Presse en ligne : la rétroactivité du taux de TVA à 2,1 % en question

Presse en ligne : la rétroactivité du taux de TVA à 2,1 % en question

Autant suspendre son vol

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Marc Rees

Publié dans

Droit

18/02/2014 6 minutes
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Presse en ligne : la rétroactivité du taux de TVA à 2,1 % en question

Comme une lettre à la Poste ! Le Sénat a donc adopté hier à l'unanimité la proposition de loi visant à aligner la TVA de la presse en ligne sur celle applicable à la presse « papier ». Cependant la question des redressements fiscaux en cours reste posée à l’égard de ceux comme Arrêt sur Images ou Mediapart qui ont pris l’initiative d’anticiper cette harmonisation bien avant le vote du texte.

justice

 

Estimant la situation inique, plusieurs titres de presse comme Mediapart, Arrêt sur Images, Indigo Publications ou encore Terra Eco avaient appliqué une TVA à taux réduit sur leurs abonnements en ligne. Jusqu'à maintenant, faute d’harmonisation, les sites en ligne avaient l’obligation d’infliger le taux dit « normal » de TVA à leurs offres commerciales. Alors que la presse papier profite d’une TVA à 2,1 % ceux-ci devaient donc appliquer un taux de 19,6% (devenu 20 % depuis le 1er janvier 2014). L’inégalité est d’autant plus grande que les journaux papier aspirent la majeure partie des aides à la presse, laissant sur le carreau les éditeurs de presse en ligne (voir notre panorama sur la question).

 

La réalité de ces questions dépasse le cadre de la calculatrice financière et met en jeu la vie de plusieurs acteurs du secteur. Edwy Plenel, par exemple, avait résumé la situation de Mediapart : « un premier redressement de plus d’un million d’euros nous a déjà été signifié fin décembre 2013, de façon aussi expéditive que déloyale, en nous appliquant des pénalités de mauvaise foi jusqu’en 2010 alors même que notre combat a toujours été public ». Si ces procédures aboutissent pour les années 2011 à 2013, « c’est près de six millions au total que le fisc pourrait nous réclamer, soit plus que ce que nous a coûté le financement de Mediapart jusqu’à ce qu’il commence à devenir bénéficiaire ! » Des arguments similaires ont été maintes fois soulignés par Daniel Schneidermann pour Arrêt sur Images.

 

Du coup, l’attention était forte à l’occasion des débats autour de la proposition de loi visant à aligner ces taux de TVA au nez et à la barbe de Bruxelles, dont les règles imposent cette discrimination visiblement dépassée. La France rejoint là plusieurs pays européens. 

Pas de loi rétroactive

D’après le député Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, si cette loi devait être votée, « cela conduira l'administration fiscale à suspendre les contrôles fiscaux ». C’est ce qu’il assurait en janvier dernier. Hier, lors des débats parlementaires, le sénateur vert André Gattolin, a remis une louche d’huile sur ce sujet brûlant « Si les procédures de recouvrement engagées à l'encontre de Mediapart et d'Arrêt sur images aboutissent, elles se solderont par des redressements de plusieurs millions d'euros, faisant du directeur de l'administration fiscale un directeur de publication de facto, situation ubuesque. Une amnistie fiscale devrait être décidée. »

 

Toute la question en suspens était de savoir si la proposition de loi, alors dans la forge parlementaire, sera ou non rétroactive. Rétroactive, elle passera un coup d’éponge sur ces redressements. Non rétroactive, elle laissera à l’administration le soin d’appliquer la rugosité du livre des procédures fiscales. Problème, le texte ne dit mot sur ce point, même dans sa dernière ligne droite sénatoriale.

 

«[À l’Assemblée nationale,] Patrick Bloche a rappelé le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale. Modifier le texte allongerait la navette, au détriment des éditeurs » a rétorqué David Assouline, sénateur du PS et membre de la commission de la Culture. En clair : ajouter une ligne sur ces questions aurait, appuie le parlementaire socialiste, conduit à rallonger la procédure du vote. Pour couper court aux débats, la ministre de la Culture a expliqué que les procédures en cours ne feront « l'objet d'aucune instruction de la part du Gouvernement, ni dans un sens ni dans l'autre » avant d’ajouter qu’il s’agit là « d’un principe démocratique ». Du coup, « la proposition de loi que vous votez s'appliquera à partir du 1er février, mais ne sera pas rétroactive. »

 

Sur ces questions, d’autres pistes de réponses peuvent être dénichées dans les débats à l’Assemblée nationale. Bloche y a expliqué par exemple qu’une telle démarche n’a pas de précédent : « il n’existe pas de précédent où la loi fiscale aurait été modifiée rétroactivement dans le but d’éteindre des contrôles en cours. Tout indique, par ailleurs, que le Conseil constitutionnel ferait jouer sa jurisprudence traditionnelle sur ce qu’il appelle la recherche d’un intérêt général suffisant pour justifier une telle rétroactivité. En l’espèce, avouons-le, chers collègues, un intérêt général serait difficile à démontrer dès lors que la loi s’appuie jusqu’à présent sur des dispositions communautaires parfaitement explicites, sans aucune ambiguïté. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas déposé d’amendement entre l’examen du texte en commission et sa discussion en séance publique ».

La piste de l'amnistie fiscale

Alors ? Une autre piste est ouverte : « une amnistie fiscale devrait être décidée » a exhorté hier le sénateur André Gattolin, envoyant ainsi un geste au Président de la République sur le cas de ces entreprises qui ont eu le tort d’anticiper, mais également de pousser le vote d’un tel texte.

 

Tout n’est cependant pas si simple en témoignent les arguments discordant du député Thierry Braillard : « si on légifère pour l’avenir, doit-on pour autant effacer l’ardoise du passé ? Il y a là une vraie question, un vrai dilemme, auquel le Gouvernement devra répondre ». Si une amnistie devait être décidée « sur le fondement de la légitimité des revendications, que faire des sociétés de presse qui ont continué à appliquer les lois de la République ? Doit-on les récompenser ? De plus, à l’heure où le consentement à l’impôt s’effrite et alors que des marginaux appellent à ne plus payer l’impôt, cette amnistie serait-elle un bon signal ? Enfin, peut-on accorder une amnistie à certains médias en ligne et ne pas l’accorder aux faits commis lors de mouvements sociaux et syndicaux ? »

Écrit par Marc Rees

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Pas de loi rétroactive

La piste de l'amnistie fiscale

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Commentaires (15)


La rétroactivité de la loi fiscale poserait de plus un problème qui pourrait coûter beaucoup, beaucoup plus cher : le remboursement du trop perçu par tous les sites qui ont appliqués la TVA à 19.6% puis 20%.



Et l’Etat devrait rendre aussi ce trop perçu aux sites,…


Bah bien sûr…

Quand l’Etat pond une loi pour ajouter une dîme sur ses serfs, c’est direct rétroactif (genre le bullshit fiscal de fin d’année). Mais quand il s’agit que l’Etat ouvre ses poches pour corriger une erreur, là il n’y a plus personne.








digital-jedi a écrit :



Bah bien sûr…

Quand l’Etat pond une loi pour ajouter une dîme sur ses serfs, c’est direct rétroactif (genre le bullshit fiscal de fin d’année). Mais quand il s’agit que l’Etat ouvre ses poches pour corriger une erreur, là il n’y a plus personne.





c’est tout l’avantage d’écrire soi-même les règles du jeu <img data-src=" />



Il ne peut pas y avoir rétroactivité quand c’est le client final qui paie la TVA….



Est-ce que PCI rembourserait ses clients ? <img data-src=" />








manu0086 a écrit :



Il ne peut pas y avoir rétroactivité quand c’est le client final qui paie la TVA….



Est-ce que PCI rembourserait ses clients ? <img data-src=" />





PCI a déjà dit que la baisse de la TVA ira dans leur poche et pas celle des abonnés.

Ça a au moins le mérite de la franchise.









fred42 a écrit :



PCI a déjà dit que la baisse de la TVA ira dans leur poche et pas celle des abonnés.

Ça a au moins le mérite de la franchise.





Oui ça je sais !



Mais une loi ne peut pas être rétroactive sur la TVA, sinon explique moi comment les consommateurs peuvent-ils récupérer celle qu’ils ont payé ? ou si elle était revue à la hausse, vous devriez payer plus ^^



Le moins bête serait une amnistie pour l’année 2013 et des accords pour “avant”.



15 point de TVA remboursé pour l’année 2013, j’imagine que cela plairait à beaucoup de sites :)


Rétroactivité ? <img data-src=" />



Le Père Noël n’existe pas <img data-src=" />


Donc, il suffit de passer en force, d’etre socialiste et de de menacer en degommant un ministre socialiste qui voulait faire payer la TVA (mediapart) pour obtenir l’impunité sur la fraude fiscale et obtenir une revision de la loi !!!!!!!



Trop fort !








manu0086 a écrit :



Oui ça je sais !



Mais une loi ne peut pas être rétroactive sur la TVA, sinon explique moi comment les consommateurs peuvent-ils récupérer celle qu’ils ont payé ? ou si elle était revue à la hausse, vous devriez payer plus ^^







Ca serait un joli “merdier” pour les pros qui ont notamment récupéré leur TVA.

Autant je comprends la justice de ce sujet, autant les questions soulevées sont pas simples du tout. Je laisse donc François régler cela avec Jean Marc dans leur fougue habituelle :)









ActionFighter a écrit :



Rétroactivité ? <img data-src=" />



Le Père Noël n’existe pas <img data-src=" />







la rétroactivité existe en droit fiscal déjà, et en droit pénal (quand une peine est rabotée par exemple voire annulée, cf le cas de la suspension de cet abonné pris dans l’étau de la Hadopi, qui a été condamné à 1 mois de suspension, peine finalement gommée suite à la suppression de cette condamnation en cours de procédure, après son jugement par défaut.).









AlphaBeta a écrit :



Donc, il suffit de passer en force, d’etre socialiste et de de menacer en degommant un ministre socialiste qui voulait faire payer la TVA (mediapart) pour obtenir l’impunité sur la fraude fiscale et obtenir une revision de la loi !!!!!!!



Trop fort !





Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire









MarcRees a écrit :



la rétroactivité existe en droit fiscal déjà, et en droit pénal (quand une peine est rabotée par exemple voire annulée, cf le cas de la suspension de cet abonné pris dans l’étau de la Hadopi, qui a été condamné à 1 mois de suspension, peine finalement gommée suite à la suppression de cette condamnation en cours de procédure, après son jugement par défaut.).





Ah mais je sais bien que la rétroactivité était possible, mais la volonté de l’appliquer par contre… <img data-src=" />



Donc les abonnés de Mediapart ont payé leur TVA a taux pleins (19,6%)

Mediapart a reversé à Bercy le taux de TVA réduit qu’ils estimaient être juste (2,1%)

La loi est passé et Mediapart garde pour lui la différence (17,5%) alors qu’ils devraient en tout état de cause remboursé leurs abonnés du trop perçu. (Quitte à ce que ces derniers refusent le remboursement en signe de soutien)



C’est beau la liberté de la presse, et ça n’a pas de prix…


Le 18/02/2014 à 20h 37







AlphaBeta a écrit :



Donc, il suffit de passer en force, d’etre socialiste et de de menacer en degommant un ministre socialiste qui voulait faire payer la TVA (mediapart) pour obtenir l’impunité sur la fraude fiscale et obtenir une revision de la loi !!!!!!!



Trop fort !





Cahuzac socialiste ? C’est qu’il est comique l’ennemi du Peuple.