C’est l’histoire d’un marché qui rime particulièrement avec « concentration » ces derniers temps. Concentration des acteurs tout d’abord, avec deux leaders incontestés – Western Digital et Seagate – et un seul réel concurrent (Toshiba), les autres ayant tous été rachetés ces dernières années, dont deux en 2011 (Hitachi et Samsung). Concentration de la production ensuite, où la Chine et la Thaïlande fabriquent la quasi-totalité des disques durs de la planète. Or vous n’êtes pas sans savoir que la Thaïlande connaît les pires inondations de son histoire récente. Les conséquences sont ainsi dramatiques, pour la population cela va sans dire, mais aussi pour le secteur des disques durs. Les fabricants ne devraient-ils pas tirer une leçon de cette situation ?
Pour le grand public, ceci dans le monde entier, les conséquences se ressentent déjà. Les fabricants et/ou les revendeurs ont augmenté leurs tarifs. Parfois de façon importante mais raisonnable, avec des hausses de 10 ou 20 %. Mais d’autres vont bien plus loin et affichent une inflation indécente. Et cela pourrait bien durer plusieurs mois. Un particulier peut néanmoins se permettre de patienter.
Pour le monde professionnel, la situation est bien différente. Il est bien difficile de décaler certaines commandes de plusieurs mois. Si les professionnels sont habituellement prioritaires, ils en ressentent néanmoins déjà les effets. OVH, par la voie de son fondateur Octave Klaba, a ainsi tiré la sonnette d’alarme mercredi dernier sur le forum de son entreprise. Ses propos sont clairs :
« En étant un gros client de disques, en septembre et octobre nous avons eu l'accès prioritaire aux stocks mondiaux. Par contre là ça commence à être très tendu. Pour novembre, on nous livre 20 % de nos commandes et on apprend que le redémarrage des usines en Thaïlande est prévu pour janvier 2012 ! On prévoit la livraison de 10 % de nos besoins en décembre et janvier, soit rien du tout ! »
Résultat, OVH ne pouvant pas fonctionner normalement avec si peu de disques durs neufs pour les mois à venir, la société a dû s’adapter et a annoncé qu’elle sera dans l’obligation d’utiliser des disques durs datant de quelques mois. Et Klaba annonce déjà que cette solution pourrait bien ne pas tenir suffisamment longtemps…
Personne ne sera vraiment épargné
Jérémy Martin, le fondateur de First Heberg, un concurrent plus petit d’OVH, est sur la même longueur d’onde. Selon lui, ses dernières commandes ont même été annulées du fait de l’inflation galopante (entre +100 % et +200 %) de certains disques durs. La pénurie est ainsi une réalité à ne pas sous-estimer, même si certaines entreprises, et notamment les fabricants d’ordinateurs, disposent de stocks importants.
« C'est une catastrophe économique pour le monde de l'informatique » nous a néanmoins confié le patron de First Heberg. « On se dirige vers une inflation massive des produits IT dans les jours et semaines à venir, personne ne sera vraiment épargné, que ce soit du petit revendeur aux groupes intégrateurs tel que Apple ou Dell. »
Il est vrai que si comme certains le prévoient, les problèmes en Thaïlande impactent le secteur jusqu’au début de l’année 2012, les stocks ne pourront suffire. Si heureusement, les débuts d’année sont toujours moins vendeurs que les fins d’année, ce qui réduira en partie la problématique, il n’empêche qu’un risque évident existe.
Et le même son de cloche a été envoyé par un grossiste français dont on taira le nom. Selon un courriel envoyé à ses clients, c'est bien simple, les disques durs sont actuellement victimes de rétentions et de fortes spéculations (jusqu'à un triplement du prix). Le réapprovisionnement est par conséquent devenu difficile pour ne pas dire impossible, et les stocks sont déjà proches de zéro... Le cercle vicieux à l'état pur.
Les disques durs ne sont pas les seuls
Mais cet édito n’est pas là pour traiter des disques durs en particulier. Ce dernier cas ne sert que d’exemple. Ce marché montre ses nombreuses limites, et comme précisé en introduction, ce secteur cumule concentration de la production et des acteurs. Qui plus est, son fonctionnement de production fait que les marges de manœuvre sont faibles. Et malheureusement, le marché des disques durs est loin d’être le seul dans cette situation.
Que se passera-t-il si une catastrophe climatique arrive à Taiwan ? Ce dernier concentre une immense partie de la production mondiale des semi-conducteurs notamment, indispensables à tout le secteur informatique. Même logique pour la Corée du Sud vis-à-vis de la mémoire. Et ne parlons pas des usines de Foxconn à Shenzhen en Chine, vitales pour la plupart des grands fabricants du marché informatique, de l'ordinateur portable au smartphone, en passant par les tablettes.
Si bien sûr, les inondations en Thaïlande sont exceptionnelles, il n’en demeure pas moins que de nombreux points vitaux de l’industrie high-tech sont parfois mal placés. On se rappellera qu’en 2002, les usines d’AMD à Dresde (en Allemagne) avaient réchappé de peu aux inondations.
Il n'y a pas de répartition des risques
Klaba résume d’ailleurs très bien la problématique : « la mondialisation pour certains veut dire uniquement la réduction des coûts avec une prise maximale de risques pour l'ensemble de la planète au lieu de la répartition de risques sur différentes zones de production et une meilleure adaptation à la demande ».
Effectivement, le fond du problème est là. De nombreuses sociétés n’hésitent pas à investir dans des pays instables politiquement, aux voisins parfois dangereux, ou aux climats difficiles, tout ça pour réduire leurs frais, parfois à coup d’aide massive de l’État local. Si les sociétés en question prennent ainsi peu de risques, ce n’est par contre pas le cas de leurs clients. Aujourd’hui, du fait de la crise thaïlandaise, un très grand nombre d’acteurs sur le marché est déjà en difficulté. Et ce scénario pourrait bien se répéter à l’avenir.
Bien sûr, la concentration a des atouts, d'ordre financier et de rapidité pour la fabrication, et d'émulation pour les têtes pensantes. Mais imaginez si la faille de San Andreas venait à jouer des siennes et à créer une catastrophe dans toute la Californie ? Non, mieux vaut ne pas imaginer…
Pour le grand public, ceci dans le monde entier, les conséquences se ressentent déjà. Les fabricants et/ou les revendeurs ont augmenté leurs tarifs. Parfois de façon importante mais raisonnable, avec des hausses de 10 ou 20 %. Mais d’autres vont bien plus loin et affichent une inflation indécente. Et cela pourrait bien durer plusieurs mois. Un particulier peut néanmoins se permettre de patienter.
Pour le monde professionnel, la situation est bien différente. Il est bien difficile de décaler certaines commandes de plusieurs mois. Si les professionnels sont habituellement prioritaires, ils en ressentent néanmoins déjà les effets. OVH, par la voie de son fondateur Octave Klaba, a ainsi tiré la sonnette d’alarme mercredi dernier sur le forum de son entreprise. Ses propos sont clairs :
« En étant un gros client de disques, en septembre et octobre nous avons eu l'accès prioritaire aux stocks mondiaux. Par contre là ça commence à être très tendu. Pour novembre, on nous livre 20 % de nos commandes et on apprend que le redémarrage des usines en Thaïlande est prévu pour janvier 2012 ! On prévoit la livraison de 10 % de nos besoins en décembre et janvier, soit rien du tout ! »
Résultat, OVH ne pouvant pas fonctionner normalement avec si peu de disques durs neufs pour les mois à venir, la société a dû s’adapter et a annoncé qu’elle sera dans l’obligation d’utiliser des disques durs datant de quelques mois. Et Klaba annonce déjà que cette solution pourrait bien ne pas tenir suffisamment longtemps…
Personne ne sera vraiment épargné
Jérémy Martin, le fondateur de First Heberg, un concurrent plus petit d’OVH, est sur la même longueur d’onde. Selon lui, ses dernières commandes ont même été annulées du fait de l’inflation galopante (entre +100 % et +200 %) de certains disques durs. La pénurie est ainsi une réalité à ne pas sous-estimer, même si certaines entreprises, et notamment les fabricants d’ordinateurs, disposent de stocks importants.
« C'est une catastrophe économique pour le monde de l'informatique » nous a néanmoins confié le patron de First Heberg. « On se dirige vers une inflation massive des produits IT dans les jours et semaines à venir, personne ne sera vraiment épargné, que ce soit du petit revendeur aux groupes intégrateurs tel que Apple ou Dell. »
Il est vrai que si comme certains le prévoient, les problèmes en Thaïlande impactent le secteur jusqu’au début de l’année 2012, les stocks ne pourront suffire. Si heureusement, les débuts d’année sont toujours moins vendeurs que les fins d’année, ce qui réduira en partie la problématique, il n’empêche qu’un risque évident existe.
Et le même son de cloche a été envoyé par un grossiste français dont on taira le nom. Selon un courriel envoyé à ses clients, c'est bien simple, les disques durs sont actuellement victimes de rétentions et de fortes spéculations (jusqu'à un triplement du prix). Le réapprovisionnement est par conséquent devenu difficile pour ne pas dire impossible, et les stocks sont déjà proches de zéro... Le cercle vicieux à l'état pur.
Les disques durs ne sont pas les seuls
Mais cet édito n’est pas là pour traiter des disques durs en particulier. Ce dernier cas ne sert que d’exemple. Ce marché montre ses nombreuses limites, et comme précisé en introduction, ce secteur cumule concentration de la production et des acteurs. Qui plus est, son fonctionnement de production fait que les marges de manœuvre sont faibles. Et malheureusement, le marché des disques durs est loin d’être le seul dans cette situation.
Que se passera-t-il si une catastrophe climatique arrive à Taiwan ? Ce dernier concentre une immense partie de la production mondiale des semi-conducteurs notamment, indispensables à tout le secteur informatique. Même logique pour la Corée du Sud vis-à-vis de la mémoire. Et ne parlons pas des usines de Foxconn à Shenzhen en Chine, vitales pour la plupart des grands fabricants du marché informatique, de l'ordinateur portable au smartphone, en passant par les tablettes.
Si bien sûr, les inondations en Thaïlande sont exceptionnelles, il n’en demeure pas moins que de nombreux points vitaux de l’industrie high-tech sont parfois mal placés. On se rappellera qu’en 2002, les usines d’AMD à Dresde (en Allemagne) avaient réchappé de peu aux inondations.
Il n'y a pas de répartition des risques
Klaba résume d’ailleurs très bien la problématique : « la mondialisation pour certains veut dire uniquement la réduction des coûts avec une prise maximale de risques pour l'ensemble de la planète au lieu de la répartition de risques sur différentes zones de production et une meilleure adaptation à la demande ».
Effectivement, le fond du problème est là. De nombreuses sociétés n’hésitent pas à investir dans des pays instables politiquement, aux voisins parfois dangereux, ou aux climats difficiles, tout ça pour réduire leurs frais, parfois à coup d’aide massive de l’État local. Si les sociétés en question prennent ainsi peu de risques, ce n’est par contre pas le cas de leurs clients. Aujourd’hui, du fait de la crise thaïlandaise, un très grand nombre d’acteurs sur le marché est déjà en difficulté. Et ce scénario pourrait bien se répéter à l’avenir.
Bien sûr, la concentration a des atouts, d'ordre financier et de rapidité pour la fabrication, et d'émulation pour les têtes pensantes. Mais imaginez si la faille de San Andreas venait à jouer des siennes et à créer une catastrophe dans toute la Californie ? Non, mieux vaut ne pas imaginer…