Contre la subvention des téléphones mobiles et plus précisément son opacité, Free a porté plainte en ce sens contre SFR cet été. Hier, se tenait au tribunal de commerce de Paris l'audience sur ce conflit, qui précède le jugement du 4 décembre prochain. Free Mobile aurait marqué des points selon La Tribune, présent sur place.
Les offres Carrées de SFR sont très critiquées par Free Mobile
Du crédit déguisé
Pour Free Mobile, la situation est simple : la subvention de téléphone est une concurrence déloyale. « C’est une façon de faire du crédit à la consommation déguisé… sans se soumettre aux contraintes légales » expliquait ainsi Xavier Niel en juillet dernier. « Cela revient à pratiquer des taux d’usure de 300 ou 400 % que le consommateur ne voit pas. »
Sa société a ainsi attaqué SFR pour concurrence déloyale, estimant que ses offres couplées sont équivalentes à des contrats de vente à crédit, opérations soumises à des règles bien différentes de celles appliquées par l'opérateur. Free, afin d'appuyer sa plainte, devait prouver la faute de SFR et démontrer les dommages liés à cette faute.
Or d'après notre confrère, l'audience d'hier de 2h30 a été assez favorable à Free Mobile. Ce dernier explique notamment être surtout opposé à « l'opacité volontairement entretenue sur la mécanique contractuelle » par SFR ainsi que par « la technique du double prix avec supplément » de ses formules Carrées.
Moins c'est cher, plus c'est cher
De quoi parle Free Mobile précisément ? Sont en fait ici visées les différentes offres pour un même téléphone, à savoir un appareil vendu à 399 euros selon certains critères (petits forfaits par exemple), et ce même téléphone cédé à prix cassé (29 €, 9 €, 1 €, etc.) mais accompagné d'un forfait très onéreux. Or pour Free, le problème se situe sur ce dernier point : le mobile à prix fondu accompagné d'un forfait coûteux est équivalent à vendre un smartphone « avec un taux d'intérêt de 43 % ». Cela explique ainsi pourquoi Free considère qu'il s'agit d'un crédit déguisé.
Si ce système existe depuis de longues années, Free Mobile s'y attaque aujourd'hui dès lors qu'il est présent sur le marché et qu'il considère que cela nuit à son développement, l'astuce étant une pratique illégale à ses yeux. Les avocats de SFR ont bien sûr tenté d'expliquer qu'il ne s'agissait en aucun cas d'un crédit à la consommation, d'autant plus que la loi Chatel permet de se désengager de nombreux mois avant la fin de son forfait. Ce à quoi la juge Édith Merle a répondu : « un crédit peut prendre de nombreuses formes ».
Ce qui semble être un bon point en faveur de Free s'accompagne d'une sorte d'aveu de SFR, qui estime que son taux d'usure très élevé (dénoncé par Niel en juillet dernier) ne concerne que 0,05 % de ses abonnés. « C'est la reconnaissance que ces hypothèses ne sont pas hypothétiques : 0,05 % sur 21 millions, c'est beaucoup » a rapidement fait remarquer Free.
Ceux qui ne changent pas régulièrement de téléphones sont-ils des pigeons ?
Selon Delphine Cuny, journaliste pour La Tribune, la défense de SFR n'a pas été des plus convaincantes en ce qui concerne ses différents tarifs pour un même téléphone. D'autant plus que SFR a réalisé un deuxième aveu en affirmant que « par un système de péréquation, tous les abonnés contribuent » au financement des téléphones. En somme, ceux qui changent rarement de téléphones et qui ne changent pas de forfait paient pour ceux qui renouvellent régulièrement leur appareil...
Rappelons que 29 millions d'euros de préjudice en faveur de Free Mobile sont en jeu, et surtout que des millions de contrats de SFR pourraient être bouleversés selon la décision de justice du 4 décembre prochain. Qui plus est, les conséquences pourraient être non négligeables sur Orange, Bouygues Télécom et de nombreux MVNO, qui pratiquent les mêmes méthodes que SFR.