CJUE : coup de froid dans la revente des licences de logiciels "d'occasion"

Une affaire opposant UsedSoft GmbH à Oracle devant la CJUE mérite attention. Elle est née d’un litige en Allemagne, suivi par une demande de question préjudicielle qui touche à la revente de licence de logiciels d'occasion. L'avocat général estime que les éditeurs peuvent ainsi s'opposer à la revente de ces licences "d'occasion" quand elles permettent de télécharger à nouveau ces programmes sur Internet.

usedsoft

UsedSoft est une société spécialisée dans la vente de logiciels d’occasion. Fin 2005, elle propose des licences d’Oracle « déjà utilisées ». Elle indique qu’elles sont « à jour », et donc que le contrat de maintenance souscrit par l’acheteur initial fonctionne à plein régime. UsedSoft assure par ailleurs que cette licence est licite. Après avoir acquis la licence «d’occasion», ses clients téléchargent donc le logiciel directement depuis le site d’Oracle. Quant à ceux qui disposent déjà du logiciel, ils peuvent aussi acheter des compléments des licences pour des utilisateurs supplémentaires.

Un joli petit business qu’Oracle n’a pas apprécié, elle qui distribue ses logiciels en majorité par téléchargement. On le comprend en effet, les ventes d’UsedSoft sont autant de perte de marges pour Oracle qui a réclamé l’interdiction de ces opérations. L’affaire est remontée jusqu’à la CJUE via une question préjudicielle de l’Allemagne.

Épuisement des droits

La directive de 2009 sur la Protection juridique des programmes d’ordinateur consacre les droits exclusifs des éditeurs de logiciels, dont celui de distribution. La règle n’est cependant pas absolue, car existe le système dit de « l’épuisement » : l’éditeur peut certes contrôler les ventes, mais non les reventes par exemple dans les autres pays européens, car le principe de liberté de circulation reprend ici sa pleine vigueur. On dit ainsi que la première vente d’une copie d’un logiciel « épuise » le droit de distribution de cette copie.

Question : comment imbriquer la règle de l’épuisement avec le business de UsedSoft, celui des licences d’occasion ?

La décision de la CJUE n’a pas été rendue, mais on connaît déjà les conclusions de l’avocat général. Pour lui, « la délivrance d’une licence permettant la mise à disposition d’une copie d’un programme d’ordinateur par la voie d’un téléchargement sur Internet est une opération complexe ». Elle n'est pas tout à fait une vente, mais on peut l'assimiler malgré tout à cette opération « lorsque le client acquiert, de façon définitive, la faculté de se servir de la copie du programme d’ordinateur, dont le fournisseur se dessaisit en contrepartie du paiement d’un prix forfaitaire ».

Pourquoi une telle interprétation vaste de la notion de vente ? L’avocat général sait qu’une interprétation étroite ruinerait la règle de l’épuisement. En effet, « il suffirait aux fournisseurs de qualifier le contrat de «licence» et non de «vente» pour contourner cette règle » et contrôler, facturer ou interdire toutes les transactions faites sur le dos d’un logiciel...

Notons qu’Oracle, mais également pour les gouvernements espagnol et français, l’Irlande, le gouvernement italien ainsi que la Commission, tous ont considéré dans ce dossier que l’épuisement ne devrait concerner que la distribution de copie de programme d’ordinateur incorporée à un support matériel.

L’avocat général ne partage pas l’analyse : « le titulaire des droits a reçu une rémunération appropriée lorsqu’il a été payé en contrepartie de l’octroi d’un droit d’usage d’une copie du programme d’ordinateur. Admettre qu’il pourrait contrôler la revente de cette copie et exiger, à cette occasion, une nouvelle rémunération, sous prétexte que la copie a été fixée sur un support informatique par le client, après téléchargement sur Internet, au lieu d’avoir été incorporée par le titulaire des droits sur un support qui a été mis en vente, reviendrait non pas à protéger l’objet spécifique du droit d’auteur, mais à amplifier le monopole d’exploitation de ce dernier ».

En conclusion, la licence d’utilisation d’un logiciel peut être assimilée à une vente lorsqu’elle confère au client, de façon définitive, la faculté de se servir de la copie du programme d’ordinateur en contrepartie du paiement d’un prix forfaitaire. Il n’y a aucune difficulté quand la licence accompagne le logiciel. Mais quand l’acquéreur secondaire doit ensuite copier le logiciel, les choses se compliquent.

La copie de logiciel

Selon l’avocat général, la pratique de la revente des licences d’utilisation ne peut  cependant pas être validée dans l'hypothèse qui lui est soumise. En effet, « la cession de la licence d’utilisation, indépendamment de la copie téléchargée, permettant la reproduction du programme en créant une nouvelle copie par téléchargement via Internet échappe à la règle de l’épuisement ». Pourquoi ? Car la règle de l’épuisement ne restreint que le droit de distribution, or quand on parle de copie, on évoque cette fois le droit de reproduction.

Conclusion « en cas de revente du droit d’usage de la copie d’un programme d’ordinateur, le second acquéreur ne peut se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution de cette copie pour procéder à la reproduction du programme en créant une nouvelle copie, quand bien même le premier acquéreur aurait effacé la sienne ou ne l’utiliserait plus. »

L’affaire est maintenant dans les mains de la CJUE qui devra trancher, en suivant si elle le souhaite ces conclusions.

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