Brevets : Microsoft déménage stratégiquement aux Pays-Bas

Comme le révèle le New York Times, Microsoft vient de décider de « déplacer son centre européen de logistique et de distribution aux Pays-Bas », alors qu’il était jusque-là en Allemagne. Le quotidien américain rappelle que la société de Bill Gates est poursuivie devant les tribunaux allemands, pour plusieurs litiges ayant trait aux brevets. Microsoft souhaiterait ainsi éviter à l’avenir les injonctions que peut prononcer la justice d’Outre-Rhin, considérées comme très dures dans ce type d’affaires.

tribunal

Alors que ce centre se trouvait jusqu'alors à Düren, dans le land de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Microsoft a annoncé le 2 avril dernier qu’il souhaitait s’installer aux Pays-Bas, rompant ainsi son contrat avec le sous-traitant allemand qui gérait ce site, Arvato. Selon l’agence de presse Reuters, le porte-parole de Microsoft Thomas Baumgaertner a précisé que ce déménagement « avait déjà commencé ». Il a également déclaré : « Nous aurions préféré garder notre centre européen de distribution en Allemagne, où il fut pendant de nombreuses années. Malheureusement, le risque de perturbations liées à nos litiges avec Motorola à propos des brevets est tout simplement trop élevé ».

Il s’avère en effet que Motorola, récemment racheté par Google, a déposé plainte devant le tribunal régional de Mannheim, afin que Microsoft « arrête distribuer ses consoles de jeu Xbox et son système d’exploitation Windows 7, qui utiliseraient une technologie de streaming vidéo que Motorola prétend posséder ». Les juges allemands doivent rendre une décision sur cette affaire le 17 avril prochain.

Microsoft craint que la justice allemande prononce une injonction à son encontre, visant à ce que les produits litigieux soient retirés du marché, en Allemagne voire même dans d’autres pays européens. Apple avait ainsi réussi à faire interdire en septembre 2011 la vente de la Galaxy Tab 10.1 de Samsung en Allemagne, après avoir prohibé un temps sa livraison et sa commercialisation dans toute l’Europe.

Un risque d'injonction

Pourtant, le déménagement de Microsoft n’altérera en rien les effets d’une possible injonction du tribunal de Mannheim. Contacté par PC INpact, Gérald Sédrati-Dinet, conseil bénévole sur les brevets pour l'April, l’association pour la promotion et la défense du logiciel libre, nous a expliqué les implications d’une telle démarche. Il apparaît selon lui que « Microsoft risque de subir des pertes en ce moment à cause du procès sur des brevets intenté en Allemagne par Motorola. En effet, la procédure judiciaire allemande fait que même si le brevet s'avère au final invalide, entre-temps Microsoft peut se voir infliger une injonction l'obligeant à retirer ses produits supposés contrefacteurs. Donc Microsoft souhaite à l'avenir éviter ce risque en déménageant son activité dans un pays européen où la procédure en matière de litiges sur les brevets est moins favorable aux plaignants détenteurs de brevets ».

Principe de bifurcation

Gérald Sédrati-Dinet, poursuit : « Dans le détail, c'est parce que la procédure allemande obéit à un principe que l'on appelle "bifurcation". Lorsqu'il y a un procès pour contrefaçon de brevet, une des manières de se défendre est d'invoquer l'invalidité du brevet en question. Or, avec la bifurcation, ce n'est pas le même tribunal qui juge de l'invalidité que celui qui juge de la contrefaçon. Il y a deux procès. Ainsi le premier tribunal saisi pour contrefaçon peut décider d'attendre le résultat du jugement sur l'invalidité pour se prononcer. Mais il peut également conclure qu'il y a (ou n'y a pas) infraction en présumant le brevet valide (donc sans tenir compte du jugement parallèle pour invalidité). Or en cas de contrefaçon, le tribunal peut ordonner des injonctions conduisant au retrait du marché du produit contrefait. Ainsi, les conséquences d'une contrefaçon ne sont pas négligeables, même si ultérieurement, le brevet (dans le second jugement) s'avère avoir été invalide, le jugement en contrefaçon sera certes renversé, mais les mesures intérimaires d'injonction auront déjà causé des dégâts ».

« Dans la plupart des autres pays, ce principe de bifurcation n'existe pas et c'est le même tribunal qui juge de la contrefaçon et de l'invalidité, s'abstenant de conclure sur la contrefaçon tant que la validité du brevet n'est pas attestée. Dans une telle juridiction, sans bifurcation, il y a plus de sécurité juridique, mais les procès sont plus longs (et donc plus coûteux) ».

Le spécialiste conclut en s’alarmant des risques liés au projet de brevet unitaire européen(*) : « Par contre si le brevet unitaire, ainsi que la cour unifiée des brevets, étaient en place, le jugement affecterait l'ensemble des États de l'Union européenne (hormis l'Italie et l'Espagne qui ne participent pas à ce projet) ».

(*) Vous pouvez lire l’interview de Gérald Sédrati-Dinet sur le brevet unitaire européen et le logiciel

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