Google va-t-il oui ou non devoir un milliard d'euros au fisc français ? Alors que cette somme était avancée par le Canard Enchainé en 2012 et de nouveau par Le Point il y a quelques jours, d'autres, tels le JDD et Libération, parlent plutôt de 500 millions d'euros. En réalité, « les discussions sont toujours en cours. Personne ne connaît donc à ce stade le montant » du redressement fiscal de Google selon une source proche du dossier qui s'est confiée à l’AFP.
Le redressement fiscal de Google fait décidément couler beaucoup d'encre. Dans le collimateur du fisc depuis plusieurs années, les sommes potentielles sont extrêmement élevées selon la façon de comptabiliser les chiffres d'affaires et les bénéfices réels du moteur de recherche en France. 500 millions d'euros ? 1 milliard d'euros ? Peu importe, l'administration française est bien sur les talons de l'Américain, et tout laisse croire que la facture sera élevée.
La semaine passée, après l'information publiée par Le Point, Fleur Pellerin avait déclaré que « ce sont des informations qui sont anciennes, qui avaient déjà été publiées il y a un an. Il n'y a rien de nouveau dans la procédure, donc rien à déclarer sur ce sujet. » Du fait du secret fiscal, les déclarations publiques sont limitées et imprécises pour le moment, néanmoins, il a bien été confirmé que des enquêtes étaient en cours contre Google. Certaines sources de l'AFP indiquent même que Facebook et LinkedIn sont dans la même situation.
Hollande aux États-Unis pour parler harmonisation fiscale
Cette semaine est néanmoins importante à plus d'un titre. Le président François Hollande est ainsi aux États-Unis pour trois jours, à savoir entre le 10 et le 12 février. Il profitera de ce voyage pour se rendre en Californie, dans la Silicon Valley, l'occasion de rencontrer certains PDG de sociétés américaines, dont ceux de Google, Facebook, ou encore Twitter.
Le président français, lors d'une visite dans les locaux de Vente-Privée, avait d'ailleurs abordé la question de l'optimisation fiscale. Il avait ainsi estimé que la situation actuelle n'était « pas acceptable et c’est pourquoi, au niveau européen comme au niveau mondial, on doit faire en sorte que l’optimisation fiscale, c’est-à-dire la tentation de certains grands groupes, concurrents d’ailleurs de nos entreprises, de s’installer là où on paie moins d’impôts, puisse être remise en cause ».
François Hollande rencontrera Barack Obama cette semaine et devrait ainsi aborder le cas de l'harmonisation fiscale. « Chacun doit être dans les mêmes situations de concurrence, y compris sur le plan fiscal. (...) Par rapport à ces grands groupes que l’on connaît, qui se mettent dans des pays à faible taux d’imposition des sociétés, nous devons agir » avait-il aussi déclaré. L'ancien député de Corrèze avait ainsi affirmé qu'Obama et lui étaient d'accord pour améliorer la situation sur ce sujet brulant.
Des bilans comptables trop faibles ?
D'après l'AFP, qui cite des documents officiels déposés au greffe du tribunal de commerce, Google France a déclaré pour l'année 2012 un chiffre d'affaires de 192,9 millions d'euros, pour un bénéfice net de 8,3 millions d'euros et 6,5 millions d'euros d'impôts sur les bénéfices. Des sommes jugées ridicules qui concordent aux chiffres de 2011, à savoir un chiffre d'affaires de 138 millions d'euros et un bénéfice net de 4,5 millions d'euros.
Pourtant, selon certaines estimations, principalement basées sur le chiffre d'affaires publicitaires des moteurs de recherches en France, Google France réaliserait un chiffre d'affaires supérieur à un milliard de d'euros. Une différence colossale qui s'explique par la déclaration du chiffre d'affaires de Google France via des filiales situées en Irlande, aux Pays-Bas ou encore aux Bermudes. Si l'optimisation fiscale est tout à fait légale car autorisée par le droit européen, ce qui reste l'argument numéro un de toutes les sociétés pointées du doigt pour ce type d'action, la frontière est parfois floue entre simple optimisation et éventuelle fraude.
L'assistance marketing de Google France
Il y a deux ans, le fisc français estimait par exemple que Google France ne se contentait pas d'une simple « assistance marketing », activité officiellement réalisée par la filiale française, le reste (la publicité, etc.) étant géré par les filiales étrangères du groupe, principalement l'Irlande pour les activités européennes. Pour l'administration fiscale, les actions de Google France dépassent cependant largement ce cadre. « Toute la gestion commerciale des clients de Google Ireland, y compris la conclusion de contrats de publicité » serait ainsi concernée par la filiale française de Google selon le fisc, ce qui implique des déclarations comptables bien différentes.
« Le gérant de cet annonceur, entendu par les inspecteurs des impôts, précise qu'il reçoit effectivement des contrats à en-tête de Google Ireland, mais qui lui sont adressés par des représentants de Google à Paris, et que ses seuls interlocuteurs sont des salariés de Google France. Au vu des pièces produites, tous les problèmes de facturation entre cet annonceur et Google ont été réglés par la seule filiale française, qui ne semble pas dès lors exercer une simple activité d'assistance » pouvait-on ainsi lire à l'époque dans un jugement de la Cour d'Appel de Paris. Rajoutez à cela le recrutement de commerciaux chargés de vendre et de conclure des contrats en France, et l'argument de l'assistance marketing prend du plomb dans l'aile.
Depuis le début, Google France conteste ces critiques, avec l'argument massue suivant : « aucun élément ne permet de supposer que les salariés de Google France disposent du pouvoir de négocier et de conclure les contrats d'achat et de publicité, ou disposent d'un pouvoir de décision dans la gestion et le suivi des comptes ». Un jeu de chat et de la souris a donc lieu depuis des années entre l'administration et Google, ce dernier niant sans cesse les présomptions du premier.