Mardi soir, le chef de l’État était invité au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). De la même manière que lors de ses dernières rencontres avec les autorités religieuses (voir ici et là), le président n’a pu faire l’impasse sur les problèmes d’antisémitisme sur Internet. François Hollande est ainsi revenu sur « les nouvelles menaces d’internet ».
Discours lors du dîner du Conseil Représentatif... by elysee
Tandis que son prédécesseur affirmait sans vergogne qu’il souhaitait « civiliser » Internet, François Hollande a fait des « sorties » remarquées ces derniers mois, s’en prenant notamment à « la tranquillité de l’anonymat » qui règnerait parfois selon lui sur le réseau. Évoquant mardi « les nouvelles menaces d’internet », le président a présenté le numérique comme un « outil merveilleux de diffusion et d’échange ». « Mais comme le livre avant lui, le numérique peut aussi servir de déversoir à l’intolérance, à l’injure, à l’endoctrinement » a néanmoins regretté le chef de l’État.
Quand bien même le locataire de l’Élysée a pris le soin de préciser que, comme pour le livre, « ce n’est pas l’instrument qui est en cause, c’est la thèse qui est diffusée », l'intéressé a toutefois continué sur un ton relativement anxiogène : « C’est cela le risque d’internet. C’est la multiplication, c’est le déversement, c’est la diffusion à un niveau jusque là jamais atteint de mensonges et d’insultes. »
Le président veut des « règles » spécifiques au numérique
Et qui dit problème, dit solution à mettre en avant... « Le numérique doit donc avoir ses règles » a ainsi martelé le président. Ce dernier a tout particulièrement visé « les fournisseurs d’accès et les opérateurs », qui « doivent les respecter sans que l’extraterritorialité ne puisse constituer une excuse », même si, en l’occurrence, les acteurs connus pour traîner des pieds sont principalement des hébergeurs situés aux États-Unis (Facebook, Twitter,...), et non des opérateurs ou des FAI à proprement parler. « Si l’on arrive à lutter contre les images pédophiles, nous devons aussi réussir à lutter contre les messages délibérément racistes et antisémites » a également souligné le chef de l’État.
Les mises en garde du Conseil national du numérique restent dans le placard
L’on retiendra surtout qu’en déclarant que le numérique doit avoir ses propres règles, l’exécutif prend le parfait contrepied du Conseil national du numérique. Interrogé justement à propos des contenus et comportements illicites sur Internet, l’institution répondait en décembre dernier qu’il importait « de ne pas céder à la facilité d'isoler systématiquement le numérique dans la législation ». Le CNNum plaidait plutôt pour une meilleure prise en compte des signalements, ainsi qu’une médiation avec les internautes.
« Les comportements et activités qui promeuvent l’incitation à la haine, à la violence et la discrimination envers les personnes, en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, de leur religion, de leur origine ethnique, existent sur les réseaux numériques parce qu'ils existent dans la société. Il faut les combattre globalement, en ligne et hors ligne » affirmait sans ambiguïté le CNNum dans son avis (PDF). L’organe, purement consultatif, craignait qu’en multipliant les régimes d'exception, les pouvoirs publics réduisent « la cohérence des lois, au risque de rendre le système législatif incompréhensible, voire de porter atteinte à notre cadre de protection des libertés fondamentales ».
Dans l'attente des conclusions du groupe de travail sur la cybercriminalité
Pour ébaucher ces nouvelles règles propres au numérique, François Hollande a fait référence au groupe de travail interministériel relatif à la cybercriminalité, dont les conclusions sont toujours attendues. Le président a en effet expliqué avoir « demandé au gouvernement de [lui] faire rapidement des propositions pour améliorer notre réactivité et éventuellement notre appareil répressif par rapport au développement de la cybercriminalité ». Les conclusions des travaux menés par le magistrat Marc Robert devront dans ce cadre se pencher sur la façon dont les autorités pourraient « inciter les sociétés à coopérer dans la lutte contre les tweets à caractère raciste et antisémite ».
Sauf que « rapidement » n’était pas forcément le terme adéquat... En effet, ce groupe de travail interministériel relatif à la cybercriminalité fut tout d’abord évoqué en janvier 2013. Manuel Valls assurait alors qu’il devrait rendre des conclusions « dans un délai resserré ». Finalement, ce n’est que pour novembre que ce rapport était attendu. Depuis, il est sans cesse reporté : tout d’abord à février 2014, puis pour la fin mars (et ce alors que le Premier ministre l’avait annoncé le 20 février pour la semaine suivante...). Ces conclusions sont pourtant très attendues, puisqu’elles devraient inspirer plusieurs dispositions du projet de loi « numérique » qu’à promis de déposer le gouvernement d’ici cet été.
La France veut continuer de jouer la carte de la coopération avec les géants du Net
Évoquant la problématique relative à Twitter, le locataire de l’Élysée n’a pas manqué de vanter le bilan du gouvernement, monté sur ce créneau depuis plus d’un an maintenant. « Le gouvernement a négocié avec cette grande entreprise des engagements concrets : suppression des contenus illicites, gel des données d’enquêtes, déréférencement » a-t-il ainsi déclaré.
Au cours de l’année 2013, la France a obtenu pour mémoire le blocage d’accès de 145 tweets - devançant ainsi tous les autres pays. Mais c’est au compte de « signalant prioritaire » accordé à SOS Homophobie par le célèbre réseau social que l’on doit ces résultats en matière de retrait de tweet et de déréférencement de hashtag. En outre, rappelons que ce compte permettant à certaines organisations de transmettre plus rapidement à l’entreprise américaine des propos ou contenus litigieux n’est pas proposé uniquement en France...
François Hollande s’est quoi qu'il en soit voulu optimiste et volontaire : « Nous agirons de la même manière en France, en Europe et dans le monde face aux géants mondiaux du numérique pour aboutir à ce résultat ».