Il n’y a pas que du côté des ayants droit que l’on aimerait que le statut des hébergeurs soit modifié. Ce que l’on peut appeler « l’affaire Dieudonné » a en effet suscité ces dernières semaines de nombreuses réactions, notamment en raison du canal de diffusion des propos de l’intéressé : Internet, et tout particulièrement YouTube, où ses vidéos sont visionnées par des millions d'internautes.
La dernière missive à l’encontre du statut juridique des hébergeurs provient de Jonathan Hayoun, l’ancien président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Celui-là même qui a lancé la fronde contre Twitter dans le cadre de l’affaire « #UnBonJuif ». Dans une tribune publiée lundi dans le Nouvel Obs, l’intéressé regrette qu’il soit aujourd'hui « possible de faire des millions de vues [sur YouTube] en tenant des propos négationnistes ».
Tout en s’appuyant sur cette situation particulière, c’est bien le rôle joué par la célèbre plateforme de vidéos qui est questionné. « Le fonctionnement de YouTube est ainsi fait qu'en naviguant sur ce site, nous ne pouvons échapper à [la parole haineuse de Dieudonné. Ce dernier] arrive à mettre à son service les principaux outils d'indexation, la newsletter et la page d'accueil de YouTube. Il est devenu un locataire privilégié de la plateforme web. Son théâtre de la Main d'Or devenant son lieu de représentation secondaire » fait ainsi valoir Jonathan Hayoun.
YouTube, hébergeur ou éditeur ?
De tels propos rappellent ceux tenus il y a plus d’un an par Pierre Lescure, lors du bilan de mi-parcours de la mission sur l’Acte 2 de l’exception culturelle. Celui qui vient tout juste d’être élu président du Festival du Cannes expliquait alors que les hébergeurs se transformaient en éditeurs lorsqu’ils adoptaient une démarche plus active, consistant par exemple à vendre des publicités ciblées à partir des informations personnelles de leurs utilisateurs. YouTube était d’ailleurs déjà brandi en guise d'illustration. « Quand YouTube ou iTunes me donne des conseils en me disant "tu aimes bien Mylène Farmer, tu vas aimer Barbara" (...), il commence à faire un boulot d’édition. On ne peut pas dire qu’il est totalement neutre » avait alors déclaré l'ancien PDG de Canal+.
En clair, le statut juridique des hébergeurs se retrouve une nouvelle fois dans la balance. Car pour rappel, c’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 qui pose en France le régime applicable aux hébergeurs. En l’occurrence, l’intermédiaire n’est pas astreint à une obligation de surveillance générale. Il n’est pas responsable des contenus qu’il stocke sur ses serveurs, à l’image de YouTube avec les vidéos uploadées par ses utilisateurs. L’intermédiaire ne devient responsable des contenus qu’il héberge que si, après avoir eu connaissance d’un contenu manifestement illicite, il n’a rien fait pour le retirer. C'est ce qu'on appelle le « notice and take down », le retrait après le signalement.
Et Jonathan Hayoun est bien conscient de l’état actuel du droit. « Internet n'est pas une zone de non-droit » rappelle-t-il ainsi. « YouTube se doit de supprimer les vidéos racistes si elles lui sont signalées » explique à cet égard l’ancien président de l’UEJF, avant d’ajouter qu’il « peine à croire que personne n'ait signalé les vidéos de Dieudonné jusqu'à présent ».
L'UEJF veut que le statut d’hébergeur soit modifié
Problème : en l’état actuel des choses, la législation « ne nous permet en rien de nous prémunir d'une haine vidéo-partagée » écrit Jonathan Hayoun. Pour « empêcher que le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie puissent être relayés et amplifiés par les sites de vidéos en ligne », l’intéressé propose que les pouvoirs publics modifient le statut juridique des hébergeurs à l’occasion de l’examen du projet de loi d’Aurélie Filippetti sur la création, le texte qui devrait consacrer le transfert de la riposte graduée au CSA. Voici son plaidoyer :
« Le statut juridique de ces prestataires du net, pensé il y a plus de dix ans, n'a certainement plus de sens. Ils ne sont pas qu'un espace de stockage. Leur objectif dépasse l'hébergement de contenus. Ils se disent au service de la diversité culturelle et de la création artistique. Ils doivent donc accepter la proposition de la ministre de la Culture de les qualifier d'éditeur de service culturel numérique. Leur statut juridique modifié, la lutte contre la haine sur le web ferait un grand pas. »
Contacté par PC INpact, le nouveau président de l’UEJF Sacha Reingewirtz nous a indiqué que la tribune de Jonathan Hayoun collait avec les vues actuelles de l’association. « Ça reflète nos positions. Nous sommes très choqués de voir que sur YouTube il y ait toute une espèce de courroie de transmission et que d’une vidéo à une autre l’on puisse passer à des contenus qui sont très dangereux idéologiquement et que ces contenus soient d’ailleurs promus ». L’intéressé a poursuivi : « Pour nous, ce n’est pas possible qu’un site qui ait une telle ampleur se cache derrière un statut d’hébergeur ! Il y a vraie réflexion à faire à ce sujet. »
Les récentes mises en garde du CNNum à propos du statut des hébergeurs
Toutefois, la France est tenue de respecter la législation européenne en matière de responsabilité des hébergeurs, qui visait jusqu’ici à protéger la liberté d’expression en interdisant une surveillance générale des flux. La LCEN est d'ailleurs la transposition d’une directive européenne datant de 2000. Y toucher serait donc extrêmement délicat. Au-delà de ces obstacles de forme, les oppositions se font également sur le fond.
Le mois dernier, le Conseil national du numérique a en effet été clair : il faut à ses yeux « préserver l’esprit d’équilibre instauré par la loi pour la confiance dans l’économie numérique ». En clair, face aux messages illicites mieux vaut ne pas toucher au dispositif actuel, et « éviter la multiplication des régimes d’exception qui limitent le champ d’application du droit commun » - contrairement à ce que prépare actuellement l’exécutif.
Levées de boucliers du côté de La Quadrature du Net
Du côté de La Quadrature du Net, l’on milite activement depuis plusieurs mois pour que ces contestations progressives n’aboutissent pas à la mise en place d’une « police privée » du Net, dont les rênes seraient confiés aux géants du Net (YouTube, Twitter, Facebook...). « L'objectif est toujours le même : faire en sorte que les plateformes en ligne décident elles-mêmes de ce qui est licite ou pas, alors que dans un État de droit, ce rôle devrait revenir au seul juge » analyse ainsi Félix Tréguer, co-fondateur de l’association de défense des libertés numériques. « Le plus regrettable dans cette tribune, c'est la manière dont l'auteur balaie d'un revers de la main la protection judiciaire de la liberté d'expression, en invoquant la nécessité d'aller vite, de ne pas perdre de temps » poursuit-il.
L’intéressé avait déjà eu l’occasion de l’expliquer, mais il le rappelle : à ses yeux, Internet n’est pas le problème, mais plutôt une partie de la solution. « Il est décevant de voir les associations anti-discriminations s'en tenir pour l'essentiel à la stigmatisation d'Internet et à l'option répressive dans leurs interventions publiques, plutôt que de tenter d'utiliser cet outil pour innover en matière de sensibilisation, de pédagogie, de déconstruction des discours de haine et de mobilisation citoyenne. Or, il n'y a qu'ainsi qu'ils pourront efficacement combattre l'intolérance et les préjugés, non seulement sur Internet mais aussi dans le reste de la société » réagit ainsi Félix Tréguer.
Le projet de loi sur la création de Filippetti, futur Cheval de Troie ?
Au passage, ce représentant de La Quadrature du Net estime que « l'UEJF confirme les craintes que le projet de loi "Création" ne devienne le nouvel alibi d'un renforcement drastique de la répression extra-judiciaire sur Internet, le tout sous l'égide du CSA ». Rappelons à cet égard que le gendarme de l’audiovisuel espère bien continuer de glaner au travers de ce véhicule législatif de nouveaux pouvoirs vis-à-vis des plateformes de vidéos telles que YouTube et Dailymotion. Il affirmait ainsi il y a peu encore que celles-ci diffusent « une part importante de contenus "professionnels" », et qu’elles devraient à ce titre être considérées comme des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), de la même manière que le service Pluzz de France Télévisions par exemple.
Toutes ces différentes mises en garde n’ont cependant pas empêché le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, d’affirmer il y a quelques jours qu’il faudrait « discuter notamment avec les opérateurs » pour empêcher la diffusion de messages illicites sur Internet. Aurélie Filippetti, sa collègue de la Culture, a pour sa part expliqué ce week-end qu’il fallait « prendre les dispositifs qui sont particuliers au net, et notamment à travers les hébergeurs, pour que [les contenus ne puissent] pas se répandre quand il y a des attaques contre la dignité de la personne humaine », comme l’a relevé Numerama.
Pour ceux que cette question intéresse, nous vous conseillons notre dossier sur ce sujet, ainsi que notre émission du 14h42 montée avec Arrêt sur images.
Commentaires (82)
#1
J’aime bien l’auteur de l’article intitulé “Dieudonné : et pendant ce temps, ses vidéos racistes cartonnent. Mais que fait YouTube ?” que l’on peut voir en capture.
Son nom de famille ne laisse aucun doute sur ce dont il parle derrière le terme “racisme”. " />
#2
« Quand YouTube ou iTunes me donne des conseils en me disant “tu aimes bien Mylène Farmer, tu vas aimer Barbara” (…), il commence à faire un boulot d’édition. On ne peut pas dire qu’il est totalement neutre » avait alors déclaré l’ancien PDG de Canal+.
Est-ce moi ou démontre-t-il ici, ce cher Lescure, son incompréhension magistrale des mécanismes qui construisent internet ?
Parceque, si je ne suis pas à côté de la plaque (toujours possible), le choix des pubs, ce n’est pas Youtube (hébergeur) qui le décide, mais les annonceurs qui payent Youtube pour prendre des places d’affichage, et qui utilisent les cookies pour déterminer le meilleur produit… Non ?
#3
Quand tu vois les vidéos “dégueulasses” sur les Youtube et compagnie …. Dieudo a côté c’est peace & love même so je n’adhère pas à tout ce qu’il dit.
#4
Il va falloir rajouter un smiley :overdose: " />
#5
Comme d’hab ca chouine pour avoir une loi sur mesure…
#6
« Le statut juridique de ces prestataires du net, pensé il y a plus de dix ans, n’a certainement plus de sens. Ils ne sont pas qu’un espace de stockage. Leur objectif dépasse l’hébergement de contenus. Ils se disent au service de la diversité culturelle et de la création artistique. Ils doivent donc accepter la proposition de la ministre de la Culture de les qualifier d’éditeur de service culturel numérique. Leur statut juridique modifié, la lutte contre la haine sur le web ferait un grand pas. »
Bin dans ce cas tu portes plaintes, tu vas devant le juge et tu argumentes que Youtube n’est pas un hébergeur mais un éditeur et/ou qu’il refuse de supprimer des vidéos signalées. Pourquoi demander à la ministre de changer la loi?
Enfin je sais pas, mais il me semble que c’est à la justice de décider de ça, non?
#7
Quel cirque avec ce Dieudonné, Dieudonné par ci, Dieudonné par là… La France n’a t-elle donc pas plus urgent à gérer que ces histoires de spécialités lyonnaises?
A ce que je sache, il n’y avait pas eu autant de mobilisation pour le scooter volé par Moktar il y a une vingtaine d’années!
Il n’y a pas non plus la moindre réaction lorsque des blancs ou des catholiques sont victimes de racisme, ni quand des “chanteurs” de rap appellent à “niquer la police” ou “niquer la France” " />
#8
#9
#10
#11
Tant que je pourrai trouver des vidéos avec des mecs et des chèvres, des nanas avec des dogs allemands, de tomber sur une vanne de Dieudo entre deux, ça me gêne pas trop.
#12
#13
#14
#15
Toutes ces assos “anti raciste” là, se rendent-elles compte qu’elles produisent l’effet inverse qui celui escompté ??
Moi elles me foutent la " />" />" />" />" />" />" />" />" />" />" />" />" />" /> …plus de smiley dispo…
#16
#17
#18
#19
#20
attention chérie ca va couper troller…
#21
#22
#23
#24
Pour « empêcher que le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie puissent être relayés et amplifiés par les sites de vidéos en ligne »
Stop avec leur antisémitisme. Il y a déjà le terme racisme pour ça.
#25
#26
#27
#28
#29
#30
#31
#32
#33
#34
#35
#36
#37
#38
#39
#40
#41
#42
#43
#44
#45
#46
Quelle belle bande de racailles ces mecs de l’UEJF. Les mecs se croient au dessus des lois pour la défense de leur sacro sainte pensée unique. On peut chier sur tout sauf sur eux, belle preuve de communautarisme.
#47
#48
#49
#50
#51
#52
#53
J’ai du mal à penser que ce Jonathan Hayoun soit purement objectif, en effet traiter et parler de l’antisémitisme alors que l’on est soit même juif, j’ai un peu l’impression que c’est un “conflit d’intérêt”.
Bizarrement je pense que les gens accorderaient plus de crédit si la personne dénonçant les propos de Dédé était catholique, musulman ou boudhiste.
#54
#55
#56
#57
#58
#59
#60
#61
Je propose une loi interdisant la connerie. Comme ça, Dieudonné devra la fermer… et Jonathan Hayoun aussi ! Et hop ! D’une pierres deux coups " />
#62
Ils sont d’un relou !
Ils arrivent à censurer à la télé pour n’importe quelle connerie et maintenant ils veulent pouvoir le faire sur le net…
Avec le nom des “chouineuses” Dieudo na pas fini de valider sa théorie sioniste " />
#63
#64
#65
#66
#67
#68
Marre de voir des titres d’actus sur lui, qu’il passe au tribunal pour ses déclarations, et puis basta. Peine, amende, rappel à la loi, relaxé, innocenté, je m’en fiche.
#69
#70
#71
#72
#73
#74
Sur le coup, youtube peut au mieux rendre inaccessible les vidéos depuis la France (de manière directe). Mais pas vraiment les virer. Supposons qu’un Fan de Dieudo habite aux USA et uploade les vidéos de ce dernier sur son compte Youtube. Dieudo ne rale pas pour les droits. En quoi un Juge Français serait a même d’exiger que la dite vidéo soit supprimé ? En rien. La vidéo est protégée par la constitution américaine. Par contre il peut demander a Google d’en virer l’accès depuis la France. Ça Google sait très bien le faire pour les contenus protégés et peut donc le faire pour autre chose.
Bon d’accord, il suffira de passer par un proxy/vpn pour accéder a la vidéo mais ca les juges peuvent pas l’empêcher.
#75
#76
#77
#78
Il y a une 10n d’années le magazine sérieux La Recherche faisait sa couverture sur le racisme.
L’article décortiquait ce concept, et arrivait en toute logique à conclure qu’accuser la pensée de qqun, ou qqun de racisme, c’est faire preuve de racisme à son égard. Le racisme est en effet une généralisation à un groupe, de tares.
Ex Les noirs sont tous intelligents, c’est du racisme.
Les juifs sont le peuple élu c’est du racisme
mais aussi
Dieudo est raciste, c’est du racisme. Certains de ses propos le sont. Ce n’est pas une raison pour généraliser à tout son être, et de lui coller une étiquette pour le stigmatiser.
Personne n’est à l’abrit de faire preuve de racisme, personne ne doit pourtant être traité d’être raciste, parce que c’est un obstacle au débat qui seul permet de lever les idées reçues,
En somme le seul racisme à stigmatiser est celui de la personne qui use et abuse du concept, et qui fait ainsi montre qu’il est lui-même… raciste!
L’Uejf doit donc être dissoute pour provocation à la haine! Car la haine nait de la rupture du dialogue.
Israel n’a pas sa place sur terre (je ne le pense pas spécialement d’avantage que “les noirs sont tous intelligents”, c’est pour illustrer) ce n’est pas du racisme, c’est une opinion. Et chacun doit être libre d’avoir la sienne et de la confronter à celle des autres.
Sous couvert d’attaquer les hébergeurs, on met doucement en place une société totalitaire (IMHO)
#79
#80
#81