[MàJ] TVA à 2,1 % : la presse en ligne alignée sur la presse papier dès février

Merci l'Allemagne ?
Mise à jour : Maurice Botbol (Président du SPIIL) confirme qu'une TVA identique pourra finalement être appliquée à la presse en ligne et à la presse papier. Reste désormais à connaître toutes les modalités, et notamment si cela ne concerne bien que ceux qui détiennent un numéro de CPPAP, et ce que cela implique pour ceux qui appliquaient déjà un taux de 2,1 % pour leurs abonnements. Nous devrions rapidement avoir plus de détails sur le sujet.

La semaine dernière, Mediapart ainsi que deux autres membres du SPIIL (dont PC INpact est membre) recevaient un avis de contrôle fiscal par huissier. La raison ? La fameuse TVA à 2,1 % appliquée à leurs abonnements, alors qu'elle est toujours réservée à la presse papier. Une différence de traitement dénoncée, même par certains ministres, qui a fait couler beaucoup d'encre depuis.

En France, la presse dispose de nombreuses subventions de l'État, sous diverses formes. L'une d'entre elles est la possibilité de n'appliquer qu'un taux de TVA dit « super réduit  » à ses abonnements. Une manière non pas d'aider l'entreprise ni le journaliste, mais le lecteur en lui rendant plus abordable l'accès à l'information, sans préférence aucune puisqu'il s'agit ici d'une aide indirecte à la presse. Une aide qui n'est pourtant réservée qu'à certains médias.

La TVA à 2,1 % pour la presse en ligne : une promesse de longue date

En effet, cette TVA ne peut, en l'état actuel des choses, être appliquée qu'aux abonnements de la presse papier. Les abonnements numériques, eux, doivent appliquer le taux habituel de 19,6 %. Une distinction selon le mode de diffusion combattue depuis des années par les membres du Syndicat de la Presse d'information Indépendante en Ligne (SPIIL), dont PC INpact est membre depuis peu.

 

Après l'émergence tardive du statut de la presse en ligne en 2009, qui lui reconnaît droits et devoirs, c'est le second mur à abattre pour que le traitement des sociétés de presse soit identique, qu'elles diffusent leur contenu sur internet ou dans le monde physique. Après tout, pourquoi un journal lu à travers un abonnement sur tablette aurait-il une TVA différente de sa version papier ?

 

Considérant le taux de TVA à 19,6 % comme discriminatoire, certains membres du SPIIL ont ainsi décidé d'appliquer de fait cette TVA à 2,1 % à leurs abonnements en attendant une réaction de l'État qui a multiplié les promesses à ce sujet, sous l'ancienne majorité comme sous l'actuelle (200920102011, etc.) Ils ont d'ailleurs été confortés par le fameux arrêt Rank du 10 novembre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

 

Ils ont néanmoins constamment poussé cette question au point de mettre en ligne en février un mémoire sur le sujet. De multiples rapports publiés cette année sont venus appuyer cette position : celui de Pierre Lescure sur l’exception culturelle, celui de Roch-Olivier Maistre sur les aides à la presse, celui de la Cour des comptes sur les aides de l’État à la presse écrite ainsi que l’avis sur la fiscalité du Conseil national du numérique.

Une attention fiscale qui n'a rien de nouveau

Nos partenaires d'Arrêt sur images ont depuis longtemps évoqué cette décision qu'ils avaient communiquée à l'administration par rescrit fiscal. Après une première année sans problème, ils ont subi un redressement pour un montant 176 000 euros en 2009, somme qu'ils avaient provisionnée. Le premier d'une série. Daniel Schneidermann précisait d'ailleurs il y a quelques jours la situation du site : « Depuis trois ans, donc, nous sommes redressés. De recours en contestation, nous avons jusqu'à présent évité de payer, mais en donnant au fisc la garantie d'un nantissement du fonds de commerce. Soyons clairs : si nous devions verser au fisc le montant des redressements réclamés sur les trois derniers exercices, cela nous condamnerait soit à un relèvement substantiel du tarif des abonnements (solution à laquelle nous nous refusons), soit à la fermeture à brève échéance. »

 

Ils n'ont d'ailleurs pas été les seuls concernés. Ce fut aussi le cas de Dijonscope (voir cette émission d'@SI), le site d'information locale qui a récemment fermé ses portes. Après un financement sur le modèle publicitaire, son équipe avait finalement décidé de miser sur le modèle de l'accès par abonnement. Sabine Torrès l'évoquait lors de sa participation à une soirée-débat de Mediapart :

 

Trois membres du SPIIL contrôlés, à l'aube de 2014

La semaine dernière, c'était au tour de trois membres du SPIIL d'êtres visés par un contrôle, signifié par huissier : Mediapart, Indigo publications (La Lettre A, Presse News…) et Terra Eco. Alors que ces derniers n'ont jamais caché l'application d'une TVA à 2,1 %, et qu'un moratoire semblait en place en attendant une suite législative, Bercy est venu leur demander des comptes. Mediapart y voit l'ombre d'une vengeance de l'administration, secouée par ses différentes révélations, mais que ce soit le cas ou non, cette décision a de quoi interroger dès lors que l'on s'attarde un peu sur son contexte.

 

En effet, la loi de finances rectificative de 2013 aurait pu intégrer la fameuse TVA à 2,1 % pour la presse en ligne. Un point qui faisait consensus bien au-delà du syndicat puisque les représentants de la presse papier – pour qui les abonnements numériques prennent de l'ampleur – sont depuis un moment déjà en accord avec cette décision, comme de nombreux élus ainsi que la Cour des comptes. Pour autant, le gouvernement a rejeté l'amendement prétextant d'un désaccord éventuel de l'Europe sur la question. Un point en contradiction à la fois avec le fameux arrêt Rank, mais aussi avec la même décision de l'État de passer en force pour ce qui concerne le livre numérique.

 

De son côté, Aurélie Fillippetti déclarait il y a à peine deux semaines sa volonté de voir appliquer la TVA à 2,1 % dès l'année prochaine. « Je suis favorable à ce que, dès 2014, et je l’ai dit, c’est la position que je défends, à ce que la presse en ligne soit soumise à la même TVA que la presse écrite, comme nous l’avons fait pour le livre [...] Ce sera en 2014 la position du gouvernement » assurait-elle seulement quelques jours avant la notification de contrôle adressée à nos trois confrères :

 

Suite à la décision allemande, la France semble décidée à bouger à son tour

Il y a quelques jours, une délégation du SPIIL et du GESTE était reçue par les ministres de l'Économie, de la Culture et de la Communication et du Redressement productif. Le premier indique qu'« À cette occasion, les représentants du Spill ont précisé qu'ils ne contestaient évidemment pas le principe général des contrôles fiscaux. En revanche, ils ont affirmé qu'ils contestaient formellement le motif illégitime de ces contrôles, visant à appliquer une TVA discriminatoire à 19,6%. Ce ne sont pas ses adhérents qui sont en infraction, mais la législation française qui est en retard sur le droit européen. La discrimination fiscale entre presse imprimée (TVA à 2,1% sur les recettes de vente) et numérique (TVA à 19,6% ou 20% à partir du 1er janvier prochain) est contraire au droit communautaire. »

 

Dans un communiqué commun, les trois ministres ont hier soir éclairci la position du gouvernement et du Président sur la question : « Le Président de la République, lors de sa rencontre avec des représentants de la presse d’information politique et générale le 17 décembre, a exprimé son attachement au principe de neutralité fiscale entre les supports d’information, qu’ils soient imprimés ou numériques. Il a rappelé que les discussions se poursuivaient avec la Commission européenne afin de permettre à l’ensemble de la presse numérique de bénéficier d’un taux réduit, alors que le droit communautaire impose aujourd'hui l'application du taux plein de TVA. Ce dernier est ainsi à 19,6 % actuellement et à 20 % à compter du 1er janvier 2014.  

 

Cette position de principe est cohérente avec celle défendue par la France, devant les instances communautaires, en matière de livre numérique. L’évolution de la position allemande, qui s’engage désormais dans son pacte de gouvernement à soutenir au niveau européen la TVA réduite pour les livres électroniques et les médias numériques, ouvre de nouvelles perspectives. Il s'agit là d'un combat essentiel, que la France et l'Allemagne peuvent désormais conduire en commun, pour l'indépendance de la presse européenne, son pluralisme, sa modernisation. »

 

En effet, l'accord de coalition allemand, signé il y a quelques jours à peine évoque ce point et favorise l'existence d'une TVA commune au livre numérique et à la presse en ligne vis-à-vis de leurs équivalents papier. Pour autant, rien n'est joué, et les différents revirements de situation sur la question invitent à la prudence. On devrait néanmoins en savoir plus assez rapidement, notamment sur le calendrier exact puisque « Les trois ministres inviteront les représentants de la presse concernés, en janvier prochain, en présence des parlementaires français et européens intéressés par ces questions, afin de préciser les échéances politiques et législatives de cette forte mobilisation. »

 

Mediapart, qui ne souhaite pas relacher ses efforts sur la questiobn a donc lancé la signature d'un appel à l'égalité fiscale.

La TVA réduite : un détail, dans un système des aides à la presse qu'il faut réformer

Mais plus que la TVA, c'est toute la question des aides à la presse qu'il faudra revoir dans les mois qui viennent. Ici, le SPIIL défend la fin des aides directes aux médias (voir le détail pour 2013) alors que l'État vient d'annuler une dette de plus de quatre millions d'euros du journal l'Humanité afin d'en assurer la survie. Dans une précédente tribune, Edwy Plenel questionnait le bien-fondé de ce système : « En 2012, ces aides ont atteint des montants de plus de 18 millions pour Le Monde (pour le seul quotidien, mais 32,2 millions pour tout le Groupe Le Monde) comme pour Le Figaro, de plus de 10 millions pour Libération, sans compter près de 7 millions pour… Télé 7 Jours, près de 5 millions pour… Télé Star, près de 4 millions pour… Télé Z, trois journaux de programmes télévisés qui, eux aussi, bénéficient de la TVA super réduite à 2,1 % ! »

 

Comme il l'a rappelé ensuite dans une vidéo, la différence entre les aides directes et indirectes se situe principalement sur le destinataire. Plutôt que de financer les médias qui dépendent pour certains de manière assez importante de ces perfusions, le fait de privilégier une baisse de la TVA profite au lecteur. Car c'est, in fine, lui qui est moins taxé et peut ainsi prétendre à un accès plus abordable à l'information.

 

 

D'autres, comme Jacques Rosselin, connu pour avoir fondé Courrier international ou encore Vendredi, privilégient une aide directe aux journalistes en leur assurant un revenu minimum afin de ne plus les rendre dépendants de leurs médias ou de revenus extérieurs. Une piste (détaillée par ici) qui n'est pas sans soulever quelques questions et qui ne corrige pas tous les risques en termes d'indépendance, mais qui a le mérite de proposer une vision différente des choses. 

 

Quoi qu'il en soit, 2014 risque d'être une nouvelle année chargée pour ce qui est de l'évolution du modèle économique de la presse, gratuite ou payante, en ligne ou non. Ces débats sont donc loin d'être terminés.

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