[MàJ] Liste noire du travail illégal : les députés se rangent derrière l’exécutif

Noir c'est noir
Mise à jour :

Sans grande surprise, l’amendement déposé hier par le gouvernement a été adopté cette nuit par les députés. Ceux déposés par la majorité (à propos notamment de la suppression du seuil d’amende minimale) sont donc tombés. Quant à l’opposition, ses amendements ont été rejetés, mais plusieurs parlementaires UMP n’ont pas manqué de se féliciter que l’exécutif « se soit rallié à leur position concernant l’avis de la CNIL sur le décret de mise en place de cette "liste noire" ». La suppression de la référence explicite aux noms, coordonnées postales et numéros d’identification des entreprises a également été saluée. 

L’Assemblée nationale devrait commencer de débattre cet après-midi du texte de loi ouvrant la possibilité pour les juges d’épingler les professionnels et particuliers condamnés pour travail illégal sur une « liste noire » diffusée sur Internet. Le gouvernement vient d'ailleurs de déposer un amendement au travers duquel il apporte son soutien au dispositif, lâchant au passage un peu de lest en direction de l'opposition. Mais comme lors de l’examen du texte en Commission, les débats promettent d’être tranchés. 

députés assemblée

 

Après avoir été adoptée par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale la semaine dernière, la proposition de loi portant sur la sous-traitance et la lutte contre le dumping social doit être débattue à partir de cet après-midi en séance publique. Pour rappel, c’est au travers de ce texte que les élus du groupe socialiste veulent permettre au juge de mettre à l’index, sur Internet, les entreprises ou les particuliers ayant été condamnés pour des infractions relatives au travail illégal (fraudes aux revenus complémentaires, travail dissimulé,...).

 

Plus concrètement, tout magistrat étant en présence d’une « condamnation définitive d’une personne morale ou d’une personne physique à une amende d’au moins 15 000 € pour des infractions constitutives de travail illégal » pourra décider (ce ne sera donc pas systématique) d’infliger une peine complémentaire consistant à inscrire ce particulier ou cette entreprise sur une « liste noire » diffusée sur le site Internet du ministère du Travail. Seront ainsi à la connaissance du public, et ce pendant une durée d’un an : le nom et les coordonnées postales des personnes concernées - et éventuellement le numéro d’identification des entreprises (répertoire INSEE en France ou équivalent pour les autres États membres de l’Union européenne).

 

Comme l’ont démontré les débats en Commission, la pertinence et les modalités de mise en place de cette future liste noire donnent lieu à des points de vue particulièrement tranchés. Cette opposition se retrouvera une nouvelle fois lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique.

Vers un nouveau rabais du seuil déclencheur ?

Plusieurs amendements ont en effet été déposés (voir redéposés pour certains), notamment afin de durcir le dispositif. Si le seuil de l’amende nécessaire pour que le juge puisse décider de cette peine complémentaire a été ramené de 45 000 à 15 000 euros en Commission, certains élus de la majorité aimeraient qu’il n’y ait plus de seuil du tout, mis à part celui de la condamnation bien entendu.

 

Aux yeux de la députée Chantal Guittet, laisser un tel seuil risque en effet de réduire « de manière considérable la portée de cette mesure ». L’intéressée prévient : « Afin de ne pas faire de cette liste noire une coquille vide, il est donc proposé de supprimer le quantum de 15 000 euros, afin que le juge puisse soumettre à l’inscription sur la liste noire, toute personne morale ou physique qui serait condamnée pour avoir eu recours à du travail illégal ». L’idée est ainsi de laisser chaque dossier à l’appréciation du juge.

Les socialistes veulent passer de un à deux ans la durée de publication des données

Autre proposition visant à muscler les réprimandes : rallonger la période durant laquelle les données d’une personne condamnées sont mise en ligne. D’un an, cette mise à l’index pourrait passer à deux ans « au plus ». C’est en tout cas ce que souhaite l’ensemble des députés membres du groupe socialiste, qui a déposé un amendement en ce sens.

De potentiels risques de contradiction avec la loi Informatique et Libertés

Du côté de l’opposition, le point de vue s’avère bien différent. Deux amendements ont en effet été déposés afin de supprimer purement et simplement ce dispositif. « Dans les faits, cette inscription sur une liste noire équivaut à une interdiction d’exercer puisque les entreprises sanctionnées seront exclues des marchés » craignent ainsi une dizaine de députés UMP, qui estiment qu’il serait préférable d’effacer ces dispositions « afin de laisser au juge, et à lui seul, la possibilité de prononcer une interdiction d’exercer, possibilité dont il dispose au titre des peines complémentaires qu’il peut prononcer dans pareil cas ».

 

À défaut d’arriver à une suppression en règle de l’article instaurant cette nouvelle peine complémentaire, l’opposition prévoit de se battre afin de pouvoir au moins encadrer davantage le dispositif. Les élus de l’UMP réclament ainsi que le décret précisant les modalités d’application de cet article soit pris après avis de la CNIL. « Sans même juger de l’efficacité du dispositif, il convient de s’assurer en premier lieu de sa conformité avec les dispositions de la loi n°1978-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La rédaction de l’article incluant « les personnes physiques » dans sa cible, de sérieux doutes peuvent être émis à ce sujet » expliquent les parlementaires dans leur amendement.

 

C’est d’ailleurs en raison d’éventuels risques de non-conformité de ces dispositions avec la loi « Informatique et Libertés » que trois de ces députés souhaitent exclure expressément les personnes physiques du champ de cet article. Les personnes morales (entreprises, associations, etc.) deviendraient alors les seules à pouvoir être inscrites sur la future liste noire.

L'exécutif apporte son soutien au dispositif

Le gouvernement semble avoir entendu les mises en garde sur cette question. Ce matin, il a effectivement déposé un amendement prévoyant que la CNIL sera saisie avant la publication du futur décret d’application de cet article. Réécrivant pour la forme l’article instaurant cette liste noire, l’exécutif a néanmoins gardé tous les fondements du dispositif (et notamment le seuil des 15 000 euros). L’équipe de Jean-Marc Ayrault a par ailleurs compris le message envoyé par l’amendement défendu par l’ensemble du groupe socialiste, puisqu’elle fait déjà référence à une diffusion opérée « pour une durée maximale de deux ans ».

La suppression du dispositif écartée une première fois en Commission

Pendant les débats en Commission, le député Dominique Tian (UMP) avait lutté bec et ongle contre la mise en place de cette liste noire. « Quel intérêt de publier une liste noire sans que cela ait de conséquence pour la personne concernée, hormis celle de la stigmatiser ? C’est inepte, et ce serait en outre une incongruité juridique, car il existe un droit à l’oubli, avait ainsi défendu l’élu. C’est comme si l’on disait qu’une inscription sur le casier judiciaire n’a aucune portée, mais qu’il faut quand même la signaler au futur employeur ! Qu’une condamnation soit incompatible avec l’exercice d’une fonction, cela peut se comprendre ; que l’inscription sur une liste noire entraîne des sanctions, également ; mais, en l’occurrence, ce n’est pas de cela qu’il s’agit ».

 

Les députés siégeant en Commission n’avaient cependant pas donné suite à l’opposition du parlementaire, se rangeant derrière l’avis défavorable du rapporteur de la proposition de loi. « Notre intention, à terme, est de promouvoir la création et la publication d’une « liste noire » européenne, qui serait infiniment plus utile. En attendant, il serait bon que la France soit à l’avant-garde sur le sujet » avait ainsi expliqué le député Gilles Savary. Avant de poursuivre : « L’enjeu est également d’alerter le maître d’ouvrage sur les pratiques de l’entreprise : il s’agit, non pas de l’empêcher de traiter avec elle, mais de lui faire savoir qu’elle a des antécédents. (...) C’est le juge qui choisira de mettre en œuvre, ou non, cette disposition. Il s’agira d’une peine complémentaire qui n’interviendra que dans les cas les plus graves. Et être inscrit sur une telle liste n’empêchera pas une entreprise de travailler » a-t-il rétorqué.

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