Le CSA plaide pour une extension de ses pouvoirs au Net

Self contrôle

Dans la droite lignée des conclusions de la mission Lescure, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de finaliser un rapport au travers duquel il plaide une nouvelle fois pour que les pouvoirs publics le laissent contrôler davantage les contenus culturels diffusés sur Internet.

tv télé

 

Le CSA  a remis il y a peu à Matignon ainsi qu’à Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, un rapport sur la régulation qu’il aimerait exercer sur les médias audiovisuels en ligne. C’est en tout cas ce qu’affirme L’Express, qui révèle quelques courts extraits de ce document d’une cinquantaine de pages. En l’occurrence, il s’avère que l’actuel gendarme de l’audiovisuel semble s’être bien inspiré des propositions du rapport Lescure, qui taillait déjà la part belle du lion en faveur de l’institution, à la recherche d’une justification à son activité alors que son champ d’action historique se réduit progressivement (un spectre de fréquence hertzienne limité exigeant une régulation).

Régulation des contenus culturels numériques 

Le CSA fait ainsi valoir que « de plus en plus de sociétés éditrices proposent leurs contenus audiovisuels sur des sites de partage de vidéos. C'est notamment le cas de Dailymotion, où tout détenteur de droits vidéo peut ouvrir un compte Official User afin de partager son catalogue, et également de YouTube ». Sauf que l’argument n’est pas vraiment nouveau... En effet, il était déjà utilisé dans un précédent rapport publié en janvier dernier par l’autorité administrative, qui souhaitait alors obtenir « des compétences sur les sites de vidéo en ligne ». Étaient alors concernés « les services explicitement exclus par la directive SMA [services de médias audiovisuels] et la loi de la définition des SMAD [services de médias audiovisuels à la demande, tels que Pluzz.fr par exemple, ndlr], notamment les sites de partage de vidéos qui fournissent des contenus audiovisuels mis en ligne par des utilisateurs privés ».

 

L’annonce récente du lancement par Canal+ d’une vingtaine de chaînes YouTube semble d’ailleurs avoir inspiré l’institution, qui entrevoit selon nos confrères un financement de la création française par les plateformes dont le chiffre d'affaires relevant de l'édition ou de la distribution de contenus professionnels dépasserait les 10 millions d'euros. YouTube ou Dailymotion pourraient alors avoir à respecter dans le même temps des quotas d'oeuvres européennes à diffuser, à l’instar des chaînes de télévision.

Régulation des boutiques d'applications et de téléchargement 

Mais ce n’est pas tout : le CSA lorgne aussi sur les boutiques d’applications ou de téléchargement, à l’image de l’iTunes d'Apple, du PlayStation Store de Sony, du Xbox Live de Microsoft ou de la chaîne DisneyTek de Free. En l’occurrence, ces distributeurs seraient dans l'obligation de proposer les contenus d'éditeurs « dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires » (must-distribute). Olivier Schrameck, président de l’autorité administrative, avait là aussi déjà avancé ses pions en juin dernier. Dans son récent rapport, l’institution assure du bien fondé de sa démarche. Elle a en effet demandé son avis à la Commission européenne, qui lui aurait répondu que de telles plateformes en ligne peuvent « être à la fois soumises aux exigences de la directive service multimédia et à celles sur le commerce électronique ». En clair, elles pourraient entrer dans le giron du CSA.

Inspiration Lescurienne 

Même si les extraits dévoilés par L’Express ne l’évoquent pas expressément, l’on devine sans mal que le CSA souhaite avoir ensuite pour rôle d’assurer le respect de ces règles, voire d’intervenir en cas de litige. Les bouts de propositions ici mises en avant par nos confrères ressemblent d’ailleurs en tout point à celles de la mission Lescure, dont le coordinateur - Jean-Baptiste Gourdin - est devenu directeur de cabinet d’Olivier Schrameck quelques semaines après la remise du rapport sur « l’acte 2 de l’exception culturelle ».

 

Pour rappel, le rapport Lescure proposait déjà que :

  • Le CSA devienne l’autorité de régulation des médias audiovisuels et culturels, linéaires et non linéaires.
  • Le CSA reçoive les déclarations obligatoires des SMAD dès le franchissement d’un seuil de déclenchement lié au chiffre d’affaires, afin de faciliter leur identification et leurs obligations.
  • Le CSA devienne juge des engagements de tous les acteurs en ligne au profit de l’exception culturelle (mise en avant des vidéos françaises ou européennes sur la page d'accueil par exemple). 
  • Le CSA soit compétent pour trancher les différends sur le « must-distribute » entre distributeurs et éditeurs de service : FAI, terminaux connectables, magasins d’applications, plateformes auraient une obligation de distribuer les services numériques conventionnés.

Les pions s'avancent progressivement

Rappelons que la mainmise du régulateur de l’audiovisuel sur l’internet a déjà commencé, puisque le Parlement a adopté il y a peu le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, lequel prévoit que l’ensemble des SMAD effectuent obligatoirement une déclaration d’activité auprès du CSA. L’institution a également gagné le droit d’arbitrer « tout différend » entre un éditeur ou un distributeur de services à propos de la distribution d'un service de médias à la demande, comme il pouvait le faire jusqu’alors avec la radio ou la télévision.

 

Ce glissement avait suscité l’ire de l’ASIC, l’association des sociétés du Web 2.0 (Google, Facebook, Dailymotion,...). « Demain, ce sont les blogueurs, les sites de ecommerce, les journaux en ligne, les jeunes créateurs, tous ces acteurs qui ont décidé d’avoir recours à la vidéo pour faire usage de leur liberté d’expression, qui vont se retrouver soumis à une censure préalable » prévenait l’organisation, radicalement opposée à ce que le CSA étende sa régulation au Net.

 

Retenons enfin que la remise de ce rapport intervient surtout alors qu’Aurélie Filippetti finalise son projet de loi sur la création, lequel organisera le transfert de la riposte graduée vers le CSA. La ministre de la Culture nous avait confié vouloir déposer le texte en Conseil des ministres au plus tard en février.

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