L’exécutif remet en cause l’existence des pratiques d’IP Tracking

Piste rouge

Depuis le mois de mai, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) enquête sur les pratiques dites d’IP Tracking, afin de s’assurer qu’aucun consommateur ne soit victime de pratiques commerciales déloyales de la part de certains cybermarchands. Le ministre de la Consommation vient cependant d’annoncer que les investigations ainsi menées n’avaient pour l’heure pas permis de démontrer que les adresses IP d’internautes servaient à leur proposer des prix personnalisés. 

http internet

 

À l’instar de nombreux autres parlementaires, le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé avait interrogé en août dernier le gouvernement à propos des pratiques dites d’IP Tracking, ou « pistage d’IP », en français. « Certains sites de vente en ligne sont accusés d'élever leurs tarifs en repérant l'adresse "IP" d'un internaute s'intéressant à une offre, afin d'inciter le client à acheter plus rapidement et à un tarif plus élevé », s’inquiétait alors l’élu.

 

Et pour cause : en janvier 2013, un article paru dans la section « SOS Conso » du site Lemonde.fr s’intéressait aux augmentations rapides de tarifs des cybermarchands spécialisés dans la vente de billets de train ou d'avion. Nos confrères en sont rapidement venus à parler d’IP Tracking. La technique repose sur un principe simple : après avoir consulté une page relative à un billet que vous n'achetez pas, l’idée est d’augmenter son tarif lors de votre prochaine visite, dans le seul but de vous faire croire qu’il ne reste presque plus de places et qu'il faut donc rapidement passer à l'acte d'achat. 

 

L’eurodéputée Françoise Castex s’était alors rapidement emparée du sujet, ce qui avait notamment poussé la Commission nationale de l’informatique et des libertés à ouvrir une enquête sur l’IP Tracking. Pourquoi la CNIL ? Parce que les adresses IP sont des données personnelles au regard de la législation européenne. Mais pour les aspects liés au droit de la consommation (et notamment en raison des soupçons de pratiques commerciales déloyales), c’est la brigade de répression des fraudes qui était alors mise dans la boucle, en parallèle aux investigations de la gardienne des données personnelles. Nous étions alors au mois de mai.

Benoît Hamon confirme que les adresses IP sont bien utilisées

Depuis, aucune communication n’a été faite à ce sujet par les deux institutions. Mais la semaine dernière, dans sa réponse à Jean-Vincent Placé, le ministre de la Consommation a laissé fuiter de premières conclusions. « Les constatations réalisées à ce jour [par la DGCCRF] montrent que l'intérêt économique des entreprises à mettre en œuvre des pratiques d'individualisation des propositions commerciales en fonction de données collectées sur les internautes est avéré (les bannières personnalisées ont un meilleur taux de conversion). Le processus de segmentation est techniquement abouti » commence par expliquer Benoît Hamon.

 

Seulement, l’intéressé poursuit en affirmant qu’à ce jour, « il n'a pas été démontré que la technique est utilisée pour proposer des prix personnalisés. En tout état de cause, elle ne semble pas reposer sur la pratique de l'IP Tracking telle qu'elle est dénoncée par la presse ». Explication ? « L'adresse IP n'est qu'un des éléments collectés et ce n'est pas le plus pertinent, les entreprises se fondant notamment sur des informations stockées dans le navigateur tels les cookies ou témoins de connexion » affirme le locataire de Bercy.

 

En creux, le ministre de la Consommation laisse entendre que les investigations menées par la brigade de répression des fraudes n’ont encore donné lieu à la constatation d’aucun manquement particulier. Benoît Hamon l’assure néanmoins : « La CNIL et la DGCCRF vont maintenir collectivement leur vigilance en continuant à réaliser des enquêtes communes sur ces pratiques supposées ».

 

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Pour Françoise Castex, « il y a donc bien de l'IP Tracking »

« On a toujours su que l'adresse IP n'était pas utilisée seule, parce qu'elle n'apprend rien en elle-même, ce n'est que l'avatar d'un ordinateur. C'est en croisant avec d'autres éléments qu'elle devient significative. La réponse de Benoît Hamon confirme que l'adresse IP est bien l'un des éléments utilisés dans le profilage des internautes » commente Françoise Castex, contactée par PC INpact. « Il y a donc bien de l'IP Tracking à partir du moment où l'adresse IP est utilisée » insiste l’eurodéputée socialiste.

 

L’élue regrette néanmoins que le ministre de la Consommation ne fasse pas référence à la notion de consentement explicite de l'internaute, pourtant nécessaire lors de la collecte de données personnelles. « Ce qu'il dit, c'est "oui, il y a un intérêt économique des entreprises à mettre en oeuvre des pratiques d'individualisation des propositions commerciales". Merci monsieur le ministre, on le savait déjà ! Ces "pratiques d'individualisation", moi j'appelle ça des pratiques de profilage, qui peuvent aboutir à des pratiques commerciales déloyales » fait ainsi valoir la parlementaire.

Quand le gouvernement refusait de soutenir les amendements anti-IP Tracking  

Rappelons qu’à l’échelon national, le gouvernement a loupé plusieurs occasions de faire évoluer les règles relatives à l’IP Tracking. À deux reprises, des amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale afin que « les méthodes d’identification des utilisateurs d’internet au moyen du stockage de leur adresse IP et de leurs données de navigation aux seules fins de faire varier les prix d’un produit ou d’un service vendu en ligne » soient expressément considérées comme des pratiques commerciales déloyales, dès lors interdites et réprimées par le Code de la consommation. Mais à chaque fois, l’exécutif s’y est opposé, de même que les députés.

 

« Il faut bien qu'à un moment donné le législateur tranche entre : est-ce qu'on privilégie l'intérêt économique des entreprises ou la protection des données personnelles et le consentement explicite des internautes ? Voilà ! En France, le débat n'a pas bougé d'un cran ! » déplore aujourd’hui Françoise Castex, qui continue de se battre pour que le sujet évolue sur un plan européen, notamment au travers des discussions relatives au projet de directive sur la protection des données personnelles.

 

Contactée pour un point sur ce dossier, la CNIL n’a pas voulu nous donner davantage d’informations. L’institution nous a cependant laissé entendre qu’elle sortirait officiellement de son silence dans les prochains jours.

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