Entre mensonges, hypocrisie, fausse naïveté et intérêts

Et si on arrêtait un peu ?
Entre mensonges, hypocrisie, fausse naïveté et intérêts

Ces derniers jours, nous avons eu droit à des actualités multiples et variées. Entre la surveillance sur internet (que ce soit aux États-Unis ou en France), les déclarations sur la 4G, les divers propos de Montebourg, ou encore la plus grande sévérité de YouTube sur le droit d'auteur, tous ses sujets ont pour points communs l'hypocrisie, le mensonge et parfois une sorte de fausse naïveté. Le tout sur fond d'intérêt personnel.

Surveillance : le bal des faux-culs

C'est le monde à l'envers. Ébranlé ces derniers mois par les révélations d'Edward Snowden au sujet de la surveillance généralisée de la NSA, le monde a appris avec stupeur que Microsoft, Apple, Facebook, Google, Twitter, Yahoo, AOL et LinkedIn se disent choquées et appellent le gouvernement américain à réformer sa politique de surveillance. Une nouvelle digne d'un 1er avril quand on connait leur degré de coopération avec les autorités américaines, et surtout les déclarations de certains des dirigeants de ces sociétés.

 

Eric Schmidt, l'ex-PDG de Google, n'a-t-il pas affirmé en 2010 que l'anonymat allait mourir sur la toile ? L'année précédente, le concept même de vie privée était contesté par ce même Schmidt : « si vous souhaitez que personne ne soit au courant de certaines choses que vous faites, peut-être que vous ne devriez tout simplement pas les faire » a-t-il ainsi déclaré. Plus récemment, Vint Cerf, l'un des fondateurs d'internet, y est allé aussi de son petit mot en affirmant que « la vie privée pourrait bien être une anomalie ». Si tout ceci est mort et sans intérêt, c'est à se demander pourquoi il est si choquant que cela soit surveillé, alors qu'il n'y a plus rien à surveiller puisque cela n'existe pas (selon eux).

 

Pour ces entreprises, nos vies privées sont des marchandises, et leur exploitation rime donc avec dollars. Mais pour cela, encore faut-il que les internautes leur livrent ces données, avec leur consentement total et si possible de façon inconsciente, afin qu'ils utilisent leurs services le plus souvent possible. Un scénario rêvé réalisable uniquement si les internautes ont un minimum confiance en ces services. Une confiance mise à mal par les révélations de Snowden, qui s'accumulent ces derniers mois et qui font tache dans le paysage idyllique de Google, Facebook, et compagnie.

 

Sous couvert de défendre les citoyens de la vilaine et horrible NSA, le but est bien évidemment de redorer et protéger leur image et par conséquent leurs intérêts. Mais une telle communication ne peut tromper personne aujourd'hui, tant le procédé manque de spontanéité et de franchise. Heureusement, Yahoo et Microsoft vont chiffrer intégralement leurs données. Ouf, nous sommes sauvés.

 

Concernant la France et la Loi de Programmation Militaire, Pinocchio s'est semble-t-il réincarné dans de nombreuses personnalités politiques, puisque certaines d'entre elles ont osé affirmer qu'en fait, cette loi « est un progrès » (Montebourg) car comblant un vide juridique, et même que « l'article 13 renforce en réalité le contrôle démocratique sur le renseignement » (Pellerin).

Opérateurs : le jeu du poker menteur

Du côté de la 4G, ces derniers jours ont été une véritable valse de propos les plus humoristiques (ou ridicules c'est selon) les uns que les autres. Arnaud Montebourg a ainsi pointé du doigt Free Mobile pour ses prix et ses conséquences sur l'emploi dans le secteur télécom, forçant Xavier Niel à répondre qu'il était responsable (directement ou indirectement) de la création de 5000 emplois entre 2009 et 2012. Une passe d'armes où la ligne entre le mensonge et la vérité est tranchée par la mauvaise foi, avec en point d'orgue l'intervention de Pierre Louette (DG adjoint d'Orange), se vantant d'être le principal créateur d'emplois sur la période. C'est pourtant oublier toutes les destructions d'emplois des précédentes années, ainsi que les contrats coupés avec les centres d'appels externalisés ou encore les fermetures multiples des boutiques spécialisées.

 

Les déclarations fantaisistes ne se sont toutefois pas arrêtées là. Stéphane Richard, le patron d'Orange, n'a ainsi pas hésité à déclarer que l'offre 4G de Free Mobile était « du vent tout ça parce qu’il n’y a pas de couverture », sachant qu'il y a quelques mois encore, les autres opérateurs disposaient d'une couverture eux aussi très faible, et qu'il n'était pas question de vent à cette époque.

 

Invité à la conférence LeWeb, ce même Stéphane Richard a même glissé que « même à zéro euro, la 4G de Free c'est probablement trop cher ! ». Une remarque absurde, faisant pourtant suite à une analyse bien plus sensée au sujet de la communication de son concurrent et à la fois client (en 2G et 3G) : « Tout d'abord, merci Monsieur Niel ! Il y a deux semaines, il a expliqué à la télévision que la 4G c'était n'importe quoi, que personne n'était intéressé par la 4G, que c'était encore un piège inventé par les opérateurs. Il a finalement réalisé que la 4G c'était important. » Effectivement, les principaux dirigeants de Free Mobile n'ont cessé ces derniers mois de déclarer que la 4G n'avait aucun intérêt tant que les conditions n'étaient pas adéquates (couverture, débits, appareils compatibles, etc.). Force est de constater que ces propos n'étaient pas inscrits dans le marbre, même si l'accélération des autres opérateurs dans la 4G a certainement poussé Free à changer de stratégie.

 

Orange et Free Mobile ne sont toutefois pas les seuls à être de grands joueurs de pipeau en ce qui concerne la 4G. Cette semaine a aussi été marquée par Bouygues Telecom et l'intégration de la LTE dans quasi tous ses forfaits, sans aucun surcoût. Là encore, les anciens propos de la direction de cet opérateur ne semblent pas concorder avec cette nouvelle stratégie tarifaire.

 

En avril dernier, sur BFM TV à l'émission Good Morning Business, Olivier Roussat, le patron de l'opérateur, déclarait haut et fort que la 4G, « ça vaut au moins 5 euros de plus » que la 3G. Avant de rajouter : « Notre industrie a besoin de recréer de la valeur (...) Ça vaut quelques euros de plus (...) On ne dispose pas des cashs suffisants pour être capables d'investir lourdement si on maintient des tarifs qui sont trop bas. » Un discours répété par le même homme lors d'une entrevue accordée à Radio Classique il y a deux mois : « la 4G, ça vaut 4 à 5 euros de plus ». Notons toutefois qu'à cette époque, le patron avait eu la bonne idée de préciser qu'en fonction de l'évolution du marché, Bouygues était prêt à modifier ses tarifs. Effectivement. Mais les 4 ou 5 euros minimums supplémentaires appartiennent donc bien au passé, tout du moins pour certains forfaits de l'opérateur.

YouTube veut montrer patte blanche, les YouTubeurs « découvrent » le droit d'auteur

Cette semaine a aussi été marquée par de nombreuses protestations de YouTubeurs, certains totalement inconnus, d'autres cumulant des centaines de milliers voire des millions d'abonnés. Ces cris d'orfraie poussés par ces utilisateurs de YouTube sont compréhensibles : la plateforme a supprimé sans crier gare certaines de leurs vidéos, d'autres n'ont tout simplement plus aucun son, et plusieurs n'ont plus de publicités, réduisant ainsi les revenus des membres (et de leur network s'ils en avaient un). Cette « censure » soudaine est liée à une mise à niveau beaucoup plus stricte du robot de YouTube. Si auparavant, ce robot scanneur laissait passer bon nombre de vidéos qui pourtant intégraient des contenus sous copyright, désormais, ce n'est plus le cas, tout du moins pour certains YouTubeurs.

 

 

C'est ainsi que le bal de l'hypocrisie débuta. D'un côté, YouTube, qui a façonné son audience en grande partie grâce aux contenus illégaux (musiques, films, animes, sports, etc.), veut nous faire croire que tout d'un coup, la fête est terminée, une fois que le secteur est désormais devenu dépendant de la plateforme. Un coup classique pour Internet, un scénario déjà vu dans bien d'autres secteurs, mais qui ici a comme une odeur de foutage de gueule tant cela arrive tardivement.

 

De l'autre côté, les YouTubeurs, qui ont durant des années flirté avec l'illégalité, certains gagnant même leur vie en exploitant pourtant des contenus qui ne leur appartenaient pas, commencent à crier à la censure et à la mort de la liberté d'expression. Comme si cette liberté d'expression était inexistante avant YouTube, ou pire encore, avant la « monétisation » des vidéos. Le manque de remise en question de nombreux utilisateurs de YouTube sur leur façon de profiter des contenus des tiers est d'une hypocrisie sans nom, même s'il faut noter que la plateforme est allée bien trop loin avec des faux positifs multiples et des sur-revendications sur des contenus qui n'auraient jamais dû être supprimés ou même « démonétisés ». La question du « Fair use » est aussi à éclaircir, tant la brume entoure ce concept.


Cette affaire montre quoi qu'il en soit que le sujet du droit d'auteur est toujours et plus que jamais d'actualité. Il est vrai que s'attaquer à une vidéo parce qu'elle diffuse deux secondes d'un contenu tiers est stupide, non constructif, et personne n'est gagnant dans l'histoire. D'une façon globale, mais le sujet était déjà sur la table il y a 15/20 ans sur internet, revoir le droit d'auteur afin de permettre une utilisation plus libre de la part d'un tiers tout en rémunérant justement les auteurs est primordial. Mais à moins que la Quadrature du Net réussisse à faire passer certaines de ses idées sur le sujet, ou que le Parti Pirate attire d'un coup d'un seul les foules lors des prochaines élections, une telle réforme du droit d'auteur n'arrivera pas avant que la dette de tous les pays du globe soit à zéro.

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