WikiLeaks a publié un communiqué dénonçant l’espionnage direct de la NSA sur ses activités. Des informations révélées par des documents fournis par Edward Snowden, le lanceur d’alertes ayant déjà fourni de nombreuses informations sur les activités du renseignement américain.
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Un site sous haute tension depuis plus de trois ans
WikiLeaks est connu pour la divulgation d’un nombre très important de documents sensibles, notamment les fameux câbles diplomatiques qui avaient provoqué de fortes condamnations de la part des gouvernements impliqués. Reporters Sans Frontières avait d’ailleurs à l’époque estimé que cette divulgation massive était irresponsable, principalement parce qu’elle mettait en danger la vie des agents infiltrés dans certaines organisations terroristes.
Cette explosion d’informations a conduit le fondateur et rédacteur en chef de WikiLeaks, Julian Assange, à entrer à l’ambassade d’Équateur le 19 juin 2012 pour y demander l’asile politique. La demande est traitée et l’asile lui est officiellement accordé depuis le 16 août 2012. Depuis son entrée dans l’ambassade, l'Australien n’en est pas ressorti, y donnant des interviews ou des déclarations publiques. C’est la proximité avec Assange qui avait d’ailleurs décidé le lanceur d’alertes Edward Snowden à tenter lui aussi sa chance avec l’Équateur, avant que son passeport ne soit annulé par les États-Unis, le forçant alors à rester en Russie, qui lui a accordé d’ailleurs un asile temporaire d’un an.
Julian Assange, al-Qaeda, même combat
Or, la proximité entre les affaires Assange et Snowden franchit un nouveau pas avec la révélation d’un certain nombre de documents portant justement sur les activités de la NSA (National Security Agency) et du GCHQ (Government Communications Headquarters) autour de WikiLeaks. Les agences américaine et anglaise ont ainsi établi une surveillance particulièrement rapprochée du site dès 2010. Au moins un document suggère que Julian Assange lui-même a été placé dans la liste « MANHUNTING » contenant entre autres des noms de membres suspectés d’al-Qaeda.
D’autres documents montrent comment le réseau de surveillance a été organisé et comment la NSA voulait étendre les activités autour de WikiLeaks. L’un d’entre eux indique par exemple que le GCHQ a effectué une surveillance active de WikiLeaks et de ses lecteurs à partir de 2012. Rien ne suggère que cette activité ait cessé depuis. Un autre document indique que la NSA voulait placer le site en statut d'« élément étranger malveillant », ce qui aurait permis d’augmenter les moyens de surveillance. Tout porte à croire cependant que ce statut n’a pas été mis en place.
WikiLeaks veut une enquête sur les « activités criminelles » de la NSA
Évidemment, du côté de WikiLeaks, le ton est à la colère. Julian Assange a ainsi publié un communiqué indiquant que le site « condamnait fermement l’attitude inconsciente et hors-la-loi de la National Security Agency ». WikiLeaks en appelle désormais « à l’administration Obama pour nommer un procureur spécial qui enquêtera sur l’étendue de l’activité criminelle de la NSA contre les médias, dont WikiLeaks et ses réseaux étendus ».
Assange se dit particulièrement inquiet que les décisions concernant WikiLeaks aient été prises par l’Office of the General Counsel, autrement dit le bureau du responsable juridique de la NSA. Le fondateur ajoute : « Non moins inquiétantes sont les révélations portant sur déploiement, par les États-Unis, de représentants de l’État pour faire pression sur les nations européennes ». Assange accuse directement « la NSA et ses complices anglais » de ne « montrer aucun respect pour la loi ».
Le ton monte d’un cran quand Julian Assange prévient qu’il « y a un prix à payer pour la conduite d’actions illicites contre un média ». Le réfugié politique attaque : « Nous avons déjà déposé des plaintes contre le FBI et l’armée américaine dans de multiples juridictions européennes. L’informateur payé par le FBI, qui a essayé de vendre des informations sur moi et mon équipe, a été emprisonné plus tôt cette année ».
Une opposition transatlantique
La tension atteint un nouveau palier maintenant que la bataille devant les tribunaux se précise. Une intensification des échanges qui se fait dans un cadre plus troublé encore qu’il ne l’était ces dernières années depuis le scandale Prism et les révélations sur le monde du renseignement. Comme on a pu le voir hier avec les déclarations d’Angela Merkel sur la construction d’un « réseau européen de communications », l’ingérence des agences américaines dans les données étrangères pourrait bien être un nouveau terrain d’affrontement avec le Vieux continent.
En outre, WikiLeaks a lancé dimanche une nouvelle fonctionnalité sur son site : un moteur de recherche. L’ajout peut sembler anodin, mais il permet de retrouver avec beaucoup plus d’efficacité des données particulières. Sans moteur de ce type, l’exploration de la montagne de documents pouvait en effet se révéler un vrai défi. Cette arrivée montre une volonté d’ouvrir les données accumulées au plus grand nombre, même si des opérateurs particuliers peuvent être utilisés pour construire des requêtes plus complexes mais très précises