Alors que Netflix a officiellement annoncé son arrivée dans plusieurs pays européens cette année (sans les nommer), les rumeurs concernant la France se multiplient. Le JDD affirme ainsi que le service de vidéo à la demande illimité posera ses valises dans l'Hexagone en septembre prochain. Une date qui n'est cette fois ni officielle, ni bien nouvelle, et qu'il faut donc prendre avec précaution.
La France : un « marché (...) trop régulé »
Arrivera ou arrivera pas ? Freiné par une chronologie des médias encore peu attrayante, avec notamment des films interdits de diffusion en SVOD avant 36 mois, l'Américain Netflix n'a pour autant jamais caché son intention de s'implanter « partout », même chez nous. En octobre 2011, alors que le service n'était disponible qu'aux États-Unis et au Canada, l'un des cadres de l'entreprise déclarait vouloir se concentrer « sur les marchés où l’Internet haut débit est avancé et où le contexte économique nous est favorable. En France, pour l’instant, le marché est un peu trop régulé. » Depuis, Netflix s'est étendu sur quasi tout le continent américain (fin 2011), ainsi qu'au Royaume-Uni, en Irlande, en Scandinavie (en 2012) et aux Pays-Bas l'an passé.
Depuis deux à trois ans, les annonces non officielles se multiplient donc. Canal+ lui-même annonçait par exemple en 2012 l'arrivée de Netflix et de Lovefilm (Amazon) pour 2013. Une prédiction qui ne s'est donc pas réalisée, ce qui nous pousse à prendre beaucoup de recul sur les déclarations des uns et des autres sur le sujet. Selon le Journal du Dimanche, après avoir rencontré diverses personnalités politiques à l'Élysée en décembre et au CES en janvier, la société californienne va de nouveau passer par la France cette semaine, « pour entamer des négociations commerciales » avec notamment des producteurs, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), ainsi le ministère de la Culture et celui de l'Économie.
D'après notre confrère, ces négociations ont pour objectif de permettre à Netflix de déployer ses ailes en France en septembre. Une date qui n'est pas nouvelle, puisque France Inter, dès le 9 janvier dernier, nous expliquait que « nous devrions tous y avoir accès de nos ordinateurs en septembre prochain, a priori ». La question de l'arrivée du service en devient désormais quasi secondaire, dès lors que la problématique s'est déplacée sur celle des conditions de déploiement. En effet, selon que l'Américain opère de l'étranger (Luxembourg ou ailleurs) ou en France, cela implique des différences importantes, notamment vis-à-vis de la TVA, de la chronologie des médias et des obligations de financement des films.
« S'il veut s'installer ici, Netflix doit se plier aux régulations »
On en vient alors à la future loi sur la création d'Aurélie Flippetti, ministre de la Culture, qui abordera de très nombreuses thématiques comme le transfert de la Hadopi vers le CSA, la chronologie des médias qui pourrait être ramenée à 24 voire 18 mois pour la SVOD ou le financement de la création. Interrogée sur ce dernier cas par Libération la semaine dernière, elle a d'ailleurs expliqué que certains points « dépendent d’une loi de finances et non de la « loi création »… La participation de Google ou Amazon reste un objectif à terme : cela nécessite aussi que le combat soit mené au niveau européen et international. »
Effectivement, en septembre dernier, le ministère de la Culture indiquait à propos de son projet de loi de finances 2014 que « la réflexion se poursuivra sur les sources de financement de la création à l’ère numérique, » sans plus de détails. Questionnée par le JDD hier au sujet de la probable arrivée de Netflix en France, Aurélie Filippetti n'a pas caché que voir un tel acteur pouvoir faire exploser l'offre légale et donc réduire l'accès illégal aux œuvres. « Mais s'il veut s'installer ici, Netflix doit se plier aux régulations qui font le succès de nos industries, notamment en matière de financement de la création » a-t-elle rapidement rappelé. YouTube et Dailymotion sont d'ailleurs dans le même cas, et une contribution pourrait leur être demandée.
« Pas un passager clandestin qui profite sans abonder la création française »
Pour la ministre, il s'agit même d'une « condition sine qua non » pour que le système économique du secteur soit préservé. Il est vrai qu'en cas d'arrivée de Netflix par des voies extérieures, il y aurait non seulement une concurrence faussée avec tous les acteurs en place (Canalplay Infinity, Videofutur, etc.), que ce soit vis-à-vis des prix ou de l'offre, mais le financement des œuvres s'en retrouverait bouleversé. « Netflix doit être un acteur supplémentaire du système, pas un passager clandestin qui profite sans abonder la création française » a-t-elle ainsi, reprenant l'expression de Montebourg et Pellerin au sujet de Free Mobile.
Ces prochains mois devraient donc être utilisés par Netflix afin d'évaluer les coûts et obligations qu'il devra gérer. La ministre est de toute façon optimiste, et même si le service américain devait travailler à partir du Luxembourg par exemple, elle assure que la France interviendra au niveau européen afin que la régulation s'applique au pays de consommation et non pas au pays du siège. Rappelons d'ailleurs qu'à partir du 1er janvier 2015, c'est qui se passera pour la TVA, même si l'État n'en récoltera pas tous les fruits immédiatement. Et si les changements en Europe venaient à être trop longs et complexes, « une réponse législative pourra aussi être envisagée, comme c'est le cas avec Amazon sur la gratuité des frais de port » menace Aurélie Filippetti.
Notez que selon la presse d'outre-Quiévrain, Netflix posera ses valises d'abord en Belgique en mai prochain, et cet été en Allemagne, la France étant bien prévue pour l'automne. Ces informations n'ont toutefois rien d'officielles. Il faudra d'ailleurs voir ce qu'il se passera si les internautes français se retrouvent dans la possibilité de regarder des contenus francophones depuis la version Belge du site si cela venait à se confirmer en outrepassant la restriction géographique, ce qui s'avère assez simple (certains le font déjà avec l'offre américaine).
Canal+ réagit et veut se diversifier
En attendant que toute cette agitation autour de Netflix ne devienne plus concrète, le secteur français continue d'évoluer. Vodkaster, grâce à sa fusion avec Riplay et une levée de fonds de 1,2 million d'euros, compte lancer cette année un service original de vidéo à la demande, ceci en se basant sur l'accès dématérialisé de DVD.
Quant à Canal+, outre Canalplay Infinity, la chaîne mise sur les contenus sur internet (accord avec YouTube, possible rachat du Studio Bagel, etc.), au point qu'une nouvelle division, nommée Canal OTT, a été officiellement annoncée vendredi dernier. L'objectif est de « développer des offres individuelles et en mobilité qui vont s'appuyer sur la technologie OTT (Over The Top, ndlr), la diffusion sur tablette et sur des plateformes comme YouTube ». Des offres payantes via internet seront notamment mises en place, sans plus de précisions.