Sans cravate ni costume, Xavier Niel déshabille Free à l'Assemblée

xavier nielXavier Niel est passé ce matin à 10h00 devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale. L’objectif était de poser aux vice-président et directeur de la stratégie d'Iliad un certain nombre de questions. En effet, depuis le lancement de Free Mobile, des points ont été soulevés et les députés présents avaient à cœur d’entendre le fondateur de Free s’exprimer sur des éléments clés.

Jean Dionis du Séjour, Laure de la Raudière, Corinne Erhel, Daniel Paul ou encore Lionel Tardy : tous avaient de très nombreuses questions. Ces dernières touchaient à plusieurs domaines, et pas nécessairement d’ailleurs sur Free Mobile. La fibre optique, la qualité de la hotline, le déploiement des antennes, la mise en place d’une chaine de boutiques, les conditions de financement des smartphones ou encore l’accord d’itinérance avec Orange.

Xavier Niel a commencé par un préambule dans lequel il a rappelé que Free avait inventé la box pour fournir une communication internet complète reprenant le web, la téléphonie fixe et la télévision. Le tout a formé un ensemble cohérent que la société considère aujourd’hui « aussi important que l’eau ou l’électricité ». Ce flux, Free avait à cœur de le proposer « également pour les mobiles pour proposer aux terminaux un internet complet, sans limitations, de la même manière qu’actuellement sur les ordinateurs ». Le réseau internet transporte donc toutes les données transitant par les terminaux mobiles. Laure de la Raudière, qui a la première dégainé ses questions, n’a pas manqué de souligner la décontraction de Xavier Niel, dont le « style geek, sans cravate ni costume » a amusé, sans que ce soit « déplaisant » selon la députée UMP.

Déploiement : « Nous faisons tout pour être en avance sur le programme »

Les questions les plus courantes concernaient le déploiement des antennes. Cette interrogation en recouvrait de multiples, notamment la proportion des données transitant par le réseau propre, les détails de l’accord avec Orange, l’activation réelle des antennes, le déploiement actif, la vitesse de ce dernier ou encore le choix problématique et trop systématique des HLM pour bénéficier de points hauts et le manque d’antennes sur Paris.

Niel a répondu que « l’ARCEP a constaté que nous couvrions plus de 27 % de la population, et nous continuons à installer des antennes. On pense sur le long terme que la seule possibilité d’exister est d’avoir notre propre réseau. À côté de ça, nous avons signé un accord commercial de type Full MVNO avec France Télécom : c’est fantastique, mais ce n’est pas viable. »

Une vérification par l’ARCEP que des concurrents remettent en cause aujourd’hui, ce dont Xavier Niel se moque ouvertement : « plutôt que de payer des huissiers pour les envoyer en Bretagne, Bouygues devrait dépenser l’argent pour produire des offres plus intéressantes. Si les concurrents pensent que l’ARCEP n’a pas fait son travail, qu’ils déposent plainte contre l’ARCEP ! »

Le manque d’antennes sur Paris est une conséquence normale selon Niel : « les procédures sont longues et notre couverture est exécrable. Notre réseau est déployé dans les villes moyennes. Nous avons d’ailleurs réussi sans grande difficulté à installer des antennes. Pour l’instant nous gagnons contre toutes les plaintes bloquant les déploiements. Nous faisons comme pour l’ADSL, quand nous avons lancé le dégroupage, tout en s’appuyant encore sur France Telecom. Nous faisons tout pour être en avance sur le programme et espérons avoir très vite les 5000 antennes prévues. »

Le sujet des débits a également été pointé, notamment par le député Jean Gaubert. Ce dernier reprenant l’analogie du système de douches dans un immeuble, Xavier Niel lui confirmera la métaphore : « Nous avons testé le débit qui peut grimper jusqu’à 42 Mb/s mais on sait dans la pratique que personne n’aura un tel débit. Il faut un terminal compatible et être sur une antenne Free, sans itinérance vers Orange », avant de confirmer que plus les abonnés seront nombreux, moins les débits seront importants, car « on ne retrouve la technologie point à point de l’ADSL ».

Le sujet du partenariat avec Orange a également été particulièrement abordé : « Nous avons un contrat commercial avec Orange parce que nous estimons qu’ils ont le meilleur réseau. Nous avons de très bons rapports avec les équipes et ils ont toujours investi pour la qualité. Le contrat repose sur le degré d’utilisation de leur réseau et avec des prépaiements importants. Il est très intéressant pour Orange, mais nous avons accepté de payer plus cher pour garantir la performance du réseau. »

Xavier Niel a toutefois refusé de répondre à la question de Lionel tardy sur le pourcentage de données transitant réellement sur le réseau propre de Free : « Nous laisserons l’ARCEP répondre pour qu’ils ne soient pas contestés ». Il répondra tout de même à la problématique du réseau Free qui disparait parfois sur les terminaux, expliquant que « l’antenne respire : quand le nombre d’abonnés augmente, la couverture se réduit pour compenser. »

« Oui nous avons été débordés par le succès de l’offre »

 L’interrogé ne cachera pas par contre l’afflux massif de nouveaux clients (« plusieurs centaines de milliers ») et des problèmes qui s’en sont suivis : « Oui nous avons été débordés par le succès de l’offre. C’est pour ça que nos sites n’ont pas fonctionné, c’est pour ça que nous avons eu du retard sur l’ouverture des abonnements. Oui il y a des soucis avec les abonnées qui ont demandé la portabilité. Nous passons par le GIE, qui est surchargé. Nous devons envoyer des centaines de milliers de courriers pour les cartes SIM, et oui, il y a aussi des problèmes dans cette logistique. Aujourd’hui, quelques centaines de SIM ont causé problème. C’est monté en épingle, c’est de bonne guerre, mais l’engouement suscité est le plus important. Il y aura un avant et un après. Aucun opérateur ne déposera le bilan, ils vont se poser des questions et se renouveler. »

Niel a d’ailleurs tenu à ouvrir une parenthèse sur le GIE, qui « traite actuellement 40 000 demandes par jour. Il doit grimper à 80 000 d’ici la fin de la semaine, ce qui nous permettrait de rattraper notre retard. Le GIE prend quand même un peu son temps. Ce sont ces retards qui sont responsables essentiellement du retour de certains abonnés vers les concurrents ». Des propos en réponse à une demande de plusieurs députés sur le retour d’anciens abonnés chez Orange.

Et les boutiques ? Niel explique que Free possède actuellement « quatre boutiques ouvertes, nous en prévoyons cent, dont une à Agen [exemple de ville, ndlr], et nous en prévoyons une grande à Paris. »

Enfin, le vice-président d’Iliad a été interrogé sur les prévisions faites sur les territoires non métropolitains, qu’il s’agisse d’offres fixes ou mobiles : « Sur la Corse, nous déployons un réseau en dégroupage, mais nous avons un problème pour amener la fibre depuis le continent. La couverture sera importante dans les mois qui viennent. Sur l’outre-mer, nous ne pouvons pas répondre sur la partie mobile car nous n’avons de licence là-bas. Pour l’internet fixe, nous réclamons une tarification plus raisonnable sur la fibre. Les offres actuelles ne sont pas rationnelles. Mais nous estimons les DOM/TOM puisque nous avons mis en place, depuis 2007, les appels illimités vers ces destinations. Ça ne nous coûte pas plus cher. »

« Nous allons proposer des offres prépayées à des tarifs agressifs »

La question du financement des smartphones a elle aussi été abordée par Lionel Tardy. Xavier Niel s’est défendu en expliquant que Free jouait la carte de la transparence : « Les concurrents font déjà des crédits à la consommation puisqu’on vous demande des engagements sur 24 mois. S’il y a crédit à la consommation, il doit y avoir protection du consommateur. C’est pourquoi nous séparons le forfait lui-même et le paiement du terminal. Il y a des gens qui changent de terminal tous les 6 mois, d’autres tous les 5 ans. Aujourd’hui, on vous met en avant le prix du téléphone, puis ensuite on vous parle du prix du forfait. Nous pensons que la téléphonie, ce n’est pas ça. »

Une transparence qui sert également de pilier quand il s’agit d’expliquer les frais annexes des forfaits Free : « Quand nous avons des frais, nous les facturons. On peut en annuler certains en s’abonnant sur Internet, comme les coûts d’envoi de la carte SIM. » Et de répondre en rafale à plusieurs questions attenantes qui lui avaient été posées : « Sur le forfait social, nous avons décidé de faire un forfait abordable. Concernant la data, elle n’est pas active par défaut, il ne peut pas y avoir d'accident. Le suivi de consommation sera bien installé dans les jours qui viennent. Nous améliorerons ce forfait en fonction de ce qu’on verra avec le temps. Nous n’interrogeons pas Préventel non plus pour ouvrir la ligne ». Il expliquera enfin que l’absence d’illimité vers les mobiles à l’étrangers, hors États-Unis et Canada, provient « simplement des tarifs de terminaisons d’appel, trop élevés encore aujourd’hui. »

Notez que le problème des MMS bloqués en région parisienne devrait, selon Xavier Niel, être résolu aujourd’hui. Il provenait d’un retard dans les interconnexions entre les infrastructures de Free et de Bouygues Télécom.

Niel s’est en outre défendu contre la problématique du dépôt de garantie prévu selon lui pour « des types de cas assez rares qui ne sont pas d’ordre financier. Nous proposons le prélèvement bancaire et par carte. Et nous allons proposer des offres prépayées à des tarifs agressifs. Nous attaquerons ce sujet après la mise en place d’un vrai catalogue de smartphones. »

Enfin, le responsable a répondu à la question de l’utilisation de son réseau par les MVNO : « Nous allons publier dans les jours qui viennent une offre pour eux pour qu’ils se connectent à notre réseau. »

« L’impact sur l’emploi est positif, les concurrents seront obligés d’embaucher »

La problématique des conséquences de l’entrée de Free dans le secteur de la mobilité a été lui aussi particulièrement abordé. Xavier Niel commencera par citer les propos du président de l’ARCEP aux Échos : « Depuis la 4e licence mobile, il n’y a plus de baisses d’emplois. La concurrence pousse chaque secteur à être meilleur, donc il faut embaucher pour améliorer le service et renseigner le client. Nous avons plus de 5000 salariés dont 4000 en France. Deux nouveaux centres d’appels à Paris, Colombes et Vitry. L’impact direct est de plus de 1000 personnes. L’impact indirect (entreprises concernées) : plusieurs milliers d’emplois. »

Et de rappeler que Free est « tout sauf une entreprise low cost : nous sommes une entreprise raisonnable. Mon salaire est jusqu’à 30 fois inférieures à celui de mes concurrents. On essaye de faire les choses de manière différente. L’impact sur l’emploi est positif, les concurrents seront obligés d’embaucher. Martin Bouygues avait prévenu d’une perte d’emplois il y deux ans, mais Bouygues a embauché. »

Des mentions multiples de Bouygues qui vaudront d’ailleurs à Xavier Niel une remarque du vice-président de la Commission, Serge Poignant, sur l’utilisation trop régulière des concurrents pour mieux mettre en valeur sa communication.

« Félicité » pour la spontanéité avec laquelle il a ouvertement parlé de son propre salaire, Niel renchérit : « Mon salaire est de 173 000 euros bruts annuel. »

Niel se fera en outre le plaisir de rappeler que les concurrents ont fermé leurs propres centres d’appels en France, ce dont Free a en fait profité : « Nous avons recruté plus de 1000 personnes pour Free Mobile et nous continuons à embaucher. Le métier de technicien dans un centre d’appel est très dur et nous en prenons soin. Nous avons essentiellement récupéré d’anciens intervenants des concurrents qui se sont retrouvés sans emploi lors des fermetures des centres. Nous sommes les derniers sur Paris à posséder de tels lieux. Oui nous avons eu des temps d’appel très longs, mais le support est toujours difficile d’accès, voire défaillant, lors du lancement d’une offre. »

Fibre : « Nous pensons qu’il faudra 10 à 15 ans pour couvrir la totalité du territoire »

Le secteur de la téléphonie mobile n’a pas été le seul à avoir été abordé durant les questions des députés. Plusieurs ont porté notamment sur le déploiement de la fibre optique sur le territoire. Les députés faisaient en effet référence à la baisse des investissements et à une situation visiblement peu favorable à l’avancement de ces travaux.

Xavier Niel s’est permis de rappeler quelques chiffres : « France Télécom a investi 80 millions d’euros. SFR a investi 120 millions. Free a investi 216 millions. Pourquoi ? Parce qu’on croit au réseau, parce que c’est le seul moyen d’exister et de nous différencier. Pour comparaison, France Télécom investit 13 % de son chiffre d’affaires dans du déploiement. Chez Free, c’est 37 %, soit la totalité de notre cash. »

Pour Niel, il n’y a qu’une seule explication au fait que Free existe encore : « Nous possédons notre propre réseau, nous captons la totalité de la chaine de valeur. On continue d’investir dans la fibre optique. Nous signerons des accords de co-déploiement avec toutes les bonnes volontés. Nous croyons également à la montée en débit et nous sommes en attente d’un dégroupage plus bas pour les zones de faible densité. Notre souhait est de dégrouper la totalité des répartiteurs ADSL, pour ensuite les passer, petit à petit, à la fibre. »

Et justement, quelle est la fenêtre de temps que vise Free pour fibrer la France ? « Nous pensons qu’il faudra 10 à 15 ans pour couvrir la totalité du territoire ».

Un "One more thing" en direction de la Hadopi

Plusieurs députés, dont Laure de la Raudière, ont demandé à Xavier Niel de donner son sentiment sur le filtrage et la politique de blocage en réponse au piratage. En filigrane se dessinait bien sûr dans la question l’avis du patron de Free sur la Hadopi.

Niel choisira ses mots avec soin : « Concernant le filtrage, je pense que sous prétexte de lutter contre de grands problèmes comme la pédopornographique, l’absence du juge est un vrai problème. L’intervention du juge nous semble toujours aussi importante. C’est comme pour Hadopi : contrecarrer le piratage, nous sommes pour, mais pas en coupant Internet. Si aujourd’hui je faisais une loi dont la punition était la coupure de l’électricité, vous en entendriez parler. Nous considérons qu’avec Internet, c’est la même chose. »

Et de rebondir sur son propre préambule en début de Commission quand il estimait qu’internet était un besoin essentiel, au même titre que l’eau et l’électricité, bouclant ainsi la boucle.
 
Xavier Niel se permettra même une pique : « Si la France souhaite encourager la création artistique, elle doit le faire directement en prélevant sur le budget général, et non en créant des petites taxes à droite et à gauche sur les fournisseurs d’accès. »

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