Info PC INpact. La plateforme eBay doit-elle être privée du statut d’hébergeur ? eBay joue-t-il un rôle actif dans les annonces qui permettrait du même coup d’engager sa responsabilité ? C’est à ces questions que le TGI de Paris vient de répondre dans un jugement du 13 mars 2012.
L’entreprise Maceo a très mal supporté de voir des annonces sur eBay reproduire sans son autorisation sa marque de prêt-à-porter « APRIL 77 ». En juin 2008, après plusieurs constats, elle assigne eBay devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon.
Problème, eBay héberge des annonces, il ne les rédige pas. Selon Macéo, la plateforme doit malgré tout être privée du statut de l'hébergeur et donc être responsable immédiatement des fautes, et typiquement des éventuelles contrefaçons dans les annonces. Pour Macéo, eBay aurait en effet un « rôle actif dans l'initiation, la conclusion et le suivi des transactions effectuées entre internautes ».
[eBay] « retire un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés et de la vente des objets, a créé l'architecture, les règles de fonctionnement et les nomenclatures du site internet, met à disposition des vendeurs des outils de mise en valeur du bien vendu, en fonction desquels elle perçoit une commission, propose au public d'obtenir des alertes sur téléphone mobile ou par email concernant les annonces, d'évaluer le vendeur et de payer au moyen d'un service sécurisé dénommé PayPal, qui lui appartient, propose ses services de promotion et de publicité sur les articles mis en vente, et propose aux annonceurs de mettre en place des encarts publicitaires dont elle assure la gestion [et] exerce une activité de courtage. »
Outre le versement des centaines de milliers d’euros de dommages et intérêts, Macéo veut qu’eBay cesse et donc filtre la diffusion des annonces qui reproduisent ses marques, mais aussi des éventuelles annonces proposant des produits contrefaisants. Comment eBay pourrait détecter ces contenus problématiques ? Simple pour Macéo: « la zone de provenance des produits, l'Asie, et le fait que les produits soient proposés en "achat immédiat", en plusieurs tailles et à bas prix constituent un faisceau d'indices permettant à la société eBay International AG de conclure, sans équivoque, à la commercialisation de produits illicites ».
On imagine sans mal la difficulté pour eBay d’avoir à surveiller ces faisceaux d’indices pour toutes les marques de la planète.
Sur l'autre rive, eBay s'oppose à cette analyse. La plateforme se dit hébergeur d'annonces, ni plus ni moins. « [Notre] rôle consiste à mettre en mémoire sur ses serveurs les annonces des vendeurs et les offres ou enchères des acheteurs potentiels ». Le fait que ces prestations soient payantes est sans importance. EBay répète qu’elle n’effectue « aucune intervention sur le contenu des annonces ni ne procède à un contrôle éditorial avant leur mise en ligne ». De plus, eBay « ne joue aucun rôle sur la conclusion de la vente ». Sans contrôle, ni connaissance, eBay s’estime donc dégagée de toute obligation de surveiller les annonces qui ne présentent aucun caractère manifestement illicite. En tout état de cause, « la seule diffusion des annonces ne caractérise pas un acte matériel de contrefaçon », d'ailleurs eBay « a mis en oeuvre des mesures importantes pour lutter contre la contrefaçon ». Libre aux propriétaires de marque de les utiliser pour l'alerter d'éventuels problèmes.
« L'affaire est classique, nous commente Cédric Manara, professeur de droit à l'EDHEC Business School (LegalEDHEC Research Center), elle oppose un titulaire de marques et eBay. La nouveauté est qu'elle est tranchée par le TGI de Paris en application des critères dégagés par la CJUE dans l'arrêt L'Oréal / eBay du 12 juillet dernier, pour des faits antérieurs à cette décision ». Ce fameux arrêt qui a exigé en Europe l’absence de « rôle actif » dans le statut des intermédiaires techniques.
Une définition mise ensuite à l'épreuve des caractéristiques d'eBay. En vain, puisque le tribunal considérera qu'eBay est un acteur neutre, et n'a aucun rôle actif dans ces annonces.
Ainsi, les opérations de présentation et d'organisation, la mise à disposition d'outils de classification des annonces « n'induisent pas une sélection et un contrôle sur les contenus mis en ligne et sont inhérentes à la prestation de stockage des informations fournies par l'utilisateur du service ».
De même, le fait qu'eBay retire un avantage financier sur les annonces, les ventes ou via les publicités, est sans effet. « Rien dans le texte de loi n'interdit à un hébergeur de tirer profit de son site ». Tout le dispositif eBay n’a pour principal objectif que de mettre en avant les annonces, et rien ne permet à eBay d’avoir une « connaissance ou un contrôle » sur les données stockées. Conclusion : eBay est hébergeur et n’a donc pas d’obligation de contrôle général a priori.
Finalement Maceo sera déboutée et condamnée à verser 5000 euros pour frais de justice à eBay.
L’entreprise Maceo a très mal supporté de voir des annonces sur eBay reproduire sans son autorisation sa marque de prêt-à-porter « APRIL 77 ». En juin 2008, après plusieurs constats, elle assigne eBay devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon.
Problème, eBay héberge des annonces, il ne les rédige pas. Selon Macéo, la plateforme doit malgré tout être privée du statut de l'hébergeur et donc être responsable immédiatement des fautes, et typiquement des éventuelles contrefaçons dans les annonces. Pour Macéo, eBay aurait en effet un « rôle actif dans l'initiation, la conclusion et le suivi des transactions effectuées entre internautes ».
eBay et le rôle actif sur les annonces
Depuis une décision de la CJUE de juillet 2011, cette notion de « rôle actif » est fondamentale puisque vérifiée, elle entraîne la déchéance du statut de l’hébergeur. Macéo déroulera du coup une pluie d’arguments pour démontrer ce « rôle actif » :[eBay] « retire un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés et de la vente des objets, a créé l'architecture, les règles de fonctionnement et les nomenclatures du site internet, met à disposition des vendeurs des outils de mise en valeur du bien vendu, en fonction desquels elle perçoit une commission, propose au public d'obtenir des alertes sur téléphone mobile ou par email concernant les annonces, d'évaluer le vendeur et de payer au moyen d'un service sécurisé dénommé PayPal, qui lui appartient, propose ses services de promotion et de publicité sur les articles mis en vente, et propose aux annonceurs de mettre en place des encarts publicitaires dont elle assure la gestion [et] exerce une activité de courtage. »
Outre le versement des centaines de milliers d’euros de dommages et intérêts, Macéo veut qu’eBay cesse et donc filtre la diffusion des annonces qui reproduisent ses marques, mais aussi des éventuelles annonces proposant des produits contrefaisants. Comment eBay pourrait détecter ces contenus problématiques ? Simple pour Macéo: « la zone de provenance des produits, l'Asie, et le fait que les produits soient proposés en "achat immédiat", en plusieurs tailles et à bas prix constituent un faisceau d'indices permettant à la société eBay International AG de conclure, sans équivoque, à la commercialisation de produits illicites ».
On imagine sans mal la difficulté pour eBay d’avoir à surveiller ces faisceaux d’indices pour toutes les marques de la planète.
Sur l'autre rive, eBay s'oppose à cette analyse. La plateforme se dit hébergeur d'annonces, ni plus ni moins. « [Notre] rôle consiste à mettre en mémoire sur ses serveurs les annonces des vendeurs et les offres ou enchères des acheteurs potentiels ». Le fait que ces prestations soient payantes est sans importance. EBay répète qu’elle n’effectue « aucune intervention sur le contenu des annonces ni ne procède à un contrôle éditorial avant leur mise en ligne ». De plus, eBay « ne joue aucun rôle sur la conclusion de la vente ». Sans contrôle, ni connaissance, eBay s’estime donc dégagée de toute obligation de surveiller les annonces qui ne présentent aucun caractère manifestement illicite. En tout état de cause, « la seule diffusion des annonces ne caractérise pas un acte matériel de contrefaçon », d'ailleurs eBay « a mis en oeuvre des mesures importantes pour lutter contre la contrefaçon ». Libre aux propriétaires de marque de les utiliser pour l'alerter d'éventuels problèmes.
« L'affaire est classique, nous commente Cédric Manara, professeur de droit à l'EDHEC Business School (LegalEDHEC Research Center), elle oppose un titulaire de marques et eBay. La nouveauté est qu'elle est tranchée par le TGI de Paris en application des critères dégagés par la CJUE dans l'arrêt L'Oréal / eBay du 12 juillet dernier, pour des faits antérieurs à cette décision ». Ce fameux arrêt qui a exigé en Europe l’absence de « rôle actif » dans le statut des intermédiaires techniques.
Mise en avant, des commissions, des pubs, mais pas de rôle actif
Le TGI de Paris va en effet s’attacher à définir le statut de l'hébergeur à partir de cette notion : « Les hébergeurs, en leur qualité de prestataires techniques, bénéficient ainsi d'un régime de responsabilité particulier dès lors qu'ils ne jouent pas un rôle actif de nature à leur donner une connaissance ou un contrôle des données qu'ils stockent ».Une définition mise ensuite à l'épreuve des caractéristiques d'eBay. En vain, puisque le tribunal considérera qu'eBay est un acteur neutre, et n'a aucun rôle actif dans ces annonces.
Ainsi, les opérations de présentation et d'organisation, la mise à disposition d'outils de classification des annonces « n'induisent pas une sélection et un contrôle sur les contenus mis en ligne et sont inhérentes à la prestation de stockage des informations fournies par l'utilisateur du service ».
De même, le fait qu'eBay retire un avantage financier sur les annonces, les ventes ou via les publicités, est sans effet. « Rien dans le texte de loi n'interdit à un hébergeur de tirer profit de son site ». Tout le dispositif eBay n’a pour principal objectif que de mettre en avant les annonces, et rien ne permet à eBay d’avoir une « connaissance ou un contrôle » sur les données stockées. Conclusion : eBay est hébergeur et n’a donc pas d’obligation de contrôle général a priori.
Le préfiltrage est incompatible avec le statut d'hébergeur
Le statut établi, restait à savoir si eBay avait fauté dans ses responsabilités d’hébergeur : est-ce que la société a eu connaissance des offres illicites ? Si oui, a-t-elle agit rapidement pour retirer ces contenus ? Les juges soulignent que les comptes dénoncés ont été fermés. Et que « les différents indices, à savoir des produits proposés par des vendeurs situés en Asie, en “achat immédiat”, en plusieurs tailles et à bas prix, pris isolément ou de façon combinée, ne permettaient pas à la société eBay International AG d’avoir connaissance du caractère illicite » des annonces. Enfin, lui imposer un préfiltrage de toutes les annonces n’est pas possible puisque cela n’entre pas dans ses obligations d’hébergeur.Finalement Maceo sera déboutée et condamnée à verser 5000 euros pour frais de justice à eBay.