Copie privée : le schéma d'une machine à rémunération

Si elle s'étend à d'autres entreprises, la récente ordonnance rendue par le TGI de Paris entre Imation et Copie France va avoir un effet drastique : celui d’accélérer le besoin d'une purge profonde du régime de la copie privée en France.

Un fabricant qui se contente de dénoncer l'excessivité des barèmes français s'engouffre dans une impasse. Un fabricant qui invoque des arguments européens peut lui cesser de verser la copie privée en attendant une éventuelle décision au fond. Voilà l'enseignement tiré de deux décisions récentes dévoilées dans nos colonnes. (la première, la seconde).  

Les arguments européens peuvent se résumer avec ce petit rappel chronologique :

copie privée france europe

Depuis 1985, la copie privée frappe aussi bien les pro que les particuliers. Cela permet aux ayants droit d'aspirer des millions d'euros que ce soit sur les vraies copies privées que sur les sauvegarde d'IRM sur CD-Rom. Fin 2010, la Cour de Justice rappelle à l’Europe entière le contenu d’une directive en vigueur depuis décembre 2002 : seul le particulier est astreint au paiement de la copie privée. Pas le pro.

Six mois plus tard, en France, le 17 juin 2011, le Conseil d’État en prend acte… à contretemps : il déporte de 6 mois l’annulation d’une décision de la Commission copie privée qui persistait à ne pas oublier les professionnels dans le champ d’assujettissement. Pour le fabricant Imation (tdk, Memorex, ect.), c’est une erreur : le juge administratif n’a aucune compétence pour décaler dans le temps un arrêt que la Cour de Justice n'a pas voulu décaler.

En France, depuis la loi du 20 décembre 2011 sur la copie privée, les professionnels sont finalement obligés de payer, puis de réclamer le remboursement des sommes indues. Pour Imation, faire payer, fut-ce à titre provisoire, des personnes autres que simplement privées, n’est pas davantage conforme au droit européen.

Imation : 71 millions versés depuis 2003, dont 40 pour les flux B2B

Imation a donc fermé le robinet de la copie privée estimant avoir trop versé depuis des années. Elle ne le rouvrira que lorsqu'elle sera intégralement compensée. Selon nos informations, Imation a reversé quelque 71 millions d’euros de rémunération pour copie privée sur tous les supports vendus depuis 2003. Dans ces flux, 40 millions environ représentent comptablement des supports destinés à un canal purement professionnel,. Ce sont des acquéreurs qui réalisent a priori plutôt des copies d’archivage que de l’intégrale des œuvres de Johnny ou d’Enrico.

La position d'Imation a été jugée suffisamment sérieuse par le TGI de Paris qui a bloqué la procédure de référée. Du coup, les parties sont renvoyées devant le juge du fond. Copie France devra expliquer en quoi ses créances sont licites et justifiées malgré le droit européen. En face, Imation compte bien basculer sur une question préjudicielle. Le cas échéant, voilà l’affaire en route pour un tunnel de plusieurs années de procédures.

Un bourbier juridique

Cette procédure est le point d’achèvement d’un bourbier juridique où les ayants droit persistent à considérer la copie privée comme une source de rémunération, d’ordre alimentaire. Au contraire, la RCP vient compenser non un appétit, mais un préjudice. La taille des estomacs importe peu : selon la directive transposée en 2003, pas un centime de copie privée ne peut être prélevé sur les flux professionnels. Si en France, les canaux B2B ont toujours dû payer, depuis la loi du 20 décembre 2011, ils peuvent en théorie se faire rembourser. Mais ce n'est que théorique puisqu'un bug fiscal - auquel le ministère de la Culture avait été alerté dès les débats parlementaires - bloque tous les fonds dans les mains de Copie France.

Les ayants droit de Copie France, l’organisme collecteur de copie privée, tentent à ce jour de casser l’argumentaire d’Imation en s’abritant derrière un arrêt de la CJUE (Inter-Environnement de Wallonie du 28 février 2012). Celui-ci permet en effet de différer l’annulation d’une mesure contraire au droit européen en cas de circonstance exceptionnelle. Mais dans cette affaire, il s’agissait d’éviter un vide juridique touchant à la sécurité des personnes dans le droit de l’environnement en Belgique, spécialement la pollution aux nitrates d’origine agricole... On est ici loin des flux et même des reflux de la propriété intellectuelle et il n’y a pas de risque de vide juridique : Imation demande la fin d’un paiement indu sur les supports professionnels, non la fin de la rémunération pour copie privée.

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