Suite à la publication du rapport « Musique en ligne et partage de la valeur - État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi » remis à Aurélie Filippetti et rédigé par Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes, plusieurs représentants d'artistes et d'éditeurs ont réagi. C'est notamment le cas du GESTE, de la SPEDIDAM ou encore du SNEP.
Concentré sur les webradios et surtout sur le cas épineux des artistes-interprètes (qui accompagnent les artistes principaux), payés en cachets et donc ne touchant aucune redevance en fonction des ventes, notamment sur internet, le rapport Phéline a suscité de nombreuses réactions. Il faut dire que les propositions du rapport sont multiples et pourraient avoir des conséquences non négligeables quant à la répartition de la valeur de la musique pour les artistes-interprètes. Tout du moins si elles sont suivies de faits, ce qui est loin d'être une certitude. Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication publiera ses orientations fin janvier 2014.
SPEDIM DAM DOM
Particulièrement concernée, la SPEDIDAM, qui représente justement les artistes-interprètes, a publié un communiqué suite à l'annonce du rapport. Si elle estime qu'un certain nombre de « constats pertinents confirment l'opacité du secteur de la musique en ligne et le blocage dont fait preuve l'industrie phonographique », la société de perception ne cache néanmoins pas être déçue sur plusieurs points. Tout d'abord, elle regrette que Christian Phéline ne se soit pas plus prononcé en faveur d'une seule et unique solution, au lieu de se contenter de multiplier les propositions.
La SPEDIDAM estime de plus que « de prêter encore crédit à une possibilité d'améliorer la situation des artistes interprètes par des accords collectifs » est « anachronique ». Pour la société, la solution se trouve donc ailleurs, à savoir une réforme législative pour une gestion collective obligatoire des droits exclusifs des artistes interprètes par leur société de gestion.
Contactée par téléphone, la SPEDIDAM nous a d'ailleurs confirmé que si ce rapport disposait de certaines propositions intéressantes, elle n'était guère optimiste quant à la mise en place d'une solution pérenne pour les artistes-interprètes. Il faut dire que le dossier traine depuis de longues années, et si les propositions s'enchainent (rapport Zelnik, etc.), elles ne sont jamais suivies de faits tant la pression des producteurs est forte.
Snep Doggy Dogg
Justement, du côté du SNEP, qui représente les producteurs de musique en France, les bons points du rapport sont rares. Le syndicat estime ainsi que ce dernier « se trompe d’enjeu : l’essentiel n’est pas de partager une (encore) très faible valeur mais de créer les conditions permettant l’essor d’un grand marché de la musique en ligne qui bénéficiera à tous les acteurs de l’industrie musicale ».
En s'intéressant aux partages de la valeur entre les différents acteurs (plateformes, producteurs, artistes principaux et artistes-interprètes), le rapport viserait donc à côté explique le SNEP. Il déclare ainsi être « en total désaccord avec les préconisations formulées par le rapport Phéline qui tendent par ailleurs à stigmatiser, de façon injustifiée, le métier de producteur de phonogrammes ».
Pour le syndicat, s'attaquer aux producteurs est bien une erreur, d'autant plus que leurs revenus ont particulièrement souffert depuis le début du siècle. La situation économique du secteur est telle que le SNEP estime qu'après « 10 ans de débats stériles sur la licence globale, de commissions et de rapports sur le partage de la valeur, il est grand temps que les pouvoirs publics changent d’angle de vue ». En clair, il recommande de développer le secteur grâce à « une fiscalité favorable à la musique en ligne, un financement ambitieux et pérenne pour la production musicale en France, le maintien et le renforcement de la lutte contre les usages illicites et l’instauration d’une rémunération compensatoire pour corriger le transfert de valeur dont ont bénéficié les intermédiaires ». Le transfert de l'Hadopi au CSA sera par ailleurs un sujet crucial l'an prochain.
Rien ne remplace le geste même pas le cadeau
Notez enfin que le rapport Phéline pointe aussi les relations contractuelles entre les éditeurs de musique en ligne et les producteurs de musique. Sur ce sujet, il est ainsi proposé qu'à défaut « d’une démarche d’autorégulation, d’insérer dans la loi certains des principes posés par les « 13 engagements pour la musique en ligne ». Il souligne par ailleurs que la sauvegarde de la diversité culturelle gagnerait à un examen en droit de la concurrence de certaines des pratiques en vigueur. »
Le GESTE, qui représente les éditeurs et services en ligne et qui compte des journaux et radios en ligne, des opérateurs ou encore diverses start-ups, dit d'ailleurs saluer ce rapport et accueillir « très favorablement ses propositions ». L'organisation rappelle ainsi que sans un « rééquilibrage de la chaine de valeur », le marché de la musique en ligne en France ne pourra jamais s’ouvrir à de nouveaux acteurs.
Le groupement des éditeurs de services en ligne remarque que les propositions du rapport « nous semblent particulièrement adaptées pour préserver la richesse du maillage de l’écosystème musical online–offline, sur l’ensemble du territoire (concert, festival, artistes, labels indépendants, radio, TV, Presse, blogs…) ».
Tous ces points de vue, parfois totalement opposés, arriveront assurément aux oreilles de la ministre de la Culture. Reste à savoir quelle voix portera le plus près de l'oreille d'Aurélie Filippetti. Réponse dans un mois.