Coup de froid pour l'industrie musicale. Les députés ont voté l’amendement divisant par 5 le budget alloué pour le lancement au futur Centre National de la Musique voulu par Nicolas Sarkozy et défendu par Franck Riester.
Franck Reister, lors des prémices de la loi Hadopi (MR)
Au lieu des 2,5 millions de crédits réclamés pour financer la mission de préfiguration du CNM, l'Assemblée nationale a alloué 500 000 euros. Rôle de cette mission ? Fixer les contours et les modalités de fonctionnement et de financement du centre. « Or, a expliqué Gilles Carrez dans l’hémicycle, un excellent rapport de notre collègue Franck Riester a traité du sujet il y a quelques mois, et il nous est apparu que, 2,5 millions d’euros, c’était très cher pour une étude ». Difficile donc de puiser 2,5 millions d'euros pour financer ce qui a déjà été dit.
Carrez insistera sur ce crédit trop confortable : « la création du Centre national de la musique est une très bonne initiative, mais comment allons-nous la financer ? C’est pourquoi la commission des finances propose qu’on se borne à une simple inscription de crédits d’étude ». Une étude dont les premiers résultats sont attendus d’ici au 15 janvier 2012.
« 3,8 milliards d’euros en 2005 ; 5,5 milliards en 2012. »
Le rapporteur général a fait d’ailleurs part de ses interrogations quant au futur financement de ce CNM annoncé par Nicolas Sarkozy à Avignon. « J’ai lu, dans le rapport de Franck Riester, que le Centre national de la musique serait financé par les excédents annuels que rapporte la redevance sur les services de télévision. Or, il y a à peine un mois, Mme la ministre nous a expliqué qu’il valait mieux que les excédents de cette redevance, qui est extrêmement dynamique, servent à réduire le déficit de l’État plutôt qu’au Centre national du cinéma, et nous avons voté à l’unanimité la proposition du Gouvernement à cet égard ». Une autre piste avait été de ponctionner sur les 25% de rémunération pour copie privée, actuellement utilisé pour le financement notamment des festivals dans les collectivités…Sensibilisé à la maitrise des dépenses publiques, le député UMP aura en tout cas pris le grand soin de calculer l’ensemble des crédits budgétaires, des taxes affectées à des organismes culturels et les dépenses fiscales. « 3,8 milliards d’euros en 2005 ; 5,5 milliards en 2012. »
Le compromis du gouvernement : geler 2 millions d'euros
Valérie Pécresse, ministre du budget, proposera un compromis.D’un côté, 500 000 euros iront au paiement de deux missions confiées au préfigurateur du Centre national de la musique : « d’abord le travail de préfiguration du CNM, la mission d’expertise juridique, comptable et financière, les structures, le bail, les aménagements des locaux, etc. ».
De l’autre, la ministre propose de créer une ligne de 2 millions d’euros de crédit « dans le cadre du gel de précaution ». Ces sommes seront ainsi mises en réserve et dépensées en fonction de l’évolution de l’activité du CNM préfiguré. Cette décision de gel est d’ordre réglementaire et donc de la compétence du seul gouvernement.
Validés, les deux millions permettront d'irriguer les premiers coups de pouce au secteur musical. Et s’ils ne sont pas dépensés ? « Dans le cas contraire, ces crédits seront annulés à la fin de l’exercice. En tant que ministre du budget, je prends l’engagement d’annuler ces crédits s’ils n’ont pas été utilisés ».
Un CNM parce qu'Hadopi a échoué, selon Patrick Bloche
Au fil de la discussion, le député PS Patrick Bloche donnera son avis sur le CNM et ce financement qui peine à trouver son pipeline d'argent frais. « Le Centre national de la musique fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du Président, sans doute parce qu’il correspond, au départ, à une demande forte des majors, autrement dit des trois grands groupes qui produisent de la musique enregistrée. Je ne mets pas en cause la qualité du travail conduit par notre collègue Franck Riester, avec Didier Selles, Alain Chamfort et un certain nombre d’autres personnalités. Le rapport est une base de réflexion intéressante. Mais si nous en sommes aujourd’hui à évoquer la création d’un centre national de la musique, c’est simplement que le dispositif répressif dit « HADOPI » a totalement échoué dans ses objectifs. Il y a deux ans, on nous avait vendu HADOPI comme étant la solution miracle qui allait tout résoudre en modifiant les usages de nos concitoyens dans leur accès aux contenus culturels à l’ère numérique ».Selon Bloche, « parce que la HADOPI n’a pas produit les effets escomptés, nous voilà en train de débattre de la création d’un Centre national de la musique ! C’est aborder sous une forme institutionnelle – ce qui est regrettable – une vraie question, et la seule qui vaille : comment financer la création, rémunérer le droit d’auteur et les droits voisins, à l’ère numérique ? »
L'élan Marland Militellien de Franck Riester
Franck Riester s’opposera à cette vision dans un élan quasi Marland Militellien : « Jamais, dans notre pays, il n’y a eu autant de revenus pour la création, qu’elle soit cinématographique ou musicale, en matière numérique, et ce grâce à la loi HADOPI, au débat qu’il y a eu autour de cette loi et aux recommandations pédagogiques adressées à nos concitoyens pour qu’ils téléchargent plutôt sur des plates-formes légales ».Et le député et multi-concessionnaire à Coulommiers de clamer qu’« il ne s’agit pas, loin s’en faut, de débattre aujourd’hui du CNM ni de créer un nouvel organisme pour financer la création. La loi HADOPI a été faite pour lutter contre le piratage et développer les offres légales sur internet. Et cela fonctionne ! ».
Réaction immédiate de Jean-Pierre Brard « Tu parles ! »