Mise à jour : si l'étude américaine fait une corrélation entre la mise en avant médiatique d'Hadopi avec les ventes sur iTunes, notre confrère Le Monde a décidé d'étudier les rapports entre les ventes sur la plateforme d'Apple, les recherches sur l'iPhone et les ventes de ce dernier (via certaines dates clés).
Et comme par "magie", cela concorde parfaitement. Les lancements des iPhone depuis 2008 et les périodes où ils se vendent en quantité (Noël, etc.) sont similaires aux pics des ventes sur iTunes. Mieux encore, les recherches sur l'iPhone sont bien supérieures aux recherches sur Hadopi.
Doit-on pour autant en conclure que l'étude américaine est fausse et que les ventes de musiques légales sur iTunes sont uniquement liées au succès de l'iPhone ? Pas forcément. Néanmoins, cette enquête du Monde montre qu'il est aisé de trouver des corrélations entre deux types de données différentes. La prudence est donc de mise sur toutes ces informations. Cela n'empêchera cependant pas les ayants droit et les politiques d'exploiter l'étude universitaire lors de leurs futures interviews.
Article du 24 janvier 2012.
Comme nous le savons depuis quelques jours déjà, une étude américaine a réussi à chiffrer les bienfaits de l’Hadopi sur les ventes légales : une première. Cette étude, pour le moins originale, affirme notamment qu’Hadopi a permis à iTunes d’Apple de vendre 90 000 singles et 11 200 albums supplémentaires par semaine, soit l’équivalent d’environ 9,6 millions d’euros sur une année. Mais ces chiffres sont-ils sûrs ?
Outre Danaher, on retrouve deux chercheurs de l’Université de Carnegie Mellon (Pennsylvanie) : Michael D. Smith et Rahul Telang. Le premier est professeur de technologie de l’information et du marketing, le second est professeur de système d’information et de management. Aucun des deux n’a semble-t-il travaillé pour une major ou un organisme liée de près ou de loin à l’IFPI.
Il est par contre intéressant de noter que les trois hommes ci-dessus ont déjà travaillé ensemble dans le passé, et pour une étude bien particulière nommée « la conversion des pirates sans cannibaliser les acheteurs : l’impact de la distribution numérique sur les ventes physiques et le piratage sur Internet » (titre original : « Converting Pirates without Cannibalizing Purchasers: The Impact of Digital Distribution on Physical Sales and Internet Piracy »).
Ces trois personnes n’ont donc pas découvert le sujet hier, loin de là. Le quatrième chercheur ayant participé à cette étude se nomme Siwen Chen. Selon nos recherches, cette jeune femme a été major de sa promotion. Spécialisée en économie, Siwen Chen a été choisie par les trois professeurs cités plus haut pour une raison bien précise : elle a présenté l’an passé les fruits de ses travaux au titre là encore évocateur : « Lutte contre le piratage sur Internet en France – "Hadopi" a-t-elle affecté les ventes dans l’industrie des médias ? » (« Battle Against Internet Piracy in France – Does “Hadopi” Affect Sales in the Media Industry? »)
Nous n’avons pas pu obtenir les fruits de ce travail, néanmoins, il est plus que probable que l’étude récemment publiée se soit basée sur les travaux de madame Chen.
Venons-en désormais aux chiffres publiés par l’étude et à sa méthodologie. L’évolution des ventes numériques depuis 2008 sur iTunes (uniquement) dans cinq pays européens a été analysée, à savoir au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en France. Le premier est le marché le plus mature et de loin d’Europe, a contrario, l’Espagne est particulièrement faible, comme le montre parfaitement le tableau ci-dessus. Le faible nombre de pays choisis et les différences démographiques posent cependant des questions sur la solidité de cette base comparative.
Or à partir de mars 2009, soit le mois où l’examen de la loi Hadopi à l’Assemblée nationale a débuté et donc où la médiatisation de la loi a commencé à être importante, les chercheurs ont remarqué que la France (ligne rouge) s’est immédiatement détaché de la moyenne des pays européens analysés (ligne bleue).
Ainsi, les ventes de singles sur iTunes ont bondi de 48 % en France, contre 25,5 % dans le groupe de pays témoin (+22,5 points d’écart). Logique similaire pour les albums : la France, avec une hausse de 67 %, s’est largement détachée du groupe témoin (+42 %). Ces constats permettent aux chercheurs d’affirmer qu’Hadopi a permis à iTunes d’augmenter de 25 % ses ventes par rapport aux autres pays dépourvus d’Hadopi.
« Nous notons que ces chiffres ne concernent que l'effet de la HADOPI sur les ventes d'une forme de média (musique) dans un seul canal (iTunes) » résume avec justesse les auteurs de l'étude. Cette dernière estime par conséquent que les 9,6 millions d’euros cités en introduction de cet article représentent une valeur basse « de l'impact réel de l'Hadopi sur les industries des médias ». En somme, les conséquences positives d’Hadopi sont bien plus élevées.
L’étude note de plus certaines de ses faiblesses dans sa conclusion : « Notre seule estimation ne peut peser contre les coûts de la Hadopi, mais elle peut servir d'indication que Hadopi et les lois équivalentes peuvent atténuer le déplacement des ventes des différents médias du fait de la piraterie. Afin de profiter pleinement des avantages de l'Hadopi, les chercheurs auraient besoin de mesurer ses effets sur toutes les formes de médias dans tous les canaux de vente, et aussi d'observer si l'ampleur des effets change à partir du moment où la troisième étape et les sanctions commencent à être imposées. Et ces avantages devraient également être liée à toute augmentation potentielle de l'approvisionnement ou la qualité de la musique produite. »
Enfin, les chercheurs précisent tout de même en toute fin d’étude que les frais liés à Hadopi ou aux autres interventions anti-piratage n’ont pas été pris en compte, et qu’ils doivent être considérés, tout comme les bénéfices. Lors des discussions quant à un changement de politique, les coûts mais aussi les bénéfices doivent donc être mis en avant conclue l’étude. Serait-ce un message envoyé à certains dirigeants politiques (français ou américains) ?
Et comme par "magie", cela concorde parfaitement. Les lancements des iPhone depuis 2008 et les périodes où ils se vendent en quantité (Noël, etc.) sont similaires aux pics des ventes sur iTunes. Mieux encore, les recherches sur l'iPhone sont bien supérieures aux recherches sur Hadopi.

Doit-on pour autant en conclure que l'étude américaine est fausse et que les ventes de musiques légales sur iTunes sont uniquement liées au succès de l'iPhone ? Pas forcément. Néanmoins, cette enquête du Monde montre qu'il est aisé de trouver des corrélations entre deux types de données différentes. La prudence est donc de mise sur toutes ces informations. Cela n'empêchera cependant pas les ayants droit et les politiques d'exploiter l'étude universitaire lors de leurs futures interviews.
Article du 24 janvier 2012.
Comme nous le savons depuis quelques jours déjà, une étude américaine a réussi à chiffrer les bienfaits de l’Hadopi sur les ventes légales : une première. Cette étude, pour le moins originale, affirme notamment qu’Hadopi a permis à iTunes d’Apple de vendre 90 000 singles et 11 200 albums supplémentaires par semaine, soit l’équivalent d’environ 9,6 millions d’euros sur une année. Mais ces chiffres sont-ils sûrs ?
L'étude américaine ne s'est pas intéressée à l'impact des envois des emails mais uniquement à la présence d'Hadopi, notamment médiatique.
Présentation des chercheurs
Cette étude a été réalisée par quatre personnes. La première nommée est Brett Danaher, professeur assistant d’économie au Wellesley College (Massachusetts) depuis juillet 2010. Il est intéressant de noter que son précédent emploi était au sein de la major EMI Music entre juin 2009 et août 2010 selon sa page Facebook. Il y compte d’ailleurs encore certains amis sur ce même réseau social.Outre Danaher, on retrouve deux chercheurs de l’Université de Carnegie Mellon (Pennsylvanie) : Michael D. Smith et Rahul Telang. Le premier est professeur de technologie de l’information et du marketing, le second est professeur de système d’information et de management. Aucun des deux n’a semble-t-il travaillé pour une major ou un organisme liée de près ou de loin à l’IFPI.
Il est par contre intéressant de noter que les trois hommes ci-dessus ont déjà travaillé ensemble dans le passé, et pour une étude bien particulière nommée « la conversion des pirates sans cannibaliser les acheteurs : l’impact de la distribution numérique sur les ventes physiques et le piratage sur Internet » (titre original : « Converting Pirates without Cannibalizing Purchasers: The Impact of Digital Distribution on Physical Sales and Internet Piracy »).
Ces trois personnes n’ont donc pas découvert le sujet hier, loin de là. Le quatrième chercheur ayant participé à cette étude se nomme Siwen Chen. Selon nos recherches, cette jeune femme a été major de sa promotion. Spécialisée en économie, Siwen Chen a été choisie par les trois professeurs cités plus haut pour une raison bien précise : elle a présenté l’an passé les fruits de ses travaux au titre là encore évocateur : « Lutte contre le piratage sur Internet en France – "Hadopi" a-t-elle affecté les ventes dans l’industrie des médias ? » (« Battle Against Internet Piracy in France – Does “Hadopi” Affect Sales in the Media Industry? »)
Nous n’avons pas pu obtenir les fruits de ce travail, néanmoins, il est plus que probable que l’étude récemment publiée se soit basée sur les travaux de madame Chen.
Chiffres, impact et méthodologie

Venons-en désormais aux chiffres publiés par l’étude et à sa méthodologie. L’évolution des ventes numériques depuis 2008 sur iTunes (uniquement) dans cinq pays européens a été analysée, à savoir au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en France. Le premier est le marché le plus mature et de loin d’Europe, a contrario, l’Espagne est particulièrement faible, comme le montre parfaitement le tableau ci-dessus. Le faible nombre de pays choisis et les différences démographiques posent cependant des questions sur la solidité de cette base comparative.
Or à partir de mars 2009, soit le mois où l’examen de la loi Hadopi à l’Assemblée nationale a débuté et donc où la médiatisation de la loi a commencé à être importante, les chercheurs ont remarqué que la France (ligne rouge) s’est immédiatement détaché de la moyenne des pays européens analysés (ligne bleue).
Ainsi, les ventes de singles sur iTunes ont bondi de 48 % en France, contre 25,5 % dans le groupe de pays témoin (+22,5 points d’écart). Logique similaire pour les albums : la France, avec une hausse de 67 %, s’est largement détachée du groupe témoin (+42 %). Ces constats permettent aux chercheurs d’affirmer qu’Hadopi a permis à iTunes d’augmenter de 25 % ses ventes par rapport aux autres pays dépourvus d’Hadopi.
L'impact d'Hadopi serait sous-estimé par l'étude
Cette étude, et les chercheurs en sont en partie conscients, est cependant loin d’être infaillible. Tout d’abord, elle ne s’intéresse qu’à la musique (et non au cinéma et aux séries), et uniquement à iTunes et aux ventes des artistes issus des quatre majors, à savoir Universal Music, Sony Music, Warner Music et EMI Music. Les progressions des autres plateformes et des artistes indépendants ou issus de petits labels ne sont donc pas considérés autrement que par des prévisions.« Nous notons que ces chiffres ne concernent que l'effet de la HADOPI sur les ventes d'une forme de média (musique) dans un seul canal (iTunes) » résume avec justesse les auteurs de l'étude. Cette dernière estime par conséquent que les 9,6 millions d’euros cités en introduction de cet article représentent une valeur basse « de l'impact réel de l'Hadopi sur les industries des médias ». En somme, les conséquences positives d’Hadopi sont bien plus élevées.
Des données basées sur des hypothèses
Les chercheurs précisent d’ailleurs que les indépendants représentent environ 30 % des ventes en France. Si l’évolution de leurs ventes a été similaire à celles des majors, alors Hadopi a permis à iTunes d’augmenter ses ventes d’environ 13,8 millions d’euros. La somme dévoilée la semaine dernière tire donc sa source de ce calcul, c’est-à-dire sur une « hypothèse ». Ce mot sera d'ailleurs répété plusieurs fois par les chercheurs concernant les ventes des indépendants.L’étude note de plus certaines de ses faiblesses dans sa conclusion : « Notre seule estimation ne peut peser contre les coûts de la Hadopi, mais elle peut servir d'indication que Hadopi et les lois équivalentes peuvent atténuer le déplacement des ventes des différents médias du fait de la piraterie. Afin de profiter pleinement des avantages de l'Hadopi, les chercheurs auraient besoin de mesurer ses effets sur toutes les formes de médias dans tous les canaux de vente, et aussi d'observer si l'ampleur des effets change à partir du moment où la troisième étape et les sanctions commencent à être imposées. Et ces avantages devraient également être liée à toute augmentation potentielle de l'approvisionnement ou la qualité de la musique produite. »
De nombreux oublis
Nous pourrions rajouter que l’étude ne prend pas en compte les ventes liées à la Carte Musique Jeunes, le succès des iPhone en France depuis 2009 (qui peuvent avoir un impact sur les ventes sur iTunes), le succès des offres de streaming type Deezer et Spotify (affiliés à iTunes), etc. Sans parler de l’évolution du taux de chômage en Espagne qui peut avoir un effet sur la moyenne des pays étudiés.Enfin, les chercheurs précisent tout de même en toute fin d’étude que les frais liés à Hadopi ou aux autres interventions anti-piratage n’ont pas été pris en compte, et qu’ils doivent être considérés, tout comme les bénéfices. Lors des discussions quant à un changement de politique, les coûts mais aussi les bénéfices doivent donc être mis en avant conclue l’étude. Serait-ce un message envoyé à certains dirigeants politiques (français ou américains) ?