Après Bouygues, SFR et Orange, c'est donc maintenant au tour d'Iliad de dévoiler ses résultats financiers et ses recrutements d'abonnés pour le dernier trimestre 2013 et donc pour l'année complète. La maison-mère de Free et d'Alice reste en grande forme côté mobile, tandis que ses recrutements dans le fixe ont été légèrement inférieurs à la concurrence à la fin de l'année. Afin de faciliter la comparaison avec les trois autres grands opérateurs, nous avons intégré ces derniers dans les différents tableaux de cet article.
SFR ayant modifié sa façon de présenter ses recrutements, nous ne pouvons donner tous les détails à son sujet
Free Mobile rattrape Bouygues à vitesse grand V
Le groupe Iliad peut avoir le sourire. Outre que le rapprochement de Bouygues Telecom avec SFR pourrait bien lui profiter (voir ci-dessous), la société affiche toujours de bons résultats, que ce soit financièrement ou concernant son nombre de recrutements de clients mobiles et internet. Free Mobile a ainsi attiré 605 000 abonnés supplémentaires, soit à peine moins que lors de son troisième trimestre 2013.
Par rapport à la concurrence, l'opérateur a donc de nouveau largement dominé les débats, même si l'écart s'est resserré avec Orange du côté des abonnés (forfaits). On peut aussi remarquer que Free rattrape à très grande vitesse Bouygues Telecom, ce qui pourrait expliquer l'empressement de ce dernier à se renforcer. Malheureusement, Iliad ne précise toujours pas la répartition de ses clients entre son forfait à 0/2 euros et son autre offre à 15,99/19,99 euros. Néanmoins, le groupe note tout de même que « depuis l’enrichissement du forfait mobile à 2€/mois (6 décembre 2012), le Groupe a accéléré sa conquête d’abonnés sur les utilisateurs ayant une consommation modérée ». Cela pourrait laisser entendre que les forfaits à très bas prix attirent plus de clients que son autre offre.
Sur toute l'année, Free Mobile a recruté 2,835 millions de clients supplémentaires dans le mobile. Une croissance incomparable aux autres opérateurs, dès lors qu'Orange a perdu 176 000 clients, tandis que Bouygues a aussi lâché du lest avec 107 000 clients partis vers d'autres cieux. SFR, pour sa part, a tout de même réussi à terminer l'année 2013 avec un bilan positif de 664 000 clients supplémentaires, une bonne performance, qu'il faut toutefois nuancer. En effet, l'opérateur avait été le grand perdant de l'année 2012 avec plus de 773 000 clients abandonnés, contre un léger fléchissement de Bouygues de 53 000 clients, et une progression de plus de 5,2 millions d'abonnés chez Free.
Depuis le début de l'année 2012, soit l'arrivée de Free Mobile, le bilan est d'ailleurs le suivant :
- Free : +8,040 millions de clients en deux ans
- Orange : -76 000
- SFR : -109 000
- Bouygues : -160 000
Le bilan en 24 mois est sans appel. Il faut bien entendu préciser que les trois grands opérateurs ont perdu massivement des clients prépayés (qui rapportent peu) et ont gagné durant la même période de nombreux abonnés (forfaits), aux marges supérieures. Cependant, tous affichent des baisses importantes de leurs revenus moyens par clients, d'où leur chiffre d'affaires en fort recul en 2013 comme en 2012. Free a bien chamboulé le marché, c'est une certitude, et les conséquences ne sont pas terminées même si l'opérateur recrute désormais à un rythme bien inférieur à celui de 2012. Cette année a ainsi bien des chances d'être plus faible encore que 2013, néanmoins, même avec une progression deux fois moins importante, Free Mobile restera toujours la locomotive du secteur. Il est intéressant de noter que tout cela s'est fait avec deux forfaits seulement, sans aucune baisse de prix. Un levier de croissance pourrait être le lancement de nouvelles offres, pourquoi pas des forfaits dédiés aux tablettes attendus depuis maintenant deux ans.
Fixe : Free domine encore en 2013, mais...
Concernant le marché haut débit, la chanson est bien différente. Si Free a réalisé une très belle année 2013, le dernier trimestre a été assez moyen avec seulement 60 000 nouveaux clients, soit 2000 de moins qu'Orange et 12 000 de moins que Bouygues Telecom. Avec 5,64 millions de clients, Iliad (Free+Alice) reste toujours l'opérateur numéro deux du marché juste devant SFR.
SFR ayant modifié sa façon de présenter ses recrutements, ce +48 000 est donc à prendre avec des pincettes
Sur toute l'année, Free et Alice ont attiré 276 000 nouveaux clients haut et très haut débit. Une bonne performance mais qui ne doit pas masquer un ralentissement important de sa part. En effet, en 2012, Free avait recruté 515 000 abonnés internet. L'année 2013 signe donc une division quasi par deux de ses niveaux de recrutements. Certes, 2012 avait été exceptionnelle, mais il suffit de comparer les données des autres opérateurs.
Recrutement de clients internet en 2013 :
- Iliad : +276 000
- Orange : +215 000
- Bouygues : +213 000
- SFR : +182 000
L'écart avec la concurrence s'est nettement resserré l'an passé, et le dernier trimestre prouve que la tendance se confirme. Avec la dernière offensive de Bouygues Telecom (et les prochaines qui arrivent), il faut s'attendre à ce que la lutte dans le fixe soit particulièrement difficile. L'arrivée d'une nouvelle Freebox n'en aura que plus de sens.
Notez que selon l'opérateur, son taux de dégroupage est de 94,8 % et que 27 millions de lignes environ et 5100 NRA sont concernés. Du côté du VDSL2, « la mise à jour du réseau sera bientôt terminée » indique Free. Quant à la fibre optique, l'opérateur est toujours aussi imprécis à ce sujet, tout au plus consent-il à annoncer que les premiers clients hors zone dense devraient être connectés cette année, et que son objectif (non daté) est de 700 000 à 900 000 clients FTTH.
Concernant son ARPU dans le fixe, soit le revenu moyen par abonné internet, il est de 36 euros par mois toutes offres confondues (soit 432 euros par an), sachant que les clients Freebox Révolution affichent un ARPU mensuel supérieur à 38 euros. Point intéressant, Free rappelle que sa marge brute est de 80 % en FTTH en zone dense, de 65 % en zone non dense, de 55 % en ADSL dégroupé et de seulement 30 % en zone non dégroupée.
Enfin, toujours au sujet du réseau fixe de Free, l'opérateur dit compter plus de 200 000 utilisateurs de FemtoCells. En 2012, SFR annonçait avoir déjà atteint un tel résultat. Aujourd'hui, ce nombre serait plutôt de 500 000.
Déjà supérieur à Bouygues tous clients confondus
Si l'on cumule tous les clients fixes et mobiles des quatre grands opérateurs, nous pouvons remarquer que le groupe Iliad surpasse donc déjà Bouygues Télécom. Une réelle performance, même si en quelque sorte faussée par les forfaits à 0/2 euros de l'opérateur.
Le bilan est ici assez limpide. Orange reste bien le leader incontesté du marché français, que ce soit dans le mobile et internet, où il cumule plus de 37 millions de clients. Néanmoins, le duo SFR et Bouygues le surpasse en cumul, principalement grâce au secteur mobile, où les deux opérateurs comptent près de 32,5 millions d'abonnés et de clients prépayés. Free, pour sa part, peut donc se vanter de doubler Bouygues en nombre de clients, à la fois du fait de son rattrapage dans le mobile et de son avance solide dans le secteur du haut débit. Toutefois, en cas de fusion entre Bouygues et SFR, Free sera particulièrement esseulé. On comprend dès lors bien mieux les importantes contreparties que devra réaliser la filiale télécom du groupe de BTP afin de convaincre l'Autorité de la concurrence. Renforcer Free sera ainsi primordial.
Concernant juste ce point majeur, l'opérateur n'est pas spécifiquement plus précis dans ses documents financiers que dans son communiqué publié ce week-end (notre article). Il indique toutefois qu'une éventuelle migration du réseau débuterait lors du deuxième trimestre 2015 et que cela pourrait prendre dix-huit mois. En somme, dans le cas d'un scénario où Bouygues céderait par exemple ses fréquences 2G et quelques fréquences en 3G et 4G (en sus de nombreuses antennes), Free aura de toute façon besoin de son accord d'itinérance avec Orange au moins jusqu'en 2016. L'opérateur a de plus rappelé qu'il n'aura pas besoin d'une augmentation de capital pour payer la somme de 1,8 milliard d'euros nécessaire pour acquérir les fréquences 2G, 3G et 4G de Bouygues et son réseau mobile.
Les bénéfices retrouvent le chemin de la croissance
En 2012, si Free avait déclaré des chiffres particulièrement élevés du côté des recrutements d'abonnés mobiles et fixes, l'opérateur avait aussi annoncé une régression de son bénéfice net. La faute à des investissements lourds sur plusieurs secteurs. En 2013, la logique est inversée. Ses recrutements ont été inférieurs à ceux de l'année précédente, mais son bilan est supérieur. Le groupe Iliad annonce ainsi un bénéfice net de 265,4 millions d'euros, en hausse de 42,3 % en un an et même de 5 % par rapport à 2011.
Son chiffre d'affaires a pour sa part atteint 3,748 milliards d'euros, en progression de 18,9 %, et il se décompose comme suit :
- Forfaits internet : 2,498 milliards d'euros (+7,6 %)
- Forfaits mobile : 1,261 milliard d'euros (+49,5 %)
Sa croissance est donc largement tirée par le mobile, ce qui n'étonnera personne. Le mobile représente d'ailleurs déjà plus d'un tiers de son chiffre d'affaires, et à court terme, il en représentera 40 %. Iliad précise que 89 % des revenus de ce secteur sont créés par les forfaits, ce qui signifie que les ventes de terminaux n'ont représenté que 11 % des résultats de cette branche.
Sa dette nette reste quant à elle toujours aussi faible, avec 1,023 milliard d'euros.
Effectif : le pied sur le frein après deux années folles
Après avoir recruté massivement en 2011 et 2012, avec plus de 2150 salariés supplémentaires au cours de ces deux années, soit une augmentation de son effectif de près de 50 %, Iliad a clairement ralenti la cadence en 2013. Seulement 370 personnes ont ainsi rejoint le groupe l'an passé, portant son total d'employés à 6876.
370 recrutements est un nombre bien inférieur à celui initialement prévu, alors que l'opérateur tablait sur 500 à 700 nouveaux employés pour l'an passé. Pour mémoire, la majorité de ses employés travaillent dans les centres d'appel, une bonne partie étant située en France, et le reste au Maroc. La masse salariale du groupe est passée de 170,230 millions à 197,955 millions d'euros entre 2012 et 2013, soit tout de même une progression de plus de 16 %.
Ses différents objectifs chiffrés
Enfin, comme à chaque bilan annuel, Free précise quels sont ses objectifs pour les futures années. Concernant sa couverture 3G par exemple, l'opérateur compte rajouter plus de 1500 nouveaux sites en 2014, le but étant d'atteindre notamment le taux de 75 % de couverture de la population imposé par l'ARCEP, sachant que ce taux est déjà de plus de 60 % à fin 2013. Pour couvrir 90 % de la population en 3G, qui est l'objectif du mois de janvier 2018, il lui faudra compter entre 8000 et 10 000 sites précise-t-il. Justement, Free note d'ailleurs, sans nommer l'opérateur, que son accord avec Orange jusqu'en janvier 2018 ne contient aucune clause de sortie. De quoi couper court aux spéculations de certains.
Du côté de la 4G, Free Mobile a tout de même pour objectif de couvrir 50 % de la population d'ici la fin de cette année. Son taux actuel n'est toutefois pas précisé. Pour rappel, l'ARCEP impose pour tous les opérateurs une couverture de 25 % d'ici fin 2015, de 60 % d'ici fin 2019 et de 75 % d'ici fin 2023, tout du moins en 2600 MHz. Des taux qui seront sans problème dépassés par tous les opérateurs, sachant que Bouygues dépasse déjà les 60 %, Orange les 50 % et SFR les 40 %.
Pour le marché mobile en général, son dernier objectif affiché reste de capter 25 % des clients, sachant qu'au 31 décembre 2013, il en était déjà à la moitié du chemin avec environ 12 % de ce marché. Il faut toutefois se rappeler que l'an passé, Free espérait atteindre seulement 15 % du marché à moyen terme, soit un peu plus de 10 millions de clients. L'opérateur comptant déjà plus de 8 millions d'abonnés, il est donc logique de le voir ne plus parler que des 25 % du marché, les 15 % étant une formalité. Son ambition représente environ 18 millions d'abonnés, ce qui signifie donc qu'à long terme, Free espèce recruter encore à peu près 10 millions de clients.
Financièrement, la logique est d'ailleurs la même. Officiellement, le groupe Iliad dit vouloir dépasser les plus de 4 milliards d'euros à l'horizon 2015. Mais sauf ralentissement majeur de sa croissance, cet objectif sera en réalité atteint dès cette année. Enfin, notez que l'opérateur compte désormais 38 Free Centers et qu'il compte en ouvrir une quinzaine d'ici la fin de l'année.