Le 30 décembre dernier, le Conseil d’État a annulé une des dispositions contenues dans l’un des décrets Hadopi datant de 2010. Suite à un recours exercé par Apple, le juge administratif a effectivement censuré la partie litigieuse, en ce que celle-ci portait atteinte aux droits de la défense. Explications.
Tout comme Free ou l’association French Data Network (FDN), Apple avait exercé plusieurs recours devant le Conseil d’État à l’encontre de différents décrets pris en application de la loi Hadopi. Le géant américain, propriétaire de la célèbre plateforme iTunes, contestait entre autres la légalité d’un de ces textes d’application, en l’occurrence d’un décret signé par le gouvernement Fillon en novembre 2010, lequel concernait d’une part la labellisation des offres légales, et d’autre part la mission de régulation des mesures techniques de protection (MTP) confiée à la Haute autorité.
Le Conseil d’État annule une partie de l’article 2 du décret du 10 novembre 2010
Dans une décision rendue le 30 décembre 2013 (disponible sur Légifrance), la juridiction administrative a décidé d’annuler une partie de ce décret. En effet, parmi les nombreuses dispositions contenues dans son article 2, le texte en question prévoyait que certaines décisions prises par le président de la Hadopi en matière d’interopérabilité des mesures techniques ne puissent « être contestées qu'à l'occasion du recours dirigé contre les décisions de la Haute Autorité rendues en application des articles R. 331-68 à R. 331-70 » du Code de la propriété intellectuelle. Plus concrètement, cela signifie que la légalité des décisions ainsi prises par la Rue du Texel ne pouvait faire l’objet d’un recours que lorsque celles-ci étaient devenues définitives.
Problème : aux yeux du Conseil d’État, une telle disposition empêchait de ce fait « l'exercice d'un recours ou d'une action en référé contre ces décisions devant le juge compétent ». Ainsi, au regard de « l'ampleur et [du] caractère potentiellement irréversible des effets des décisions » en question, les dispositions de l’article litigieux violaient « le principe général du droit au recours et les exigences liées au respect des droits de la défense ». Dès lors, le « IV » de l'article R. 331-65 du Code de la propriété intellectuelle a été annulé et n’apparaît désormais plus dans l’édifice normatif.
La juridiction administrative rejette le reste des demandes d’Apple
Le Conseil d’État a cependant refusé d’invalider le reste du texte, les arguments présentés par Apple n’ayant manifestement pas réussi à le convaincre. Par exemple, la marque à la pomme affirmait que le texte publié au Journal Officiel était différent du projet de décret examiné en Conseil d’État. « Faux », a répondu le juge administratif, pour qui l’un et l’autre sont bien identiques.
Aussi, la firme de Cupertino faisait valoir que la Commission européenne aurait dû se voir transmettre le décret, en ce que celui-ci comportait des « règles techniques » au sens de la directive n°98/34/CE. Mais le juge administratif ne l’a pas entendu de cette oreille. Dans sa décision, il retient que le décret « ne comporte aucune règle technique et ne constitue pas par lui-même un "projet de règle technique" au sens de la directive précitée ».
Rappelons enfin que le 26 décembre dernier, le Conseil d’État a rejeté les recours introduits par Free et FDN contre deux décrets Hadopi. En 2011, Apple et FDN avaient déjà essuyé des revers similaires devant la juridiction administrative, toujours à propos de décrets Hadopi.