Déjà approuvé par le Sénat en septembre 2013, le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem sur l’égalité femmes-hommes arrive cet après-midi à l’Assemblée nationale pour une première lecture en séance publique. Son article 17, qui accentue la responsabilité des intermédiaires, devrait faire l'objet d'importantes discussions, puisque le groupe socialiste a déposé un amendement consistant tout simplement à le supprimer. Mais les élus PS arriveront-ils à s'imposer face au gouvernement ?
Après son passage en Commission des lois à la mi-décembre, le projet de loi « pour l’égalité entre les femmes et les hommes » de Najat Vallaud-Belkacem sera débattu à partir de cet après-midi à l’Assemblée nationale. Mais le moins que l’on puisse dire est que certaines de ses dispositions ne suscitent toujours pas l’adhésion de tous les députés. En effet, trois amendements issus de l’UMP, du groupe écologiste et même du PS ont été déposés afin d’obtenir la suppression pure et simple de l’article 17 de ce texte, qui suscite de fortes interrogations depuis plusieurs mois.
Et pour cause : cet article vise à modifier le régime de responsabilité des intermédiaires, tel que protégé depuis 2004 au travers de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Pour l’heure, lorsque des contenus pédophiles, négationnistes ou racistes sont signalés à un FAI ou à un hébergeur, celui-ci est tenu, sous peine de sanctions, de le transmettre à Pharos, la plateforme de l’office central de lutte contre la criminalité sur les technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Sur le papier, le changement opéré par ce texte est relativement simple : il s’agit d’élargir cette voie afin de permettre à quiconque de dénoncer aux intermédiaires l’incitation, la provocation à la haine, notamment fondée sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle, ou le handicap.
Une dangereuse accentuation du régime de responsabilité des intermédiaires
Le problème est qu’une telle évolution pourrait avoir des effets mécaniques radicaux sur la responsabilité des FAI et des hébergeurs. « Compte tenu de la jurisprudence qui tient les hébergeurs pour responsables dès lors qu'ils ont connaissance de l'existence de contenus sur leurs services, cette extension risque de poursuivre la transformation des hébergeurs en police privée du Net, les incitant à la censure automatique de tout contenu signalé » prévient ainsi La Quadrature du Net, qui tente activement d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers inhérents à cet article. Le Conseil national du numérique a lui aussi été très clair, en prévenant le mois dernier qu’il ne fallait pas toucher à l’équilibre actuellement maintenu par la LCEN.
En vain. « Je suis totalement opposée à la suppression de l’article 17 » a balayé d’un revers de la main Najat Vallaud-Belkacem le mois dernier, en direction des parlementaires de la Commission des lois de l’Assemblée nationale qui tentaient déjà d'obtenir la suppression du fameux article.
Mais les parlementaires ne lâchent pas le morceau. Trois amendements ont effectivement été déposés à l’approche des débats en séance plénière. Tous réclament la suppression de l'article 17. Le premier est signé par une vingtaine d’élus UMP, le second par 17 écologistes, tandis que le troisième est soutenu par l’ensemble des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC). Autrement dit, par plus de 200 députés PS qui siègent au Palais Bourbon.
Les députés PS engagent un bras de fer avec le gouvernement
Outre les risques d’inconstitutionnalité de l’article en question, cet amendement écrit notamment sous la plume d'Axelle Lemaire et Christian Paul avant son passage en Commission des lois, retient qu’il ne faut « envisager de modifier les équilibres actuels qu’en prenant le temps d’une réflexion approfondie, d’une large consultation et d’un grand débat » concernant les droits et libertés numériques. En creux, l’on comprend qu’il est ici fait référence à l’initiative préparée par certains élus socialistes à propos des droits et libertés numériques. « Nous déplorons déjà aujourd’hui la censure opérée par certains opérateurs privés, comme Apple ou Facebook. (...) N’accroissons pas encore le pouvoir de censure d’opérateurs privés » ajoutent les parlementaires dans leur exposé des motifs, quelques semaines après avoir été vivement critiqués suite à l'adoption du projet de loi de programmation militaire.
Restera maintenant à voir si les élus de la majorité vont arriver à s’imposer face au gouvernement sur cet article, mais aussi s’ils pourront compter sur le soutien de certains de leurs collègues de l’opposition. Le moment de l'examen de cet article pourrait également peser, notamment s'il était discuté en fin de semaine (le vendredi après-midi par exemple, moment où la plupart des députés sont en circonscription). Le numéro de l'article, placé en 17ème position, ne joue à cet égard pas en sa faveur.