Le 20 avril, deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, la CNCCE rappelait que l’article 11 de la loi de 1977 interdit de publier, diffuser et commenter tout nouveau sondage, par quelque moyen que ce soit, aussi bien par la presse que sur Twitter, un site Web ou sur Facebook. L’interdiction s’étendait entre le vendredi 20 avril à minuit au dimanche 22 avril à 20 heures pour le premier tour, et du vendredi 4 mai 2012 minuit au dimanche 6 mai 2012 à 20 heures pour le deuxième tour. Selon le code électoral, le contrevenant encourrait 75 000 euros d’amende, laquelle pouvait être multipliée par 5 s’il s’agissait d’une personne morale, telle qu’une entreprise de presse.
À l’époque, la CNCCE avait sorti ses griffes, affichant sa « détermination à faire respecter la loi, non seulement parce que c’est la loi mais parce qu’elle a une raison d’être : contribuer à la sérénité, à la liberté, à l’égalité des électeurs devant l’information et le suffrage ». La présidente de la Commission avait ainsi prévenu que « quiconque [serait] pris à violer la loi [serait] déférée devant le Parquet ! »
Or, dans les faits, ce blocus s’était craquelé bien avant 20 heures, les premières estimations circulant en messages plus ou moins codés sur Twitter, quand ce n’était pas en clair via des médias étrangers (suisses ou belges, notamment).
Le procureur de la République saisi de plusieurs cas de manquements
Aujourd’hui, la Commission a rendu son rapport (disponible sur Légifrance) relatif à cette élection, et fait le bilan. Rappelant qu’une cellule avait été spécialement mise en place pour surveiller la toile, la CNCCE indique avoir « observé de très fréquentes diffusions ou rediffusions sur internet et les réseaux de micro-blogage, sous une forme plus ou moins déguisée, de résultats partiels du scrutin dans les collectivités d'outre-mer à partir de la mi-journée du dimanche ainsi que de sondages ou d'estimations de résultats le dimanche soir, à partir des informations diffusées par des sites étrangers ou d'informations sur les estimations de résultats qui sont sorties de leurs cercles de diffusion confidentielle ». Le rapport ajoute que le procureur de la République a été saisi de plusieurs cas de manquements constatés par la Commission, sans toutefois préciser leur nombre exact.
Il n'en demeure pas moins que la Commission se veut pragmatique, et reconnaît qu’une « très grande partie de la population française avait, avant la fermeture des derniers bureaux de vote, connaissance de l'issue du scrutin d'une façon ou d'une autre, que ce soit par la consultation de sondages publiés sur des sites étrangers, par la diffusion sur internet ou sur les réseaux sociaux d'estimations de résultats ou par le décryptage des signes divers indirectement envoyés par les médias audiovisuels ». On se souvient ainsi des images montrant les foules manifestant leur joie devant des bastions du Parti socialiste, et des journalistes s’efforçant de faire croire que ce sentiment était dû à la diffusion de leur image sur les écrans géants.
La Commission relève toutefois que « fort heureusement », « ces violations des interdictions posées par le législateur n'ont pas eu, en 2012, de conséquences sur les résultats de l'élection », étant donné l’importance de l’écart des voix entre les candidats, tant pour le premier que pour le second tour. Néanmoins, le rapport retient que « l'utilisation d'internet et des moyens de communication électronique rend illusoire la possibilité de conserver le secret sur ces estimations confidentielles et d'éviter leur diffusion », et qu'il convient donc de faire évoluer les règles qui y sont relatives.
Un nouvel appel en faveur d'un horaire unifié de fermeture des bureaux de vote
Affirmant qu’il est « particulièrement malsain que l'événement politique le plus important de la vie démocratique française s'accompagne d'une violation aussi massive d'une des règles édictées par le législateur dans le but de préserver le libre choix des électeurs et la sincérité du scrutin », la Commission en appelle une nouvelle fois à un alignement des horaires de fermeture des bureaux de vote. Comme en 2007, ainsi qu’à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2012, la CNCCE a réclamé que les bureaux de votes soient contraints de fermer à un horaire unifié, évoquant les avantages et inconvénients d’une clôture unique à 18 h comme à 20 h. Le rapport indique aussi qu’il est possible de couper la poire en deux, et avance la solution intermédiaire de 19 h.