Le rapport du CSA qui vise expressément YouTube et Dailymotion

La veille de Noël, ça sent le sapin

« À l’heure de la convergence des médias audiovisuels et d’internet, et de la diversification des acteurs de la vidéo en ligne, le Conseil s’est efforcé d’analyser l’évolution de leurs métiers et ses incidences sur les catégories juridiques existantes » écrit le CSA en préambule du rapport qu’il a officiellement remis le 12 novembre au gouvernement au sujet des « SMAD », et qui vient tout juste d’être mis en ligne sur son site Internet (PDF). Alors que l'exécutif se prépare à lui confier la riposte graduée, l'institution espère bien pouvoir étendre au passage ses prérogatives. 

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Depuis 2009, la législation française confère au gendarme de l’audiovisuel le pouvoir de réguler les services de médias audiovisuels à la demande, les fameux « SMAD ». Entrent ainsi dans ce giron les plateformes de télévision de rattrapage (Pluzz, MyTF1, etc.), de même que les services de VOD - qu’il s’agisse d’offres à l’acte ou par abonnement. Autrement dit, les plateformes telles que YouTube, Dailymotion, ou bien les boutiques comme celle d’iTunes ne peuvent pas être réprimandées par le CSA. Elles n’ont pas non plus à respecter les obligations de financement ou d’exposition de certaines oeuvres auxquelles sont soumis les SMAD.

 

Mais les choses pourraient bien évoluer. Les vues de l’institution sur le Net ne sont pas nouvelles, et le rapport Lescure a clairement permis de faire tomber les masques à ce sujet. Après avoir présenté le fonctionnement actuel des choses et les quelques soucis qu’il avait pu rencontrer, le CSA plaide officiellement auprès des pouvoirs publics pour une « évolution souhaitable de la régulation des SMAD ». Pour étendre davantage ses pouvoirs, l’institution fait différentes recommandations.

YouTube et Dailymotion explicitement dans le viseur du CSA

Tout d’abord, le CSA estime que davantage d’acteurs devraient rentrer dans la catégorie de SMAD. Dans son viseur, se trouvent notamment YouTube et Dailymotion, qui sont explicitement cités. Le gendarme de l’audiovisuel explique en effet que les services étant actuellement qualifiés de SMAD sont désormais « en concurrence avec des acteurs puissants de l’internet qui ne contribuent pas au financement de la création, soit parce qu’ils ne sont pas établis en France, soit parce qu’ils ne sont pas considérés comme éditeurs de SMAD ».

 

L’autorité administrative s’offusque du fait que certains de ces acteurs bénéficient pourtant « du trafic engendré par la réutilisation des contenus audiovisuels ou cinématographiques ». Autrement dit, même si ces sites hébergent des contenus créés par des utilisateurs privés, ils diffusent malgré tout aux yeux du CSA « une part importante de contenus "professionnels" ». L’institution retient en outre que ces plateformes développent « depuis plusieurs années des partenariats avec des éditeurs audiovisuels ou des fournisseurs de contenus, avec lesquels elles partagent les revenus issus de la publicité ».

 

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Tout en délicatesse, l’autorité administrative préconise donc de « demander, à l’occasion du réexamen de la directive SMA [services de médias audiovisuels, ndlr], une clarification du champ d’application de la directive, de façon notamment à y intégrer les distributeurs de services au sens de la loi française ». Aussi, elle considère qu’une étude d’impact devrait être menée afin d’évaluer les conséquences d’une éventuelle soumission de nombreux acteurs (FAI, fabricants et distributeurs de terminaux connectés, magasins d’applications, sites de partage de vidéos) au régime de distributeur de services audiovisuels.

Conventionnement des SMAD par le CSA

Autre proposition : le CSA en appelle à la mise en place d’un « régime de conventionnement volontaire » applicable aux SMAD, et ce en tant que « complément au régime déclaratif qui s’imposerait à tous les services ». Une telle piste avait déjà été largement explorée par le rapport Lescure. Le principe ? Que les services concluent des accords, facultatifs, avec le régulateur de l’audiovisuel. À la clé, le CSA pourrait « négocier avec les services des engagements supérieurs au niveau prévu par le décret ». Pour les services acceptant de coopérer, l’institution renverrait l’ascenseur en accordant des « avantages spécifiques ». Plus concrètement, les SMAD concernés pourraient obtenir un accès prioritaire aux aides publiques, un meilleur référencement dans les moteurs de recherche (éventuellement en complément de l'apposition d'un sticker), voire même une « priorité dans la gestion des débits ». La neutralité du Net en prendrait alors un sacré coup...

 

Conscient du fait que « ces mesures ne sont pas applicables immédiatement mais dépendent en partie, pour leur mise en œuvre, de l’adoption de mesures par d’autres organismes (gestionnaires d’aides, accord interprofessionnel négocié sous l’égide du CNC...) » ainsi que d’une évolution de la réglementation, le CSA en appelle dans son rapport à une « réflexion » approfondie sur ces conventionnements.

 

L’institution préconise pour ce faire qu’une nouvelle étude d’impact soit réalisée. Reprenant une énième fois le rapport Lescure, le gendarme de l’audiovisuel explique que les distributeurs au sens large (opérateurs, moteurs de recherche, fabricants de terminaux, plateformes de type iTunes ou PlayStore...) pourraient être obligés d’assurer « une meilleure distribution (must-distribute) » à l’égard des offres conventionnées. La piste d’un « meilleur référencement » (must-deliver) au sein des Google, Bing & co a tout particulièrement attiré l’attention de l’institution, qui souhaite en effet savoir avec cette étude « quelles sont les dispositions en termes de référencement qui pourraient être imposées à chaque catégorie d’acteurs ».

Revoir la chronologie des médias

L’on notera qu’afin d’améliorer la compétitivité des SMAD, le rapport du CSA propose également de jouer sur la chronologie des médias. Tout d’abord, le régulateur se dit favorable à ce que le délai minimum entre la sortie d’un film en salles et son exploitation en vidéo à la demande (location ou achat), soit de trois mois pour l’ensemble des films, et non plus de quatre mois - comme c’est le cas aujourd’hui.

 

Deuxièmement, pour les offres de vidéos à la demande par abonnement, le CSA plaide pour que les films puissent être proposés 24 mois après leur sortie en salles, contre 36 mois aujourd’hui. Cette fenêtre pourrait même être raccourcie à 14 mois pour les « films européens ou d’expression originale française préfinancés par un service de vidéo à la demande par abonnement ».

 

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Le CSA avance progressivement ses pions 

Enfin, le Conseil se félicite des récents efforts des pouvoirs publics, qui ont donné une suite favorable à sa proposition « d’introduire dans la loi une obligation de déclaration des SMAD ». Le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, promulgué le 15 novembre, prévoit en effet que les SMAD effectueront désormais obligatoirement une déclaration d’activité auprès du CSA. Rappelons au passage que l’institution s’est également vu confier un pouvoir d’arbitrage vis-à-vis de « tout différend » entre un éditeur ou un distributeur de services à propos de la distribution d'un service de médias à la demande, comme il pouvait le faire jusqu’ici avec la radio ou la télévision.

 

La conclusion du CSA est un appel du pied relativement clair : « Le Conseil formule le vœu que le projet de loi "création", dont l’adoption en Conseil des ministres est prévue début 2014, reprenne les propositions formulées dans le présent rapport ». L’institution fait ici référence au texte de loi actuellement préparé par la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Promis un temps pour la fin 2013, puis pour avant les municipales (mars 2014), ce projet qui devrait également sacraliser le transfert de la riposte graduée dans les mains du CSA connaît cependant des lenteurs. La semaine dernière, BFM Business affirmait ainsi qu’il ne serait finalement pas discuté par le Parlement avant l’automne prochain...

 

En attendant, rappelons que l’ASIC, l’association des sociétés du web 2.0 (Facebook, Google, Dailymotion, Ebay...) se bat depuis des mois contre le glissement progressif auquel on assiste en faveur du CSA. « Le CSA, de peur d'être un jour démantelé, continue à rêver au jour fou où il pourrait avoir vocation à regarder ce qui passe sur Internet (ce qui serait une vraie découverte pour ses membres) » déclarait ainsi en septembre dernier Giuseppe de Martino, secrétaire général de Dailymotion et président de l’ASIC. L’AFDEL, l’association des éditeurs de logiciels et de solutions Internet, a elle aussi fait entendre son mécontentement, l’organisation se disant opposée « à une régulation des acteurs numériques calquée sur les modes de régulation de l’environnement audiovisuel ».

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