Hadopi : condamné pour un seul titre, flashé 150 fois

Rude boy

Exclusif : PC INpact publie ci-dessus le premier jugement rendu dans le cadre de la loi Hadopi : il concerne ce charpentier d’une quarantaine d’années que nous avions interviewé peu après sa condamnation à 150 euros. Nous avons désormais les détails pris en compte par le tribunal de Police de Belfort pour bâtir sa décision du 13 septembre 2012.

Cet artisan est le premier abonné à avoir été condamné dans toute l’histoire de la Hadopi. « J’ai eu un premier avertissement puis un deuxième. Mais j’ai fait parvenir un courrier à la Hadopi via l’avocat de ma femme qui a fait suivre ! Nous n’avons pas eu de suite ou alors la Hadopi m’a envoyé des mails, mais je n’ai jamais pu les recevoir, je n’avais plus internet ! » nous confiait-il, dans sa longue interview. En plein divorce, son épouse avait reconnu avoir téléchargé deux morceaux de Rihanna avec un logiciel P2P. Il avait dit à sa femme d’arrêter ses « bêtises » ce qui fut sans effet sur les avertissements de la Hadopi. Et pour cause : son logiciel P2P, exécuté à chaque démarrage offrait à quiconque les MP3 du dossier de mise en partage. Côté ayant droit, les radars TMG ont crépité, pour scander les listings de la Hadopi.

 

La Haute Autorité l’avait convoqué à Paris, mais la réponse du charpentier fut entre le WTF et le bras d’honneur, lui qui n’est pas utilisateur mais simplement abonné : « Moi j’ai dit je ne vais pas monter à Paris pour ce genre de truc là ! ». Devant les sollicitations des gendarmes, il fait malgré tout nettoyer son ordinateur, facture de 50 euros à l’appui. Et « j’ai fait une déposition comme quoi je n’avais ni installé ce site de téléchargement ni téléchargé !» nous précisait-il. Devant le juge, il se défend seul, réexplique n’avoir rien téléchargé et fournit les aveux de sa future ex-épouse... Il est malgré tout condamné à 150 euros pour négligence dans la sécurisation de son accès. Voilà en substance ce que nous savions des faits.

 

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Chronologie made in Hadopi

Dans la foulée de la condamnation, nous avons demandé la copie du jugement au tribunal de police de Belfort qui nous a répondu. Nous avons donc désormais le cheminement chronologique et juridique de cette affaire. 

  • 18 janvier 2011 : Son IP est flashée sur BitTorrent par TMG. C'est « Rude Boy » de Rihanna qui est mis à disposition, seul titre mis en cause.
  • 19 janvier 2011 : Un agent de la SACEM saisit la commission de protection des droits (CPD)
  • 31 janvier 2011 : Premier avertissement par email, resté sans réponse.
  • 5 mai 2011 : Nouveau flashage pour la même œuvre
  • 6 mai 2011 : Un agent de la SCPP (qui réunit les majors de la musique) saisit la CPD
  • 17 juin 2011 : La CPD avertit l’abonné par email et lettre recommandée
  • 21 juin 2011 : L’abonné en accuse réception, mais ne répond pas.
  • 17 mai-13 septembre 2011 : la SCPP et la SACEM font dresser 39 procès verbaux de mise à disposition
  • 3 novembre 2011 : Nouvelle lettre recommandée de la Hadopi qui le convoque le 25 novembre
  • 7 novembre 2011 : Le prévenu en accuse réception
  • 25 novembre 2011 : Le prévenu ne se présente pas à l’audition. Il fait rédiger un courrier à l’avocate de sa femme « mentionnant que des instructions strictes étaient données aux membres de la famille pour éviter que les faits se reproduisent. »
  • 26 septembre 2011 - 3 janvier 2012 : La CPD reçoit 78 PV de mise à disposition du même titre
  • 5 janvier 2012 - 2 février 2012 : La CPD reçoit cette fois 31 nouveaux procès-verbaux Février 2012 : Le prévenu n’a plus internet du fait de « difficultés financières » 
  • 28 mars 2012 : De son côté, la CPD décide de transmettre le dossier au procureur
  • 11 avril 2012 : Un agent assermenté de la Hadopi dresse récapitulatif du dossier
  • 28 avril 2012 : Le prévenu est auditionné par la gendarmerie
  • 13 août 2012 : Son épouse reconnait « avoir copié deux morceaux de Rihanna »
  • 13 septembre 2012 : Audience du procès. Le prévenu se défend seul et se reporte aux propos de son épouse.

Son IP flashée 150 fois par TMG

Du 21 juin 2011 au 2 février 2012, l’IP de ce abonné aura donc été flashée 150 fois par les ayants droit via TMG. Il aura reçu deux mails d’avertissements, deux lettres recommandées et une convocation. Finalement, « il a été poursuivi officiellement pour l’absence de sécurisation de l’accès aux services de communication au public en ligne sans motif légitime (et) négligence caractérisée après recommandations adressées par la commission de protection des droits Hadopi »

 

Le tribunal de Police ne tiendra pas compte du nettoyage de l’ordinateur effectué à l'occasion de sa convocation à la gendarmerie, soit bien après le 2 février 2012. Le juge va constater que  « malgré plusieurs recommandations le prévenu n’a pas mis en œuvre un moyen pour sécuriser son accès internet afin d’éviter les nombreuses mises à disposition au public par téléchargement sur réseau P2P de l’œuvre protégée de Rihanna intitulée « Rude Boy », sans aucun motif légitime, les mises à disposition persistant effectivement dans l’année de présentation de la première recommandation. »

 

Le tribunal de Belfort dira même qu’il n’a pas eu d’autres choix que constater cette culpabilité dans cette chronologie : « le prévenu, averti par courriers et courriers recommandés, mais n’ayant mis en œuvre aucune sécurisation de son accès nécessaire pour que cessent les mises à disposition reprochées, ne peut qu’être déclaré coupable de l’infraction qui lui est reprochée ». Et pour bien pousser la pédagogie, il surlignera que « la peine doit tenir compte de la gravité certaine des faits puisque la négligence caractérisée a permis de nombreuses utilisations illégales », qu’il y a eu près de 150  procès-verbaux réalisés par des agents assermentés des sociétés d’ayant droit alors que dans le même  temps « la sécurisation n’a jamais été réalisée ». Ou trop tardivement.

Un titre, plus d'Internet et un casier vierge

Finalement, le tort de ce charpentier aura été de ne rien comprendre à cette loi d’une « étonnante subtilité », de ne pas avoir répondu à ces courriers, de ne pas avoir voulu prendre à sa charge un déplacement à Paris, de confondre téléchargement et mise à disposition, de ne pas maitriser l’outil informatique et finalement trop tardé à faire désinstaller un logiciel et effacer deux MP3. Le juge le condamnera non au maximum de 1500 euros, mais à 150 euros. Il a tenu compte de son casier judiciaire vierge, du fait qu’un seul titre était en cause, et parce que le prévenu a déclaré « ne plus avoir internet depuis février 2012 pour des raisons financières », soit la sécurisation la plus absolue dans la logique Hadopi.

 

La Hadopi a obtenu 8 millions d'euros pour 2013.

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