Hadopi : une étude remet en cause l’efficacité de la riposte graduée

De nouveaux travaux signés par le M@rsouin

Alors que le futur d'Hadopi devrait se retrouver dans les mains du CSA d'ici un laps de temps encore bien incertain, une nouvelle étude du M@rsouin s'est intéressée aux comportements des internautes français accédant illégalement à des contenus numériques, ceci en présence du dispositif de riposte graduée. Et le bilan n'est pas forcément positif pour la Haute autorité.

marsouin hadopi

Graphique issu d'une précédente étude du M@rsouin

Un sujet étudié depuis quatre ans

Allégée de son arme la plus tranchante, c'est-à-dire la suspension d'accès à internet, la riposte graduée est malgré tout encore vivante (plus que jamais). Et si son transfert de la Hadopi au CSA est bien engagé, cela n'a pas empêché Michael Arnold, Éric Darmon, Sylvain Dejean et Thierry Penard de publier une étude sur le comportement des internautes vis-à-vis de la riposte graduée. Le premier nommé, un économiste de l'Université du Delaware, nous est peut-être inconnu, mais les trois autres personnalités ont maintes fois retenu notre attention ces dernières années.

 

En 2010, Sylvain Dejean et Thierry Penard, chercheurs à l'Université de Rennes, avaient déjà créé un certain buzz en dévoilant « une première évaluation des effets de la loi Hadopi sur les pratiques des Internautes français, » ceci alors que la peinture de la riposte graduée était encore fraîche. À cette époque, leurs conclusions étaient les suivantes : si l'usage du P2P à des fins illégales a bien été réduit du fait de la présence d'Hadopi, les autres façons d'accéder illégalement à du contenu ont progressé, et notamment le streaming. « Bien que le nombre d’internautes fréquentant les réseaux Peer-to-Peer ait diminué, le nombre de « pirates numériques » a légèrement augmenté depuis le vote de la loi Hadopi » remarquaient-ils il y a près de quatre ans.

Des internautes parfois bien mal renseignés

Deux ans plus tard, en mai 2012, ces mêmes personnes ont remis le couvert en réalisant une étude similaire, mais avec bien plus de recul cette fois-ci. Et le bilan était sans appel, avec près d'un internaute sur deux ayant arrêté d'utiliser le P2P à des fins illégales, tandis que d'autres ont tout simplement réduit leur consommation via ce protocole. Mais surtout, Thierry Penard indiquait déjà à cette époque que l’enrichissement de l’offre légale et une baisse des prix étaient la meilleure réponse à apporter afin d'augmenter la consommation légale et donc réduire ce qui est vulgairement appelé le piratage.

 

Quelques mois plus tard, en juillet de la même année, Éric Darmon, Thierry Pénard, et Sylvain Dejean, accompagnés de Raphaël Suire, ont dévoilé deux nouvelles études. La première portait sur l'ignorance des internautes vis-à-vis des mécanismes de la riposte graduée, notamment sur les protocoles surveillés. Au point même que certaines personnes interrogées ont estimé « que l’Hadopi surveille les échanges de la main à la main (échange sur clé USB ou disque dur), » ce qui est bien évidemment faux et farfelu. Quant à la seconde étude, elle s'intéressait à l'importance de l'échange réalisé en main propre (le « piratage de proximité »), bien plus complexe à surveiller et à quantifier.

Des réactions différentes selon les individus

Suivant de près le dossier Hadopi depuis ses débuts et étudiant tout ce qui porte au partage depuis des années, les chercheurs Éric Darmon, Sylvain Dejean et Thierry Penard ont donc dévoilé il y a quelques jours une nouvelle étude sur le sujet. Concentré sur l'impact d'un dispositif de riposte graduée sur les internautes, le document présente précisément un modèle mathématique du comportement illégal en présence d'une politique publique telle qu'Hadopi. Si nous n'allons pas rentrer dans les détails de ce modèle, aux calculs mathématiques complexes, les conclusions de l'étude sont par contre intéressantes à plus d'un titre.

 

Tout d'abord, le modèle révèle que la probabilité d'être détecté par les radars de la riposte graduée « n'a pas d'impact sur la décision d'un individu à s'engager dans le piratage numérique ». Plus surprenant, en cas d'augmentation du risque d'être détecté, deux réactions opposées en découlent. La première, peu étonnante, est une baisse de l'incitation à la consommation illégale, ceci du fait du risque de punition. La seconde, par contre, implique une augmentation du piratage à court terme. Pourquoi ? Tout simplement parce que certains internautes se disent que consommer plus abondamment avant de recevoir un premier avertissement est plus judicieux, quitte ensuite à ralentir voire arrêter leurs actions en cas de punition possible. L'effet dissuasif est donc ici à double tranchant.

L'effet dissuasif de la riposte graduée et d'Hadopi est faible

Plus étonnant encore, l'étude indique qu'une amélioration de l'accès légal aux contenus, que ce soit via des baisses de prix ou une plateforme plus conviviale, implique certes une croissance de la consommation légale, mais aussi de la consommation illégale. C'est tout du moins le cas pour les personnes pour qui l'accès légal a peu d'importance et qui n'ont pas encore reçu le tout premier avertissement. Pour les chercheurs, cela « soulève des questions intéressantes quant à savoir si la combinaison d'une politique de riposte graduée pour dissuader de la piraterie et une réduction des coûts pour augmenter l'accès légal peut générer des résultats inattendus » comme justement l'augmentation de l'accès illégal chez certains individus.

 

Les conclusions de l'étude ne s'arrêtent cependant pas là. Il est ainsi très clair aux yeux des quatre chercheurs que la riposte graduée n'est pas assez dissuasive pour les internautes s'adonnant de longue date au téléchargement illégal, que ce soit sur l'accès en lui-même ou sur son intensité. Qui plus est, parmi les individus comprenant le concept de la riposte graduée et plus précisément quels sont les protocoles surveillés par les prestataires de l'Hadopi, le P2P a été remplacé par d'autres moyens (streaming, téléchargement direct,...). À nouveau, « l'effet dissuasif de la loi Hadopi est encore affaibli » du fait de ne viser qu'un seul moyen d'accéder illégalement aux contenus. Un point noir qui décrédibilise le système en quelque sorte, et qui réduit par conséquent la sensation de crainte de l'internaute.

 

Pour conclure, le document estime que l'augmentation de la consommation légale ayant fait suite à la mise en place de la riposte graduée n'est probablement pas liée à cette dernière. En effet, dès lors que seule la réception du premier avertissement implique un réel impact sur les comportements des internautes, et que la plupart des individus n'ont pas reçu ledit avertissement, penser qu'Hadopi est directement responsable de la croissance des ventes légales est un raccourci, déclarent les chercheurs. « L'augmentation des achats légaux est probablement le résultat d'externalités éducatives positives générées par la publicité entourant la loi, et cela ne peut être attribué à un effet dissuasif ayant réduit le piratage numérique. »

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