEM, les ayants droit disposent d’un délai de dix ans actuellement pour agir en paiement de ces sommes. Dans le même temps, la SACEM dispose d’un délai de trois ans pour rechercher les ayants droit. Pour y parvenir, elle utilise différents moyens pour identifier les oeuvres que le traitement initial n’a pas permis de trouver. Elle fait appel, si besoin est, à des bases de ressources européennes et mondiales. Dans un souci de transparence, elle permet également la diffusion de ces informations sur son site internet, accessible aux créateurs. Au terme de ces trois ans, 95 % des sommes sont réparties, les 5 % restants, s’ils demeurent répartissables en l’absence d’action des ayants droit, sont alors répartis entre les sociétaires dans leur ensemble.»
Mais que deviendront-elles une fois ce délai raccourci passé et si ces sommes ne sont pas répartissables ? Simple : ces sommes seront alors des « irrépartissables ». Comme le veut la loi, les sociétés de gestion collective devront alors s'en servir pour financer, au même titre qu’un quart de la copie privée, les « actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » ou la lutte contre la contrefaçon. Avec la transparence que l’on sait.