[MàJ] Travail illégal : une mise à l'index sur le Net dès 15 000 € d'amende

Pages noires
Mise à jour : La Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale n’a finalement adopté qu’un seul des amendements discutés hier. Les députés ont ainsi décidé d’abaisser à 15 000 euros d’amende (au lieu de 45 000) le seuil à partir duquel les juges pourront décider de mettre à l’index sur Internet les entreprises ou les particuliers condamnés pour des infractions de travail illégal. La proposition de loi socialiste doit désormais être débattue à partir de mardi prochain en séance publique.

L’Assemblée nationale examine cet après-midi une proposition de loi qui entend offrir au juge la possibilité de décider de l'inscription d'entreprises et de particuliers condamnés pour des infractions de travail illégal (fraudes aux revenus complémentaires, travail dissimulé, etc.) sur une « liste noire » diffusée sur Internet. Les noms et adresses de ces personnes morales ou physiques seraient ainsi publiés pour une durée d’un an. Mais tandis que certains députés veulent muscler le dispositif, d’autres s’inquiètent au contraire de sa probable non-conformité à la législation relative aux données personnelles.

assemblée nationale députés

 

La Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale doit examiner cet après-midi la proposition de loi déposée le mois dernier par les députés du groupe socialiste afin de renforcer notamment « la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance ». Si l’objet de ce texte peut paraître relativement éloigné des sujets que nous traitons habituellement dans ces colonnes, l’une de ses mesures s’en rapproche grandement.

Un an de mise à l'index sur Internet, tant pour les entreprises que pour les particuliers

L’article 6 de cette proposition de loi vise en effet à ce qu’une « liste noire » d’entreprises et de particuliers ayant été condamnés par la justice pour du travail illégal soit mise en ligne et diffusée publiquement au travers du site Internet du ministère du Travail. En l’état, le texte ne prévoit cependant pas que cette inscription soit automatique. Il s’agit effectivement d’offrir au juge la possibilité de prononcer l’inscription de personnes, morales ou physiques, sur cette liste, en guise de peine complémentaire (de la même manière que la suspension de l'accès à Internet peut aujourd'hui être décidée à l'encontre d'auteurs de contrefaçons sur Internet).

 

Pour pouvoir décider de cette « mise au pilori numérique », le juge devra être face à la « condamnation définitive d’une personne morale ou d’une personne physique à une amende d’au moins 45 000 € pour des infractions constitutives de travail illégal ». Rentreraient ainsi dans ce champ : le travail dissimulé, le prêt illicite de personnel, l’emploi d’un étranger démuni de titre de travail, la fraude aux revenus de remplacement, etc.

 

Si cette proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions de publication de cette liste noire, il est d’ores et déjà précisé que devront figurer, pendant une durée d’un an, le nom et les coordonnées postales des personnes concernées - et éventuellement le numéro d’identification des entreprises (répertoire INSEE en France ou équivalent pour les autres États membres de l’Union européenne).

Cette nouvelle peine complémentaire fait sourciller certains députés

L’introduction de cette nouvelle peine complémentaire a cependant fait l’objet d’une série d’amendements. Et force est de constater que les points de vue sont radicalement opposés.

 

D’un côté, l’on trouve tout d’abord des élus résolument défavorables à cette nouvelle peine complémentaire. « Sans remettre en cause l’objectif de lutte contre le travail illégal, cet article pose la question de la compatibilité de cette sanction complémentaire avec le droit de continuer à exercer son activité lorsqu’une interdiction de ce type n’a pas été prononcée par le juge. Dans les faits, cette inscription sur une liste noire équivaut à une interdiction d’exercer puisque les entreprises sanctionnées seront exclues des marchés » font ainsi valoir les députés Lionel Tardy, Patrick Hetzel et Dominique Tian. Les trois parlementaires UMP réclament de ce fait la suppression pure et simple de l’article 6 de cette proposition de loi.

 

Ces élus de l’opposition ont cependant déposé deux autres amendements, afin que les dispositions de l’article 6 puissent être modifiées - si jamais la suppression complète était refusée. Premièrement, ils souhaitent que seules les personnes morales (entreprises, prestataires, etc.) puissent être mises à l’index sur Internet. « S'agissant d'une personne physique, prévoir la publication des noms et coordonnées postales sur Internet pose de sérieux doutes de conformité avec la loi n°78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il serait plus raisonnable de prévoir la suppression de cette disposition » expliquent les députés dans leur exposé des motifs. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’ils réclament dans leur second amendement que la CNIL soit consultée avant la publication du décret régissant les conditions de mise en ligne de cette liste noire.

Des amendements pour muscler au contraire le dispositif

De l’autre côté, on retrouve des députés qui souhaiteraient au contraire que le dispositif soit plus musclé. Chantal Guittet (PS) a ainsi déposé un amendement afin de faire sauter le seuil de 45 000 euros d’amende à partir duquel le juge pourrait choisir d’appliquer cette peine complémentaire. Le nombre d’inscrits potentiels serait alors bien plus important. « L’instauration d’une liste noire des entreprises et de prestataires de services condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal doit avoir un effet dissuasif. Or, limiter la possibilité offerte au juge d’y inscrire seulement les entreprises ayant été condamnées à une amende d’un montant d’au moins 45 000 euros (...) réduira de manière considérable la portée de cette mesure, puisque ce montant correspond à l’amende maximale passible par une personne physique ayant eu recours à du travail illégal (exception faite des cas d’emploi dissimulé de mineurs soumis à l’obligation scolaire et des cas de bande organisée) » explique l’élue du Finistère. Cette dernière souhaite ainsi que le législateur donne davantage de liberté au juge, afin que ce dernier décide à sa guise en fonction des dossiers. C'est sur la base d'une argumentation similaire que les députés Thierry Braillard et Dominique Orliac ont eux aussi déposé un amendement ce sens.

 

Un dernier amendement vise à rendre le dispositif encore plus dissuasif, en allongeant cette fois la durée de mise en ligne des données d’une personne. L’idée est de multiplier par cinq le temps de mise à l'index, en le passant de un à cinq ans. La mesure est cette fois soutenue par une vingtaine de députés socialistes, dont Christian Paul.

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