Cela faisait partie des décisions officialisées par Matignon la semaine dernière : dégager de 500 à 800 millions d’euros d’ici trois à cinq ans, en modernisant les systèmes d'information de l’État. Mais comment compte s’y prendre le gouvernement, alors que l’exécutif est fréquemment critiqué pour sa mauvaise gestion de projets informatiques, de même que pour son opacité, concernant par exemple l’acquisition de logiciels propriétaires (tels que ceux de Microsoft) ?
Le Premier ministre l’a annoncé la semaine dernière à l’occasion du quatrième Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) : le gouvernement va « moderniser en profondeur le système d’information de l’État au profit de l’innovation dans le service public ». Et pour cause, le relevé de décisions de Matignon retient que « l’obsolescence et le cloisonnement des systèmes d’information freinent le développement de nouveaux services numériques au profit des usagers », que « les développements intègrent peu les technologies numériques », que « les infrastructures sont largement spécifiques à chaque administration », etc.
Un bilan très alarmant avait également été pronostiqué quelques jours auparavant par la fondation Terra Nova, qui estimait d’une part que la France n’investissait pas assez dans ses systèmes d’information, mais également que ses projets étaient mal conduits dans ce domaine. Avec à la clé le risque de se retrouver à la traîne. « Au XXIème siècle, des systèmes d’informations insuffisants interdisent des services publics performants et de qualité » avertissaient ainsi les auteurs de ce rapport consacré à la modernisation de l’action publique (voir notre résumé).
Matignon promet une « transformation majeure »
Que compte faire l’exécutif ? Jean-Marc Ayrault a annoncé mercredi qu’il avait mandaté le SGMAP, et plus particulièrement la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC), afin que ces deux organes lui proposent sous trois mois une liste de « tous les leviers permettant de transformer en profondeur les systèmes d’information des administrations ». Cette transformation doit avoir lieu « au profit de l’innovation dans le service public et au bénéfice de l’agent et de l’usager, dans un contexte d’économies exigeantes » précise Matignon.
Plus concrètement, le Premier ministre veut que ses services se lancent dans une « démarche de mutualisation des infrastructures matérielles et logicielles ». L’exécutif prévient que cette mutualisation devra s’appuyer sur les compétences et acquis existants au niveau de chaque ministère. Les solutions « d’une extrême simplicité d’adoption par les utilisateurs » devront par ailleurs être privilégiées. Le chef du gouvernement assure qu’en « luttant contre l’éparpillement des compétences et des outils, une telle mutualisation renforcera la souveraineté et la sécurité des systèmes d’information » de l’État.
L’on remarquera néanmoins que plus d’un an après la publication de sa circulaire relative à l’usage du libre dans l’administration, le Premier ministre n’a cette fois-ci fait aucune référence explicite aux logiciels libres.
Enfin, après l’abandon du projet Louvois (ou bien encore les ratés du logiciel Chorus), Jean-Marc Ayrault a insisté sur le fait que les « grands projets » ayant trait aux systèmes d'information feront l’objet d’un « contrôle qualité renforcé », et que l’État veillerait à leur déroulement, afin d’en « garantir la bonne fin ».
500 à 800 millions d’euros d'économies d'ici trois à cinq ans
À terme, Matignon espère parvenir avec ces efforts à « une diminution de la dépense annuelle hors masse salariale de 500 à 800 millions d’euros en 3 à 5 ans », et ce sur le périmètre de l’ensemble des ministères. Qu’adviendra-t-il des économies réalisées ? Elles seront « en partie réemployées pour investir dans de nouvelles démarches de modernisation du système d’information, d’innovation et de simplification » assure l'exécutif, sans pour autant préciser dans quelle mesure cette redistribution aura lieu. Pour mener à bien ce que le locataire de Matignon qualifie de « transformation majeure », le gouvernement a promis que la DISIC serait dotée « des moyens nécessaires ».
Rappelons enfin que si le rapport de Terra Nova préconisait une mutualisation des centres de développement et d’exploitation informatique de l’État, il exhortait également les autorités à investir « massivement » dans les systèmes d’informations publics, en ce qu’il s’agissait d’une « nécessité absolue ». La fondation recommandait ainsi de faire passer l’investissement public en matière de systèmes d’information de 1,15 % à 3 % du budget de l’État, afin que la France puisse rattraper son retard en la matière « et bénéficier à court terme des gains en qualité de service pour les usagers et les agents et des économies induites ».