On peut avoir plusieurs grilles de lecture de cette petite phrase d’Aurélie Filippetti :
« Si je ne sais pas ce que deviendra cette institution, mais une chose est claire : l'Hadopi n'a pas rempli sa mission de développement de l'offre légale. Sur le plan financier, 12 millions d'euros annuels et 60 agents, c'est cher pour envoyer un million d'e-mails. Enfin, la suspension de l'accès à internet me semble une sanction disproportionnée face au but recherché. Mais tout cela sera examiné par la mission Lescure. En attendant, dans le cadre d'efforts budgétaires, je vais demander que les crédits de fonctionnement de l'Hadopi soient largement réduits pour l'année 2012. Je préfère réduire le financement de choses dont l'utilité n'est pas avérée. J'annoncerai en septembre le détail de ces décisions budgétaires. » (extrait de l'interview au Nouvel Obs)
Comme exposé hier, il y a trois éléments visibles :
- Principalement, la ministre de la Culture considère qu’Hadopi n’a pas rempli sa mission de développement de l’offre légale. Pour promouvoir l’offre légale, Hadopi cite comme seul exemple ses labels PUR (promotion de l’usage responsable) apposés sur les sites qui se déclarent être licites.
- Filippetti estime en outre que 12 millions d’euros pour 60 agents et 1 million d’emails, « c’est cher ».
- Enfin, elle considère la suspension comme « disproportionnée ».
Des bosses dans les creux
Une lecture en creux est aussi intéressante. Si Filippetti critique le volet offre légale de la Hadopi, le coût de dispositif et cette suspension disproportionnée, elle a pour les autres facettes de la loi et de l'institution une grande retenue («je ne sais pas ce que deviendra cette institution »). Une chose est sûre : elle ne remet pas en cause la réponse graduée. Elle ne touche pas au cœur de la Hadopi. Elle ne condamne pas le principe de l’envoi des emails pour le fameux défaut de négligence caractérisée. Elle ne fustige pas davantage « l’absurdité juridique » d’Hadopi comme le faisait une certaine Filippetti Aurélie ce 23 juillet 2009 à l’Assemblée nationale :
« Sera convaincu de négligence caractérisée celui qui ne pourra pas prouver qu’il a sécurisé sa ligne après qu’il aura reçu un avertissement de l’HADOPI lui recommandant un certain nombre de solutions techniques pour le faire (…) On finit donc par construire une société où tout le monde sera coupable de tout et de n’importe quoi : les abonnés, ceux qui utilisent l’abonnement de leurs parents, les fournisseurs d’accès…(...) Nous sommes véritablement confrontés à une absurdité juridique. »
Bref, le budget de la Hadopi sera sans doute raboté, histoire de traquer les dépenses somptuaires et délirantes. Une loi sera votée pour purger la suspension et ne conserver que l’amende. Mais le noyau dur risque bien d’être conservé, sacralisé avec un système d’information toujours apte à traiter 200 000 saisines/jour. Finalement, un bon compromis pour les studios américains qui, parmi d'autres, viennent de « saluer l’action de l’Hadopi en France de même qu'à sa position de leader mondial dans ce domaine. »