Que peut faire l'Intérieur en cas de diffusion de la vidéo de Mohamed Merah ?

Un fichier de 25 minutes se copie en deux clics. beaucoup le craignent : le problème aujourd’hui n’est pas de savoir si la vidéo des massacres de Toulouse et Montauban sera diffusée en ligne mais plutôt quand. Justement, que peut donc faire juridiquement le ministère de l’Intérieur en cas de diffusion sur un site ?

Une personne a adressé à la chaîne Al-Jazira une copie de cette atrocité sur une clef USB. La chaîne a finalement refusé sa diffusion, « conformément à son code d'éthique et compte tenu du fait que les vidéos n'ajoutent aucune information qui n'est pas déjà du domaine public ». Une conclusion fruit de discussions entre les représentants français de la chaîne et son siège au Qatar. D’autres chaînes de télévision ont dans le même temps fait savoir qu’elles ne diffuseraient ce contenu s’il arrivait en leur possession.

Brouillage des flux TV : l'impossibilité du CSA

Nicolas Sarkozy a applaudi la mesure tout en promettant de brouiller les flux TV en cas de diffusion : « c’est une décision raisonnable qui a été prise par Al-Jazeera, et je vous dis tout de suite que si elle devait être détournée par des télévisions appartenant ou proches d'organisations propageant des idées terroristes, nous n'hésiterons pas à faire ce qu'il faut pour empêcher la diffusion du signal ». Sur France Inter ce matin, Rachid Arhab (CSA) a cependant expliqué ce matin que de toute façon il ne pouvait rien faire préventivement.

Violence et dignité de la personne humaine

Et sur internet ? Un texte existe pour colmater une éventuelle fuite. La marge de manœuvre est cependant encadrée puisqu’on se heurte aussi aux effets de bords et à d’autres principes d’égale valeur juridique, comme la liberté d’information ou de communication.

Déjà, si un tel fichier venait à être diffusé en ligne, le ministère de l’Intérieur et les intermédiaires techniques n’auraient pas de mal à le considérer comme « violent » ou « de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine » pour reprendre les termes de l’article 227-24 du Code pénal.

Pour les hébergeurs, cependant, il est impossible techniquement et même juridiquement de prévenir cette diffusion puisqu’ils ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance.

Loi sur la confiance dans l'économie numérique

Ceux installés en France auraient cependant l’obligation de retirer ce fichier « promptement », en fait dès connaissance de son existence comme le veut l’article 6-I-2 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique.

À défaut, et pour le cas des hébergeurs situés à l’étranger, on monte en intensité. Le ministère de l’Intérieur pourrait alors activer un article de la Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN). C’est le 6-I-8 selon lequel « l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête [aux intermédiaires], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. »

Cet article a récemment été revendiqué par Claude Guéant devant le TGI de Paris dans l’affaire Copwatch. Les juges ont rappelé cependant à l’éminent ministre que jouait le principe de subsidiarité. En clair, pour réclamer le blocage d’un contenu, l’Intérieur doit d’abord tenter de contacter l’éditeur, puis l’hébergeur du site en cause. Si les deux premières étapes sont vaines, il peut alors se rabattre chez les FAI français pour réclamer une restriction d’accès.

Pour une vidéo isolée, les choses se compliquent en pratique et vont dépendre du contexte de la diffusion. Dans Copwatch, plusieurs pages étaient litigieuses, mais pas tout le site. Le juge a exercé un contrôle de proportionnalité et opté pour le blocage du nom de domaine. Il a reconnu qu’il était impossible de filtrer chirurgicalement. Les dommages étaient cependant trop importants pour laisser le site prospérer.

mohamed merah video toulouse montauban
L'autocomplétion de Google témoigne l'intérêt pour les mots "vidéo" et "youtube"

En cas de diffusion de la vidéo de Mohamed Merah, la même démarche sera suivie. Cependant, les débats ne seront pas de même envergure selon que la vidéo est diffusée sur un site monté pour l’occasion ou sur un YouTube like d’un pays disons non-démocratique (*). Dans le premier cas, pas de difficulté. Mais dans le second, le juge voudra-t-il bloquer le tout pour empêcher l’accès à une seule vidéo aussi barbare soit-elle ? Dans le même ordre d’idée, que faire si cette vidéo est diffusée en streaming sur le flux d’une chaîne de TV ? Optera-t-il pour le blocage de son site de pouvoir inspecter ce flux et n’en censurer qu’une portion ?

(*) Et encore, n'évoquons-nous pas l'hypothèse d'un Effet Streisand...

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