Après avoir subi un sérieux camouflet devant le Conseil d’État la semaine dernière, le gouvernement tente de reprendre la main dans l’arbitrage du conflit entre les taxis et les nouveaux services de transport. En effet, une mission va être lancée prochainement et un renforcement des contrôles vient d'être promis par l'exécutif. Bercy a ainsi annoncé que la brigade de répression des fraudes allait enquêter sur « le développement de nouveaux services de transports » soupçonnés de surfer illégalement sur la vague du covoiturage.
L’avertissement se veut extrêmement clair et sérieux. Vendredi, la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a annoncé que l’exécutif lui avait demandé « d'engager des investigations afin de vérifier la conformité des sites de covoiturage à la réglementation ». Dans le collimateur de Bercy, sont implicitement visés tous les nouveaux services tels qu’Uber Pop, qui vient justement de se lancer sur Paris la semaine dernière. L’idée ? Permettre à des particuliers de se transformer en sorte de « taxis privés », en effectuant des trajets avec leur voiture personnelle pour le compte d’autres particuliers. Le tout à l’aide de l’application pour mobile d’Uber - qui se rémunère en prenant une commission sur chaque course.
Bercy insiste effectivement sur le fait que le covoiturage est une pratique autorisée dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans un but lucratif. « Dans le cadre du covoiturage, la participation financière des passagers est donc limitée au partage des coûts » précise-t-on. Ce partage des coûts concerne les frais de carburant, d’assurance et d’usure du véhicule. Or comme nous l’avons expliqué la semaine dernière (voir notre article), les services proposés via UberPOP vont au-delà d’une simple prise en charge commune des frais entre un ou plusieurs particuliers et le conducteur d’un véhicule. Le prix de chaque course est en effet de 4 euros minimum, puis 35 centimes la minute et 80 centimes le kilomètre.
La limite du simple covoiturage a-t-elle été franchie ?
Dans son communiqué, la DGCCRF prévient ainsi que « le transport de passagers, sous couvert de covoiturage, réalisé dans un but lucratif est illégal », expliquant qu'il s’agit là d’une « activité de transport public non autorisée ».
La mise en garde est triple. Elle s’adresse tout d’abord aux particuliers qui seraient tentés de se lancer dans ce type d’activité, « notamment via des sites de mise en relation ». Ils risqueraient selon Bercy des « sanctions pénales ». L’avertissement vaut également pour les entreprises : « L’entretien d’une confusion entre le covoiturage licite et un service de transport à but lucratif constitue une pratique commerciale trompeuse. Pour mémoire, le projet de loi relatif à la consommation, [qui devrait être définitivement adopté par le Parlement d’ici la fin du mois, ndlr], porte à 1,5 million d’euros le montant maximal de l’amende encourue pour un tel abus ».
Enfin, ce sont aux particuliers, éventuels « clients » de ces services, que l'institution s'adresse. La DGCCRF recommande en effet « la plus grande vigilance aux utilisateurs de sites de mise en relation pour le covoiturage. Elle appelle leur attention sur le caractère illicite de toute pratique d’un tel site prévoyant une rémunération du conducteur, au-delà du simple partage des coûts. »
Le gouvernement lance une mission et promet des contrôles renforcés pour les VTC
L’annonce de cette enquête survient alors que la fronde des taxis contre les nouveaux services concurrents devrait battre son plein aujourd’hui, puisque différentes manifestations sont prévues à Paris et en province. Les professionnels sont notamment remontés contre la décision du Conseil d’État, qui a suspendu la semaine dernière le décret imposant aux « VTC », les fameux véhicules de tourisme avec chauffeur, d’attendre 15 minutes avant de prendre en charge un client.
Suite à ce camouflet, l’exécutif a annoncé samedi qu’en plus de « contrôles renforcés », une mission allait être lancée « dans les prochains jours » afin de définir « les conditions durables d’une concurrence équilibrée entre les taxis et les VTC ». Dans un délai de deux mois, cette mission devra préciser « la connaissance des besoins de transports de moins de 10 personnes ; l’examen des contraintes techniques, économiques, réglementaires et concurrentielles des différents acteurs ; la situation en Ile de France, qui nécessite un examen particulier ». Ces travaux pourront s'appuyer sur l'avis de l'Autorité de la concurrence à propos de ce qui n'était qu'un projet de décret, et dans lequel l'institution procédait à une descente en règle du délai d'attente de 15 minutes porté par le gouvernement.