Angry Birds, Candy Crush, Flappy Bird : la faillite de l'imagination

Ou le triomphe de la copie
Angry Birds, Candy Crush, Flappy Bird : la faillite de l'imagination

Cette semaine, l'évènement pour les sites de jeux vidéo (beaucoup moins pour PC INpact) a été l'arrêt de Flappy Bird, un petit jeu pour smartphone. Si l'on pourrait beaucoup dire sur cet arrêt brutal, nous pouvons surtout nous demander pourquoi un tel jeu fonctionne, alors que son concept n'a strictement rien de novateur. Angry Birds, Candy Crush Saga, Plants vs Zombies, ou encore FarmVille sont finalement dans la même veine : des jeux qui n'ont rien d'extraordinaire mais qui connaissent un succès planétaire.

 

D'Angry Birds à Crush The Castle, en passant par Rampage

Lorsqu'Angry Birds a vu le jour il y a un peu plus de quatre ans, nombreux sont ceux qui ont fait remarquer que le jeu n'avait rien de novateur. Certains nommaient par exemple à l'époque le jeu Crush The Castle, dont le concept est effectivement très proche, hormis qu'Angry Birds était tout de même plus maitrisé à tous les niveaux (physique, graphisme, etc.). Mais le rapprochement est toutefois évident. Est-ce un problème pour autant ? Non, car le monde du jeu vidéo est fait de copies et de fortes inspirations. Si l'on devait se contenter de Wolfeinstein 3D comme FPS de nouvelle génération ou de Dune 2 pour les RTS (même si en réalité, ils ne sont pas non plus les véritables premiers du genre), le secteur du jeu vidéo serait bien moins développé.

 

Jeff Wofford, qui a adapté Crush The Castle sur smartphone, a d'ailleurs abordé cette question sur son blog il y a deux ans. Le développeur explique ainsi qu'il a travaillé dans les années 90 sur l'un des premiers MMORPG à succès de l'histoire, à savoir Ultima Online. Sans être non plus le véritable précurseur du genre, Ultima Online a poussé de nombreuses maisons d'édition à se lancer dans ce marché, avec la naissance d'Everquest deux ans après et bien d'autres jeux bien connus par la suite, dont World of Warcraft. Cela ne signifie pas pour autant que Jeff a porté plainte contre Sony (éditeur d'Everquest) ni contre Blizzard et Vivendi.

 

Le fait de copier, ou de cloner même un jeu, en y apportant diverses améliorations (même légères) ne gêne pas le développeur en soi. Faisant référence à un article d'IGN pointant du doigt Angry Birds pour avoir copié Crush The Castle, le co-créateur d'Ultima Online a toutefois tenu à apporter ses arguments. La copie d'un jeu est forcément problématique autant pour le développeur original que pour l'innovation, qui ne paie donc pas dans le cas où la copie rencontre bien plus de succès que l'œuvre de base. Mais il faut aussi différencier copie et inspiration. Jeff estime d'ailleurs qu'Angry Birds n'a pas copié Crush The Castle.

 

« Bien sûr, Angry Birds a des éléments de Crush The Castle. Mais ces éléments ne sont guère nouveaux ou novateurs. Crush The Castle a fait des emprunts à de nombreux jeux précédents. » Le développeur a cité comme exemple Castle Clout, dont le concept est effectivement très proche et qui a vu le jour quelques mois avant Crush The Castle. « Mais l'idée générale de permettre à l'utilisateur de casser des bâtiments remonte à Rampage ou même plus tôt. » Rampage étant un jeu sorti en 1986.

Candy Swipe, Farm Town et Piou Piou sont dans un (mauvais) bateau

Quoi qu'il en soit, on le voit donc bien : Angry Birds à sa sortie n'avait strictement rien de novateur. Nous pouvons d'ailleurs tenir le même discours pour Candy Crush Saga. Ce jeu, sorti en 2012, connait un succès gigantesque, avec plusieurs centaines de millions de téléchargements. Son concept est pourtant banal, et ses inspirations de jeux comme Bejeweled et Candy Swipe sont évidentes, au point que le développeur de ce dernier n'a pas caché son agacement. Même logique pour Plants vs Zombies, qui s'est inspiré à la fois des Tower Defense et de Tapper, un très vieux jeu sorti en 1983 et qui montrait déjà le concept des lignes. Les jeux de Zynga sont d'ailleurs dans la même veine, dont le fameux FarmVille, plus qu'inspiré de Farm Town. Quant à Flappy Bird, de nombreux jeux dans le même genre ont vu le jour avant lui, dont un certain Piou Piou de Kek, disponible depuis de nombreuses années.

 

Candy Crush


Mais pourquoi Angry Birds, Candy Crush et FarmVille ont connu un véritable succès, et non pas d'autres jeux plus ou moins équivalents sortis précédemment ? N'est-ce qu'une question de présentation, de graphisme, de bruitages, de publicités, d'époque ou même de chance ? Nous pourrions nous poser la même question si demain un tower defense banal venait à être joué par des centaines de millions de personnes, ou pire encore, si un Snake (jeu du serpent) venait tout d'un coup à connaitre un succès, alors que le concept date de Mathusalem.

Miser sur le social pour « buzzer » et se renouveler pour durer

Nombreux sont ceux à avoir tenté d'expliquer le succès de ces gens, sans toutefois analyser pourquoi eux et pas leurs prédécesseurs. Pour les jeux présents sur les réseaux sociaux, leur triomphe est directement lié à la plateforme, et plus particulièrement Facebook. Pour réussir, le fait d'être présent ou non sur Facebook et de partager des informations (scores, etc.) est un point crucial. Candy Crush Saga n'est d'ailleurs pas un jeu social proprement dit (même si disponible sur Facebook avant même de l'être sur mobile), néanmoins, il incite fortement les joueurs à harceler leurs amis sur les réseaux sociaux afin d'obtenir des vies supplémentaires. De quoi faire une publicité immense au jeu en un rien de temps, le tout gratuitement. Criminal Case pousse aussi se relier à ses amis sur les RS afin d'avancer.

 

Mais pour les autres jeux, comme Temple Run, Angry Birds ou encore Flappy Bird, quelle est la recette magique ? Pourquoi eux et pas d'autres ? Le choix de la plateforme pourrait déjà être une explication de base. À l'instar des jeux sur Facebook, être présent ou absent de l'App Store d'Apple et du Play Store de Google est un point crucial. Cela peut ainsi expliquer partiellement pourquoi des jeux originaux présents sur internet en flash fonctionnent moins bien que leur équivalent sur iOS et Android.

 

Un petit succès sur du court terme permet de plus de s'afficher en haut de la liste des jeux les plus populaires, rendant alors le jeu encore plus... populaire. Un cercle vertueux se crée alors, permettant ainsi de rester durant des mois voire des années dans le top du classement. La durée de vie dans ce top varie alors en fonction du renouvellement. Rovio a lancé différentes versions d'Angry Birds, Temple Run a eu droit à une suite, comme Plants vs Zombies, l'éditeur de Candy Crush rajoute des niveaux régulièrement, Criminal Case propose une nouvelle enquête chaque semaine, et Flappy Bird a disparu aussi vite qu'il n'est arrivé.

« Tout le monde sait y jouer en deux minutes » 

Autre explication plausible, celui qui réussit le mieux est généralement celui qui va au plus simple et qui arrive à expliquer le plus rapidement possible au joueur son concept. Tommy Palm de King.com, lors d'une entrevue accordée à Metro en novembre dernier, expliquait ainsi pourquoi Candy Crush rencontrait un véritable succès : « Nous avons bénéficié de plusieurs facteurs : d'abord les gens aiment les bonbons, ensuite le jeu n'est pas très difficile d'un point de vue technique et tout le monde sait y jouer en deux minutes et puis nous nous assurons de mettre un très grand nombre de niveaux accessibles gratuitement. Mieux, nous en ajoutons des nouveaux tous les quinze jours. » Un peu plus loin, lors de la même interview, Palm rajoutait que « la couche communautaire allonge la durée de vie de Candy Crush mais cela ne sera pas le cas éternellement ».

 

Tout cela est bien beau, mais cela n'explique toujours pas réellement le succès ou l'échec de certains jeux pourtant classiques. S'il est bien entendu difficile de livrer une recette magique, le cas de Flappy Bird est intéressant à analyser. Ce jeu est en fait ancien et date de plusieurs mois. Nommé Flap Flap dans un premier temps à l'époque où il était encore inconnu, il fut renommé Flappy Bird en septembre dernier pour éviter de faire doublon avec cette application.

 

Après un à deux mois de plus dans l'obscurité total, le jeu a commencé à grimper doucement dans les classements, poussé par les énervements et les frustrations de ses utilisateurs, avant de littéralement exploser le mois dernier. Au point d'atteindre la si enviable place de numéro un dans l'App Store, ceci dans plusieurs pays, y compris en France et aux États-Unis. Pourquoi ? Selon son auteur, aucune publicité n'a été faite.

 

 

A-t-il alors triché pour faire grimper son application dans les classements, ceci grâce à des bots par exemple ? Certains le supposent très fortement, mais pour le moment, aucune preuve en ce sens n'a été dévoilée, même si l'explosion soudaine des notes de ses autres jeux au même moment que Flappy Bird laisse songeur. Mais triche ou pas, une fois visible en haut du classement, le phénomène fut lancé, la presse multiplia les articles sur son sujet, les YouTubeurs spécialisés dans les jeux vidéo en firent de même, y compris le célèbre PewDiePie, dont la vidéo sur le jeu cumule presque 12 millions de vues. De quoi conforter sa position.

 

Pourquoi ces petits jeux fonctionnent et d'autres non ? On ne sait pas vraiment. On peut par contre affirmer que les jeux vraiment originaux ont bien du mal à percer et que les valeurs sûres, au concept exploité parfois depuis plusieurs dizaines d'années, profitent parfaitement des nouvelles plateformes (réseaux sociaux, smartphones, etc.) afin de se renouveler. Et parfois faire la richesse de certains.

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