Alors que nous apprenions avant-hier qu'Orange (qui a fait appel) venait d'être condamné à payer 51 millions d'euros à SFR pour concurrence déloyale sur les maisons secondaires, voilà que la justice a cette fois puni l'opérateur au carré rouge suite à une plainte... d'Orange. Ce dernier lui reprochait d'avoir sous-dimensionné volontairement son réseau, forçant ainsi l'opérateur historique à compenser cette charge. Les deux opérateurs ont fait appel de cette décision.
« SFR a sciemment sous-dimensionné la taille de ses équipements » selon Orange
Dévoilé par BFM Business, le jugement du tribunal de commerce de Paris date du 10 décembre dernier et oppose donc SFR et Orange. Le premier a ainsi été condamné à payer au second 22,163 millions d'euros précisément selon le jugement que nous avons pu nous procurer. Ce dernier précise que l'opérateur historique a considéré que « SFR a sciemment sous-dimensionné la taille de ses équipements afin d'engendrer un trafic dit de débordement et de faire assumer la charge et l'acheminement de son propre trafic d'appels en période de pointe par le réseau FT ».
Une telle manœuvre a pu être réalisée du fait de divers accords signés à la fin des années 90 et au début des années 2000 entre Orange et plusieurs opérateurs rachetés plus tard par SFR, à savoir Télécom Développement, Télé 2 et Louis Dreyfus Communication. Ces conventions avaient pour but d'assurer le trafic en cas de débordement. Orange disposant d'un réseau national performant, il se devait donc de compenser les dépassements des tuyaux, généralement en cas de pics de trafic. Cet accord implique logiquement que les opérateurs tiers disposent de larges tuyaux, ceci afin que de tels dépassements soient rares.
Or selon l'opérateur historique, SFR a tout fait pour abuser du système. Orange a ainsi accusé la filiale de Vivendi de déporter « sciemment la gestion des pointes de son propre trafic sur le réseau de France Télécom ». On parle ici de plusieurs dizaines de débordements par jour dans certains cas. Pour le mois de novembre 2010, le tribunal a ainsi retenu 313 abus, soit plus d'une dizaine par jour lors de ce mois-ci.
Orange a donc demandé des indemnisations à la hauteur du préjudice. Sachant que « l'obligation conventionnelle incombant à SFR de dimensionner correctement son réseau afin de ne pas déborder de façon abusive est une obligation de résultats et que les clauses pénales prévues dans les conventions d'interconnexion signées avec SFR sont applicables dès lors que SFR ne satisfait pas à son obligation de ne pas déborder ».
310 millions d'euros demandés, 22 millions récoltés
Pour Orange, qui a déposé plainte le 10 août 2011, les abus de SFR méritaient une condamnation de 140,87 millions d'euros pour la période 2006-2009, et de 168,66 millions d'euros pour ceux réalisés en 2010 et 2011. Au total, c'est donc près de 310 millions d'euros qui ont été demandés par l'opérateur. Il n'en obtiendra toutefois qu'une fraction, puisque le tribunal de commerce de Paris a condamné SFR à payer à Orange 22,133 millions d'euros « au titre des clauses pénales contractuelles avec intérêts de retard au taux légal ». Dans les détails, 4 839 abus ont été retenus par le tribunal (entre juin 2010 et juin 2011), et chaque abus a été valorisé à 4 573 euros, ce qui revient donc à un peu plus de 22 millions d'euros.
Le tribunal a de plus fait injonction à SFR de « mettre un terme immédiat aux débordements abusifs (...) en raison des pointes de trafic constatées » sur les réseaux de Orange, ceci sous astreinte de 10 000 euros pour débordement constaté pour pointes de trafic notifié par l'opérateur historique. Rajoutons que la filiale de Vivendi a été déboutée de sa demande de juger irrecevable l'ensemble des demandes d'Orange, « faute de présenter un constat d'échec formel d'une tentative de conciliation ». Le tribunal a de plus débouté Orange de sa demande d'expertise, l'opérateur souhaitant bien entendu aller plus loin encore que la justice.
SFR a indiqué à notre confrère avoir fait appel de cette décision. Plus amusant, Orange a aussi fait appel, preuve que la somme de 22 millions d'euros n'était pas suffisamment élevée à son goût.