Les dossiers détenus entre les murs de la Hadopi relatant les faits reprochés à un internaute sont-ils communicables au titre des documents administratifs ? Non répond finalement la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs, qui vient de modifier sa position sur ce point.
Un internaute avait saisi la CADA suite au refus que lui avait opposé Mireille Imbert Quaretta. La présidente de la commission de protection des droits, tourelle pénale de la riposte graduée, lui avait en effet refusé de lui transmettre « l’ensemble des pièces qui ont fondé les avertissements dont il a fait l’objet les 27 juin et 4 août 2013 ».
Pourquoi un tel refus ? La Commission de protection des droits lui a en effet expliqué que ces éléments sont la première pierre d’une procédure pénale. En effet, des avertissements restés sans effet conditionnent la transmission d’un dossier au procureur de la République puis au tribunal de Police si celui-ci l’estime opportun.
Les documents de la CPD ne sont pas de natures administratives
La CADA a cette fois donné raison à la Hadopi : « les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle (…) ne présentent pas un caractère administratif ». Du coup, ils n’entrent pas dans le champ de la loi du 17 juillet 1978 sur la communication des documents administratifs contrairement à ce qu'avait décidé dans le passé la CADA.
Pour appuyer sa réponse, que nous a signalée Vincent Granier sur Twitter, la Commission s’est fondée sur l’interprétation donnée par le Conseil d’État le 19 octobre 2011. Dans cet arrêt, rendu à la demande de French Data Network, la haute juridiction administrative avait expliqué que les avertissements de la CPD ont pour effet « de rendre légalement possible l’engagement d’une procédure judiciaire » et « sont indissociables d’une éventuelle procédure pénale conduite ultérieurement devant le juge judiciaire, à l’occasion de laquelle il est loisible à la personne concernée de discuter tant les faits sur lesquels elles se fondent que les conditions de leur envoi. »
La CADA a ainsi été contrainte de revoir sa position qu’elle avait exprimée en juillet 2011. Les recommandations, comme les PV des agents assermentés de la Hadopi, ainsi que les pièces annexées « dès lors que ces documents sont indissociables d’une éventuelle procédure pénale ultérieure » sont regardées « comme ayant le caractère, non de documents administratifs, mais de documents produits dans le cadre et pour les besoins d’une procédure judiciaire ». Ils ne sont donc pas communicables puisqu’ils revêtent un caractère judiciaire.
La même commission prévient aussi que cette qualité perdure quand bien même les conditions de la contravention de négligence caractérisée ne sont pas réunies ou que l’autorité publique indépendante décide de ne pas saisir l’autorité judiciaire.
Des documents qui n'ont pas à être motivés
Rappelons que le Conseil d’État, dans son arrêt du 19 octobre 2011, précité, avait déjà expliqué à FDN que les avertissements n’ont pas à être motivés au sens de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. Ces recommandations ne sont en effet que des rappels à la loi des obligations pesant sur l’abonné, non des actes « faisant grief ».
Si on résume, l’abonné n’a pas la possibilité d’exiger une motivation au sens de la loi de 1979 puisque ces rappels à la loi n’ont pas le « caractère de sanction ni d’accusation » (Conseil d’État). Mais il ne peut pas davantage exiger la communication de son dossier puisque ces rappels à la loi sont aussi les premiers pas d’une procédure pénale (Avis CADA).
Dernier détail. Un abonné n’est pas totalement coupé de toute communication avec la Hadopi. S’il reçoit un avertissement, il peut faire valoir ses observations, ou demander des précisions sur les titres des œuvres en cause. Il lui faut alors contacter la Hadopi par exemple via ce site.