Interrogé par un député qui souhaitait que les personnes possédant un poste de télévision mais ne le regardant pas n’aient pas à payer la redevance TV, le ministre de l’Économie et des finances vient d’écarter une telle proposition. Les foyers concernés auront donc bien à payer leur « contribution à l’audiovisuel public », qui sera d’un montant de 133 euros en 2014.
Vous avez une télévision à la maison, mais vous ne vous en servez jamais pour regarder les chaînes publiques, celles du groupe France Télévisions ? Mauvaise nouvelle : quand bien même votre téléviseur ne serait même pas raccordé à l’antenne, vous devez malgré tout payer votre redevance TV, ou « contribution à l’audiovisuel public » selon les termes désormais employés par l’administration fiscale. Ce ne sont en effet pas vos usages qui déterminent le paiement de cet impôt, mais bien la possession d’un ou de plusieurs appareils « clairement identifiables comme des téléviseurs » ou comme des « dispositifs assimilés permettant la réception de la télévision » (écran plat associé à un lecteur DVD avec tuner par exemple).
Une exonération pour les contribuables ne regardant pas France Télévisions ?
La problématique est loin d’être nouvelle, mais elle a néanmoins mobilisé en février dernier le député UMP de la Sarthe, Dominique Le Mèner. « L'évolution des matériels audiovisuels disponibles sur le marché est telle qu'il est de plus en plus difficile d'acquérir un écran multimédia dépourvu de tuner de télévision » faisait ainsi valoir le parlementaire, avant de poursuivre : « De plus, la multiplication des supports de diffusion numériques et audiovisuels a considérablement modifié le rapport à la "consommation" de télévision ». En clair, les contenus arrivent aujourd’hui de manière moins linéaire, avec davantage de contenus visualisés « à la demande » par exemple.
Dominique Le Mèner affirmait alors qu’il était « nécessaire d'adapter la réglementation en vigueur pour tenir compte de ces évolutions ». Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie, était surtout invité à « valoriser la reconnaissance de la bonne foi des contribuables qui, bien que détenteurs d'un équipement permettant la réception de la télévision, pourraient certifier ne pas en faire l'usage en préférant d'autres supports de diffusion audiovisuelle ». En filigrane, l'on comprenait que l’élu demandait à ce que l’administration fasse confiance aux contribuables, pour que ceux qui disposent d’un téléviseur uniquement pour regarder des DVD n’aient par exemple pas à payer de redevance.
Pierre Moscovici craint une baisse des rentrées d'argent
Mais l’idée n’a pas vraiment séduit le locataire de Bercy... C’est même le moins que l’on puisse dire ! Dans sa réponse, publiée la semaine dernière au Journal Officiel, Pierre Moscovici brandit l’actuel article 1605 du Code général des impôts et rappelle que la redevance TV « est due indépendamment de toute connexion au réseau numérique et quel que soit l'usage ou la destination des appareils ».
Sur le fond, c’est l’idée du député Le Mèner qui est en elle-même taclée par le ministre de l’Économie : « Toute dérogation à ce fait générateur [le fait d’avoir une télévision, ndlr], telle que l'exonération des détenteurs de télévision certifiant ne pas en faire l'usage, serait de nature à provoquer une perte de recettes pour le secteur public de l'audiovisuel, clame ainsi Pierre Moscovici. Selon lui, ceci affecterait d'ailleurs « sa capacité à assurer ses missions de service public ».
Outre cette possible baisse des rentrées fiscales, Bercy craint également des problèmes de mise en œuvre d’une telle dérogation : « Le contrôle des éléments déclarés est la nécessaire contrepartie du système déclaratif. Or ce contrôle serait compromis par les difficultés à déterminer s'il y a ou non utilisation effective de l'appareil pour regarder la télévision ». En clair, impossible de vérifier si quelqu’un qui affirme ne pas regarder la télévision ne l’allume pas en douce, en dehors des éventuels contrôle de l’administration fiscale...
Plutôt la piste de l'extension de la redevance aux ordinateurs et smartphones ?
Bercy sait pourtant faire preuve de beaucoup d’imagination pour détecter les éventuels fraudeurs à la redevance TV. Si l’on savait déjà que l’administration fiscale croise depuis plusieurs années les déclarations des vendeurs de télévisions avec les noms de ceux qui se déclarent détenteurs de récepteurs de télévision, elle peut depuis cet été démultiplier ses contrôles automatisés en puisant cette fois dans le fichier de la taxe d’habitation, mais également dans celui des abonnés aux distributeurs TV, dont les fournisseurs d’accès à Internet (voir notre article).
Rappelons enfin que si l’option du député Le Mèner a été écartée, c’est aussi parce que les autorités se penchent depuis plusieurs mois sur une éventuelle extension de la redevance aux tablettes, ordinateurs et smartphones. Soutenue par la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, de même que par France Télévisions et certains ayants droit (notamment ceux de la SCAM), une telle solution n’a finalement pas émergé au travers du projet de loi de finances 2014.