La cour d’appel de Paris a finalement donné raison à Google dans un arrêt inédit. Elle décide que l’entreprise profite bien du statut d’hébergeur sur les liens publicitaires Adwords. Elle déboute ainsi l’acteur Olivier Martinez qui tentait de la rendre responsable de la rédaction des annonces publiées par des tiers, ici Gala.fr.
En juin 2008, Olivier Martinez avait porté plainte contre Prisma Presse (gala.fr) pour un article relatant ses problèmes sentimentaux. L’atteinte à la vie privée et au droit à l’image étaient confirmée par la justice le 27 juin 2012. Cependant, l’acteur attaquait par la même occasion Google puisque un lien publicitaire AdWords renvoyait un temps vers l’article en question. En saisissant l’identité du personnage, Google affichait en effet un lien commercial intitulé « News-Olivier MARTINEZ Les chagrins d’amour les plus célèbres : le cas Olivier Martinez » suivi du nom du site Galla.fr.
Cette affaire avait été enrichie par l’intervention de la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par question préjudicielle dans un autre dossier. Il s’agissait justement de savoir si Google peut ou non s’abriter derrière le statut d’hébergeur pour cette activité publicitaire.
Le 23 mars 2010, la CJUE avait considéré que pour profiter de ce statut, l’activité du prestataire doit être neutre, soit purement technique, automatique et passive, « impliquant que ledit prestataire n'a pas la connaissance ou de contrôle des informations transmises ou stockées ». La CJUE expliquait par ailleurs que ce n’est pas parce qu’une activité est commerciale qu’elle fait perdre le statut d’hébergeur à celui qui remplit ces trois conditions. Bref, tout change lorsque Google a un rôle actif dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien ou dans l'établissement ou la sélection des mots clés. Là, la société prend le risque de perdre ce statut.
Google peut controler, donc il contrôle et est responsable des liens Adwords
Le 14 novembre 2011, c’est à l’aide de ces critères que le TGI de Paris a justement refusé le statut d’hébergeur à Google. « Compte tenu de la connaissance avérée par le responsable du service “AdWords” du contenu des messages et mots-clés, comme de la maîtrise éditoriale qui lui est contractuellement réservée, il convenait d’exclure à son égard la qualification d’ hébergeur et le bénéfice de dérogation de responsabilité qui lui est réservé ». Pour arriver à cette conclusion, le tribunal s’était focalisé sur les conditions générales de vente d’Adwords selon lesquels « Google peut exiger que le client lui indique ses messages publicitaires au moins 3 jours avant la date de début prévue ». Une possibilité qui, selon le TGI, « implique la connaissance par Google, avant le début de la diffusion du message publicitaire, de son contenu ».
Pour les juges, c’est donc parce que Google « peut » contrôler qu’il « contrôle ». Il a donc « connaissance » et est coresponsable du contenu des liens Adwords. Le moteur et le journal furent ainsi condamnés solidairement à 1500 euros de dommages et intérêts et 3000 euros pour couvrir les frais de justice.
Google peut contrôler, donc il ne contrôle pas forcément
Le 11 décembre 2013, devant la Cour d’appel de Paris, l’appréciation des critères dégagés par la CJUE a diamétralement changé. Les magistrats ont d’abord posé que Prisma était seule auteure de la rédaction des articles. Dans le même temps, ajoute-t-elle, le fait que les conditions générales de vente de Adwords prévoit que Google « peut » avoir connaissance des contenus Adwords avant la campagne ne prouve pas que Google soit effectivement intervenu dans le choix des mots clés ou dans le rédaction de l’annonce litigieuse. Bref, ce n’est pas parce qu’il « peut » contrôler qu’il le « fait. » : « rien dans [les CGV] ne démontre que les sociétés Google sont intervenues dans le choix des mots clés ou dans le rédaction de l’annonce. »
Cette analyse rejoint celle qui fut exposée par le juriste Cédric Manara dans nos colonnes : « si ces conditions générales prévoient que Google peut agir, elles ne sont pas suffisantes pour dire que Google a agi en l'espèce, et a participé à la confection ou à la rédaction des annonces de Gala ! Le tribunal conclut à "la connaissance avérée (...) du contenu des messages et mots clés"... mais pourtant ne caractérise pas en quoi Google serait effectivement intervenu. Ce qui rend la décision (très) critiquable à mon sens. »
Ainsi, faute de démonstration contraire, la Cour d’appel en a déduit que Google profite bien du statut d’hébergeur. De là, deux effets : la société n’est soumise à aucune obligation de contrôle a priori des contenus fournis par les annonceurs. Cependant, elle peut voir sa responsabilité engagée si, ayant été alertée, elle n’a rien fait. Ici, Google a été mis en demeure le 21 mars 2008. L’entreprise a retiré l’annonce sept jours plus tard. La Cour d’appel a donc estimé que la société n’était en rien responsable, contrairement à ce qu’avaient décidé les juges du tribunal de grande instance. L’acteur Olivier Martinez sera finalement condamné à supporter les frais de ce dossier.