« La Bibliothèque nationale de France (BnF) est l’un des organismes responsables du dépôt légal en vertu de l’article L. 132-3 du Code du patrimoine. Elle a ainsi pour mission la collecte et la conservation des documents soumis à l’obligation de dépôt légal, la constitution et la diffusion de bibliographies nationales ainsi que la mise en consultation de ces documents dans un cadre strictement défini.
Les documents soumis à l’obligation de dépôt légal sont définis par la loi. Ainsi, le Code du patrimoine dispose en son article L. 131-2 que « les documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédias, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition ou de diffusion, font l’objet d’un dépôt obligatoire, dénommé dépôt légal, dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public. […] Les logiciels et les bases de données sont soumis à l’obligation de dépôt légal dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public par la diffusion d’un support matériel, quelle que soit la nature de ce support. Sont également soumis au dépôt légal, les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication au public par voie électronique ».
Pour accomplir la mission patrimoniale qui leur est confiée, les organismes en charge du dépôt légal bénéficient d’exceptions au droit d’auteur et aux aux droits voisins
Ces exceptions permettent aux organismes dépositaires d’une part de reproduire les documents déposés au titre du dépôt légal. La reproduction de ces documents permet de garantir leur conservation et la pérennisation de leur communication au public car elle constitue un palliatif aux problèmes liés à la dégradation de leur supports et à l’obsolescence technique et logicielle de leurs moyens de lecture.
Ces exceptions permettent d’autre part aux organismes dépositaires d’assurer une communication des documents déposés à un public de chercheurs dûment accrédité.
Or depuis plusieurs années, l’évolution des technologies, et en particulier les techniques nouvelles visant à protéger les logiciels, bases de données, phonogrammes, vidéogrammes et documents multimédias de copies frauduleuses au regard des droits de propriété intellectuelle, rendent la mission incombant à la BnF au titre du dépôt légal de plus en plus difficile à mettre en œuvre.
En effet, les titulaires de droits de propriété intellectuelle sur ces documents y ont intégré des systèmes anti-copie pour empêcher toute reproduction illicite de ceux-ci. Ces systèmes, appelés « Mesures Techniques de Protection » (MTP) ou « Digital Rights Management » (DRM), font obstacle à l’accomplissement par la BnF des missions dont elle a la charge dans le cadre du dépôt légal.
Pour éviter ce problème, les articles R. 132-14, R. 132-22 et R. 132-23-1 II du Code du patrimoine disposent que les documents déposés doivent être accompagnés des «mots de passe et le cas échéant des clés d’accès aux documents protégés». Cependant, dans la pratique, ces dispositions s’avèrent insuffisantes et ne permettent pas toujours de garantir à la BnF la jouissance des exceptions aux droits de propriété intellectuelle dont elle bénéficie.
L’Hadopi a une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection. Dans ce cadre, l’article L. 331-31 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’elle « veille [également] à ce que la mise en œuvre des mesures techniques de protection n’ait pas pour effet de priver les personnes bénéficiaires de l’exception de reproduction à des fins de collecte, de conservation et de consultation sur place mentionnée au 2° de l’article L. 132-4 et aux articles L. 132-5 et L. 132-6 du code du patrimoine ».
Par sa saisine, la BnF demande à l'Hadopi de lui garantir le bénéfice de ses exceptions aux droits de propriété intellectuelle prévues par le code du patrimoine en publiant un avis qui concernerait l’ensemble des documents soumis à l’obligation de dépôt légal à la BnF (quelle que soit la nature et le mode de diffusion desdits documents, sur support ou en ligne) et qui imposerait aux déposants, dans les cas où aucune autre solution n’aura été trouvée en accord avec ceux-ci, de lui fournir une version spécifique non protégée des documents, lorsque les MTP portent atteinte à leur conservation et à leur consultation dans le cadre du dépôt légal.»