En décembre 2013, la Commission européenne a lancé une vaste consultation à l’échelle de l’Union sur le droit d’auteur. Qu’ils soient consommateurs, utilisateurs, interprètes, éditeurs, des producteurs, radiodiffuseurs, intermédiaires, distributeurs, sociétés de gestion collective, autorités publiques ou États membres, chacun est invité à y répondre. L’objectif ? Une éventuelle révision des règles de l’Union européenne en la matière. La SACD vient tout juste de rendre publiques ses réponses, alors que le terme de la consultation a été fixé à demain. Nous reviendrons dans le détail, très dense, en s’arrêtant d’abord sur la question du renforcement du droit d’auteur.
Aurélie Filippetti et Pascal Rogard, DG de la SACD
Quand la direction générale « Marché intérieur et services » lance ce sujet, la société de gestion collective focalise son attention sur la directive de 2000 sur la société de l’information. C’est elle qui définit la responsabilité aménagée des intermédiaires techniques. Visiblement, un droit daté pour la SPRD qui aimerait durcir le statut juridique de ces acteurs afin de faciliter leur mise en cause.
Aux intermédiaires de supporter le coût du filtrage et du blocage
Elle aimerait ainsi que ces acteurs mettent la main au porte-monnaie lorsque des mesures de filtrage sont décidées par exemple par un juge. « Si l’on veut que la lutte contre la contrefaçon sur Internet soit efficace, il faut que les intermédiaires soient tenus de prendre au moins en partie à leur charge le financement des mesures tendant à la faire cesser ou à la prévenir le cas échéant dans des conditions fixées par le juge ». Elle voit du coup d’un mauvais œil la décision Allostreaming. Si les ayants droit de l’audiovisuel sont parvenus à faire bloquer 16 sites de streaming, le juge a déchargé les FAI et les moteurs d’avoir à financer ces opérations, contrairement aux souhaits des demandeurs qui ont donc fait appel.
« Le juge français a récemment écarté [cette participation financière] dans le cadre d’une décision positive sur le principe, mais dont l’application risque d’être complexe en raison de l’absence d’implication financière des intermédiaires concernés. »
Instaurer le notice and stay down
Mais la SACD a un autre sujet en tête. C’est celui des notifications qui viennent dénoncer la présence sur le serveur d’un hébergeur d’un fichier issu de leur catalogue. À ce jour, la jurisprudence est très agaçante pour eux puisque selon plusieurs décisions, ils doivent notifier chaque fichier et ses remises en ligne successives.
« Lorsqu’un ayant droit a d’ores et déjà notifié à un intermédiaire qu’une œuvre – ou plus probablement une série d’œuvres fait l’objet d’une contrefaçon la première notification devrait suffire pour que l’intermédiaire vielle à maintenir la suspension de la mise à disposition de cette œuvre ou de ces œuvres » revendique la SACD.
En somme, la SPRD demande à ce que le droit européen institue un système de Notice and Stay Down avec lequel « il ne devrait pas être nécessaire de faire plusieurs fois de suite la même notification. » Ce mécanisme est le nom fleuri du filtrage qui vise à analyser les mises en ligne faites par les internautes pour les bloquer en cas d’atteinte aux intérêts des ayants droit. « Le fait que les intermédiaires ne soient pas tenus à une obligation de surveillance générale est interprété de façon extensive au détriment des ayants droit (qui le plus souvent disposent de moyens financiers et techniques très inférieurs à ceux des intermédiaires techniques). »
Des notifications toujours présumées justifiées
Autre idée poussée en avant, la mise en place d’une présomption de « notification justifiée » qui serait reconnue « au profit des groupements d’auteurs ou d’autres titulaires de droits qui ont pour objet de défendre la propriété intellectuelle de leurs membres ».
Avec une telle présomption, laissant entendre un formalisme moindre à celui exigé par le droit actuel, la SACD rêve d’une pluie de notifications sur la tête des acteurs du numérique. En contrepartie, la plateforme d’hébergement serait dégagée « de toute responsabilité l’intermédiaire technique qui les mettrait en œuvre ». A contrario, elle verrait sa responsabilité automatiquement engagée si elle n’obéit pas au doigt, et surtout à l’œil aux ayants droit.
Plus largement, elle demande à ce que cesse l’application du régime de l’hébergement pour tous les opérateurs « qui sont en réalité des entreprises qui assurent une exploitation systématique des œuvres protégées pour valoriser leur marque ». Cette application « apparaît difficilement justifiable en l’état sauf à entraver la lutte contre la contrefaçon et à remettre en cause la viabilité économique de la création et de son financement. »
Quels acteurs a en tête la SPRD ? Une broutille. Les sites communautaires au titre des contenus générés par les utilisateurs (UGC) ou encore les moteurs de recherche, notamment.