Getty veut financer la libre diffusion de 35 millions de ses photos par la pub

L'ouverture... d'un nouveau marché

C'est à la surprise générale que la banque de photos Getty Images a annoncé cette nuit qu'elle allait rendre intégrable pour n'importe quel internaute pas moins de 35 millions de ses clichés. La société, connue pour être assez attentive au respect de ses droits, change donc en partie de stratégie. Une ouverture de façade qui cache surtout une volonté de monétiser autrement l'exploitation de ses contenus.

Si le numérique défraie souvent la chronique pour des questions de droits d'auteur en relation avec l'industrie du disque ou celle du cinéma, ce ne sont pas les seuls touchés par le chamboulement de la dématérialisation des contenus. Celui des images et des photos a aussi connu son lot de drames et de problématiques, sans systématiquement créer autant d'émois. En effet, nombreux sont encore les simples internautes, ou même les blogs et autres sites plus installés, à oublier qu'une image mise en ligne n'est pas librement exploitable, et que même dans le cas d'une diffusion sous Creative Commons, des règles s'appliquent selon la licence choisie : indication de la paternité, utilisation non commerciale, etc.

La reprise d'images et de photos en ligne : une problématique peu évoquée

Les sites de « buzz » sont d'ailleurs parmi les premiers concernés, puisque leur principe est souvent de monétiser des pages qui proposent assez peu de contenus, mais des images et des vidéos piochées ici et là. Le plus souvent, lorsqu'une question de droit pourrait être évoquée, cela passe inaperçu, mais pas toujours. On se souvient ainsi de deux affaires concernant BuzzFeed. Dans le premier cas, le site s'était vu réclamer 1.3 million de dollars en 2012 par l'agence Mavrix Photo pour la publication de neuf clichés de Katty Perry et Kathy Griffin. Un article qui a disparu depuis.

 

Dans le second cas, c'est la photographe Kai Eiselein qui a réclamé au site pas moins de 3,6 millions de dollars pour l'utilisation de l'une de ses œuvres par le site dans le cadre d'un article sur des personnes faisant des têtes au football jugées comme marrantes via 30 photos, qui sont ensuite devenues 29. Du fait de la viralité du contenu publié sur BuzzFeed et la tendance des sites en ligne à se copier les uns les autres afin d'attirer leur part d'audience, ladite photo avait été ainsi reproduite de nombreuses fois, Eiselein estimant alors que c'est l'acte initial de BuzzFeed qui était à l'origine de son préjudice.

 

BuzzFeed Reprise d'image

L'avenir du photojournalisme

 

Dans une interview accordée à The Atlantic en 2012, le créateur du site, Jonah Peretti, s'expliquait en indiquant acheter de nombreuses images à des agences. Mais il confirmait aussi que ses équipes utilisaient de sites tels que Tumblr, Pinterest ou 4Chan, où ceux qui les publient ne prennent eux aussi pas toujours la peine d'indiquer leur source. Celle-ci se perd donc de fil en aiguille permettant à BuzzFeed (qui assure rechercher l'auteur initial) de mettre en avant sa bonne foi. Mais c'est aussi le caractère « transformatif » de la mise sous forme de liste par exemple, qui lui permettait d'invoquer le fameux « Fair use » américain.

 

Plus proche de nous, on se rappelle de l'affaire qui avait opposé un blog à M6 dans le cadre de l'émission 100 % Mag, pour laquelle une photo avait été reprise sans mention de son auteur. Ce dernier avait été renvoyé dans ses cordes pour une raison simple : la chaîne argumentait sur l'absence d'originalité du cliché, déterminante dans la question du droit d'auteur comme le rappelle l'Union des Photographes Professionnels / Auteurs sur son site.

Les banques d'images proposent des abonnements, Getty mise sur la publicité

Avec le temps, les choses se sont néanmoins organisées. Des banques d'images géantes ont été constituées et l'on ne compte désormais plus que quelques très gros acteurs sur ce terrain. Celles-ci sont connues pour être relativement intransigeantes avec le contenu dont elles gèrent les droits. Mais force est de constater que cela ne suffit pas toujours. Bien que des offres d'abonnement aient été mises en place pour les professionnels, il reste toujours un problème pour tous ceux qui veulent simplement agrémenter leurs contenus d'images, sans forcément se ruiner puisqu'ils ne sont pas forcément rémunérés pour leurs propres contenus, comme cela peut être le cas d'une grande majorité de blogs par exemple.

 

Getty Images, l'un des géants du secteur, a donc décidé de reprendre un modèle déjà assez courant sur internet : celui du code d'intégration. Ainsi, si vous vous rendez sur la version américaine du site, et que vous sélectionnez une image, vous verrez désormais une petite icône supplémentaire. Celle-ci permet à chacun d'utiliser cette image dans son contenu, librement et gratuitement. En échange, une mention de l'origine et de l'auteur sera mise en place. 

 

Bien entendu, tous les clichés de la banque ne sont pas disponibles, mais ce serait déjà le cas de 35 millions d'entre eux. Quelques restrictions sont aussi en place, Getty interdisant par exemple l'utilisation commerciale. Par cela, elle entend l'utilisation directe de l'image à des fins publicitaires ou promotionnelles par exemple. Ceux qui disposent d'un blog ou d'un site et gagnent de l'argent avec peuvent librement exploiter le code fourni.

 

Car le piège est ailleurs. En effet, si l'on regarde dans les conditions d'utilisations sur service, qui viennent d'être mises à jour, on note quelques subtilités. Getty précise bien entendu qu'elle se réserve le droit de retirer un cliché de la liste de ceux qui sont intégrables comme bon lui semble, mais surtout, qu'elle se réserve le droit de placer de la publicité au sein de son code d'intégration.

 

La cible, c'est vous

 

Car comme tous les codes du genre, qui n'est qu'une page web affichée dans une autre, il peut embarquer toute une série d'outils de tracking permettant de pister l'internaute, et donc de lui afficher du contenu publicitaire en fonction de ses visites. Avec cette stratégie, Getty veut donc à la fois inciter les éditeurs à respecter ses droits, mais au passage, continuer de monétiser ses photos d'une manière plus indirecte. 

 

La société indique d'ailleurs à nos confrères du British Journal of Photography qu'elle compte bien continuer à poursuivre ses batailles sur le plan juridique pour ceux qui utiliseraient ses images sans son accord. Mais désormais, elle pourra aussi leur retourner le fait qu'ils avaient la possibilité d'intégrer ce cliché avec le code mis à la disposition de tous (et potentiellement rémunérateur).

 

Il sera intéressant de voir si un tel service se met à être massivement utilisé dans les semaines qui viennent ou non, mais pas seulement. La réaction de ceux qui diffusent leurs contenus sur des banques telles que Getty vont sans doute s'inquiéter pour leur rémunération si de telles initiatives venaient à se développer chez la concurrence. On se souvient des résistances aux débuts de services comme Deezer dans le monde de la musique, un modèle Freemium exploitant la publicité encore souvent remis en cause par certains. Est-ce vers cela que le monde de la photographie se dirige désormais ? L'avenir nous le dira.

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