Christiane Taubira, la ministre de la Justice, avait promis le mois dernier que le numérique et les nouvelles technologies feraient partie de sa réforme judiciaire. Dans un plan d’action présenté cette semaine, la Garde des Sceaux a précisé de quelle manière les Parquets seront impactés dans les mois qui viennent.
La Garde des Sceaux a dévoilé lundi son « plan d'action pour le ministère public » (PDF), lequel se décline une trentaine de mesures destinées à faire passer les Parquets de France dans la fameuse « justice du XXIème siècle ». Après avoir missionné plusieurs experts et consulté des professionnels concernés, Christiane Taubira a ainsi présenté une feuille de route comportant plusieurs volets, dont un vise tout particulièrement à « adapter les outils technologiques » des procureurs de la République.
Smartphones, nouveaux ordinateurs portables et étude sur l’utilisation des tablettes
À partir du mois de septembre, plusieurs expérimentations devraient ainsi débuter, et ce pour une période de six mois. Les mesures annoncées par la Place Vendôme semblent relativement salutaires. Il est par exemple question du « développement d’un progiciel dédié à la remontée de l’information », de l’acquisition de nouveaux ordinateurs portables, ou bien encore de progrès s’agissant des serveurs vocaux interactifs, l’idée étant d’orienter enquêteurs et particuliers vers le service approprié.
Même si l’on est encore bien loin d’un grand saut technologique, la Place Vendôme semble vouloir faire des efforts, promettant une « modernisation de la téléphonie mobile dédiée à la permanence » avec un passage aux smartphones, ou la réalisation d’une étude « sur l’adaptation des niveaux de sécurité et l’utilisation de tablettes tactiles ». Le plan d’action indique également qu’il est question de « qualifier » le ministère public à la norme 4G, autrement dit de doter certains magistrats du Parquet de téléphones et d’ordinateurs portables avec la 4G.
Le rapport Nadal tirait la sonnette d'alarme
Ces mesures ne doivent cependant pas grand-chose au hasard. Remis à Christiane Taubira en décembre dernier, le rapport du magistrat Jean-Louis Nadal (actuel président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) dressait une vision relativement alarmante de la situation « technologique » des Parquets de France. Extrait :
« Alors que le téléphone est sans doute devenu le premier outil des magistrats du ministère public et qu’il est exigé d’eux qu’ils soient joignables à tout moment, dans le cadre de la permanence, et puissent décider d’un certain nombre de mesures urgentes (réquisitions, ordonnances de placement provisoire d’un mineur, prolongation de garde à vue, etc.), la Commission a fait le constat que l’équipement des parquets en moyens téléphoniques et informatiques modernes était manifestement insuffisant et devait être substantiellement renforcé.
Au-delà de l’obsolescence des moyens de téléphonie mobile, il a été signalé à la Commission que les magistrats ne pouvaient pas accéder à leur messagerie électronique à distance, que les procureurs de la République étaient souvent dans l’incapacité de lire les fichiers informatiques, de format récent, qui leur sont transmis par certains de leurs partenaires et même, dans certains cas, par la direction des affaires criminelles et des grâces, que les possibilités d’accès aux bases de données juridiques étaient réduites et que l’expérimentation dans certains parquets du traitement en temps réel par mail avait échoué en raison de la capacité insuffisante des messageries structurelles du service de permanence. Par ailleurs, des progrès substantiels doivent encore être accomplis en matière de numérisation des procédures et de développement des outils de visioconférence. »
Pour l’heure, difficile de savoir si les mesures présentées par Christiane Taubira correspondront véritablement au plan « national et volontariste » d’équipement esquissé par le rapport Nadal, qui réclamait des « moyens téléphoniques et informatiques de dernière génération ». Le ministère de la Justice insiste néanmoins sur le fait que son plan pourrait être « complété, actualisé et amendé au fur et à mesure de sa mise en œuvre ».