Mise à jour : le projet de loi est désormais enregistré à l'Assemblée nationale. Il est pris en main par la Commission des affaires culturelles. Confirmant nos informations, le gouvernement a actionné la procédure d'urgence pour éviter les discussions et aller-retours intempestifs entre Assemblée et Sénat. C'est la Commission des affaires culturelles qui prend le dossier en main, là où siège Franck Riester, pressenti pour être rapporteur du texte.
Contactée, la Commission des affaires économiques ne sait pas à ce jour si son président, Patrick Ollier, se saisira de ce dossier.
Première diffusion
PC INpact a diffusé cet après-midi le projet de loi sur la rémunération pour copie privée. Le texte sera sauf incident présenté demain en Conseil des ministres. Il devrait ensuite entamer sa route vers le Parlement sous procédure d’urgence. Plusieurs articles du projet de loi reprennent ce qui avait été déjà présenté lors d’une précédente réunion interministérielle. Nous actualisons donc nos commentaires à cette nouvelle version.
L’article 1 propose que la rémunération pour copie privée soit prélevée sur les seules « sources licites ». Il n’y a rien de transcendant, puisque le ministère de la Culture veut inscrire dans la loi ce qu’avaient oublié les ayants droit durant des années et qui fut sèchement rappelé par le Conseil d’État le 11 juillet 2008 en des termes analogues.
L’article 2 est plus vicieux. Dans sa décision du 17 juin 2011, qui exige le non-assujettissement des professionnels, le Conseil d’Etat a marqué son exaspération sur les études trop exotiques menées par les ayants droit pour justifier leur niveau de prélèvement.
Dans le projet de loi, cet article 2 prend acte de ces critiques…tout en rabotant la portée de l'obligation. Une première vague estime qu'il ne peut y avoir de rémunération pour copie privée sans enquêtes et sondages régulièrement actualisés. Soit. Mais l’article fait ressurgir immédiatement les bonnes vieilles recettes du passé avec une seconde vague : elles peuvent perdurer durant un an si des éléments objectifs sont apportés par la Commission Copie privée.
L’article 3 prévoit l’affichage du montant de rémunération pour copie privée sur les étiquettes, accompagné d’une notice explicative destinée à informer le consommateur. C’est un décret en Conseil d’Etat qui encadrera cette obligation, sanctionnée d’une amende administrative de 3000 euros en cas de manquement. Cette mesure était déjà programmée dans le projet de loi Consommation, et ce doublon devra être nettoyé d'une manière ou d'une autre.
L’article 4 est important. C’est lui qui met en place un système écartant les professionnels de la rémunération pour copie privée. La Directive 2001/29 dans son article 5, paragraphe 2, sous b, souligne que « les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions… au droit de reproduction prévu à l'article 2 … lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales… ».
C’est cette directive qui a servi à la CJUE dans son arrêt Padawan d’exiger l’exclusion des professionnels de l’assiette de la rémunération pour copie privée. La France met le cap sur un autre système : celui du remboursement plutôt que du non-assujettissement. Les pros seront donc assujettis temporairement à la RCP voire définitivement s’ils ne lancent pas une procédure de remboursement. Il reviendra aux ministères de l’Économie et de la Culture de définir les pièces afférentes qui devront être présentées par ces pro pour espérer retrouver les sommes indûment versées.
La loi indique que seuls donneront lieu à remboursement les supports acquis « notamment à des fins professionnels, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ». Ce qui signifie que dans d’autres cas, les ayants droit pourront présumer le support comme acheté à des fins de copie privée, même s’il est acquis par un professionnel.
Quels biens ? On sait qu’en Commission Copie privée, SORECOP-Copie France avait cité le cas des téléphones ou des tablettes, lesquels seraient par nature exclus du remboursement, sauf si le professionnel sait comment renverser la présomption. Comment prouver qu’on ne fait pas de copie privée ? Les professionnels devront consacrer temps et argent pour récupérer quelques euros à leur niveau, mais des millions, à celui des ayants droit.
On notera que les collecteurs de copie privée pourront toujours signer des conventions d’exonération de paiement de la rémunération pour copie privée. Une fois signée, le pro n'aura pas à payer le moindre centime même pour les biens taxés par présomption. Preuve que les ayants droit peuvent bien savoir une fois pour toute si un pro est bien un pro...
Poursuivons avec l’article 5. Celui-ci est intéressant car il vient contourner, hacker, bidouiller l'arrêt du Conseil d’Etat de juin 2011 qui avait annulé la décision 11 de la Commission Copie Privée. Les effets de cette annulation étaient cependant repoussés au 22 décembre 2011 afin de ne pas bouleverser le régime en France. A charge pour la Commission copie privée de réparer les bugs d'ici là.
Nous sommes fin octobre. Le temps est précieux. Il y a donc un risque évident si la Commission ne parvient pas à tenir l'agenda. Quel risque ? Que le flux de copie privée soit illicite en France à cette date.
Avec cet article 5, magie ! Toutes les règles restent applicables en attendant la prochaine réunion de la Commission et au plus tard dans les deux ans. Ce qui laisse aux ayants droit le temps de sauver les meubles sans se presser.
Une disposition qui devra être validée par le Conseil constitutionnel puisqu'elle fait revivre un acte pourtant tué par le Conseil d'Etat.
L’article 6 va plus loin dans la sécurisation des revenus des ayants droit.
En octobre 2010, l’arrêt Padawan de la CJUE jugeait qu’en Europe, il est interdit de prélever de la copie privée sur le dos des professionnels.
En France, les cabinets d‘avocat ont évidemment sauté sur la brèche et exigé le remboursement des trop versés par les redevables de la copie privée (distributeur, importateur). Il faut dire que depuis 1985, les ayants droit ont profité indument de plusieurs millions d’euros prélevés sur les entreprises. Quand en juin 2011, le Conseil d’Etat a « Padawanisé » le régime français, il a fait preuve d’une grande générosité. Il reportait, disions-nous, son annulation au 22 décembre 2011 afin de ne pas maltraiter les ayants droit. Cependant, ce report se faisait « sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur le fondement des dispositions annulées ».
Le Conseil d’État ne peut pas gommer d’un trait de plume les contentieux judiciaires fondés sur le remboursement des justiciables et lancés depuis fin 2010. Le ministère de la Culture, oui, par une belle pirouette juridique.
L’article 6 a pour objet « de remédier aux effets d’aubaine dont pourraient bénéficier les redevables qui sachant la décision fragile, ont introduit des actions individuelles devant le juge judiciaire pour contester les sommes à verser sur son fondement ». Comment ? Le ministère de la Culture veut leur interdire le remboursement par principe, sauf si le justiciable démontre que le remboursement porte sur des biens acquis à des fins professionnels (1ere condition) et dont « les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée » (2ème condition).
C’est le ministère de la Culture qui définira ces « usages présumés » en accord avec le ministère de l’Économie, lequel pourrait n'apprécier que tièdement d’avoir à trop rembourser en ces périodes difficiles (au titre de la TVA prélevée en trop). Ajoutons aussi que 25% de la copie privée finance la politique culturelle. Si ces sommes venaient à manquer, la Rue de Valois pourrait être obligée politiquement d'ouvrir sa machine à subventions.
Ajoutons pour finir l’article 7 qui indique que les demandes de remboursement au titre de cette loi ne pourront entrer en vigueur que pour les supports acquis après l’entrée en vigueur du texte. Manière de blinder d’éviter l’hémorragie juridique et financière.
Contactée, la Commission des affaires économiques ne sait pas à ce jour si son président, Patrick Ollier, se saisira de ce dossier.
Première diffusion
PC INpact a diffusé cet après-midi le projet de loi sur la rémunération pour copie privée. Le texte sera sauf incident présenté demain en Conseil des ministres. Il devrait ensuite entamer sa route vers le Parlement sous procédure d’urgence. Plusieurs articles du projet de loi reprennent ce qui avait été déjà présenté lors d’une précédente réunion interministérielle. Nous actualisons donc nos commentaires à cette nouvelle version.
L’article 1 propose que la rémunération pour copie privée soit prélevée sur les seules « sources licites ». Il n’y a rien de transcendant, puisque le ministère de la Culture veut inscrire dans la loi ce qu’avaient oublié les ayants droit durant des années et qui fut sèchement rappelé par le Conseil d’État le 11 juillet 2008 en des termes analogues.
L’article 2 est plus vicieux. Dans sa décision du 17 juin 2011, qui exige le non-assujettissement des professionnels, le Conseil d’Etat a marqué son exaspération sur les études trop exotiques menées par les ayants droit pour justifier leur niveau de prélèvement.
Le Conseil d'Etat faisait grosso modo les mêmes remarques que la CJUE dans l'arrêt Stichting de Thuiskopie contre Opus Supplies Deutschland, immanquable mais curieusement non cité par le ministère...:« ... pour fixer la rémunération, la commission doit apprécier, sur la base des capacités techniques des matériels et de leurs évolutions, le type d’usage qui en est fait par les différents utilisateurs, en recourant à des enquêtes et sondages qu’il lui appartient d’actualiser régulièrement ; que si cette méthode repose nécessairement sur des approximations et des généralisations, celles-ci doivent toujours être fondées sur une étude objective des techniques et des comportements et ne peuvent reposer sur des hypothèses ou des équivalences supposées ».
En creux, dans l'un et l'autre cas, l'idée est simple. Qu'on ne prélève pas de RCP en se fondant sur des études menées sur un coin de table.« La conception et le niveau de la compensation équitable sont liés au préjudice résultant pour l’auteur de la reproduction de son œuvre protégée effectuée sans son autorisation pour un usage privé. Dans cette perspective, la compensation équitable doit être regardée comme la contrepartie du préjudice subi par l’auteur.
La compensation équitable doit nécessairement être calculée sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs des œuvres protégées par l’introduction de l’exception de copie privée.
Il est loisible aux Etats membres d’instaurer, aux fins du financement de la compensation équitable, une redevance pour copie privée » (voir notre actualité)
Dans le projet de loi, cet article 2 prend acte de ces critiques…tout en rabotant la portée de l'obligation. Une première vague estime qu'il ne peut y avoir de rémunération pour copie privée sans enquêtes et sondages régulièrement actualisés. Soit. Mais l’article fait ressurgir immédiatement les bonnes vieilles recettes du passé avec une seconde vague : elles peuvent perdurer durant un an si des éléments objectifs sont apportés par la Commission Copie privée.
L’article 3 prévoit l’affichage du montant de rémunération pour copie privée sur les étiquettes, accompagné d’une notice explicative destinée à informer le consommateur. C’est un décret en Conseil d’Etat qui encadrera cette obligation, sanctionnée d’une amende administrative de 3000 euros en cas de manquement. Cette mesure était déjà programmée dans le projet de loi Consommation, et ce doublon devra être nettoyé d'une manière ou d'une autre.
L’article 4 est important. C’est lui qui met en place un système écartant les professionnels de la rémunération pour copie privée. La Directive 2001/29 dans son article 5, paragraphe 2, sous b, souligne que « les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions… au droit de reproduction prévu à l'article 2 … lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales… ».
C’est cette directive qui a servi à la CJUE dans son arrêt Padawan d’exiger l’exclusion des professionnels de l’assiette de la rémunération pour copie privée. La France met le cap sur un autre système : celui du remboursement plutôt que du non-assujettissement. Les pros seront donc assujettis temporairement à la RCP voire définitivement s’ils ne lancent pas une procédure de remboursement. Il reviendra aux ministères de l’Économie et de la Culture de définir les pièces afférentes qui devront être présentées par ces pro pour espérer retrouver les sommes indûment versées.
La loi indique que seuls donneront lieu à remboursement les supports acquis « notamment à des fins professionnels, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ». Ce qui signifie que dans d’autres cas, les ayants droit pourront présumer le support comme acheté à des fins de copie privée, même s’il est acquis par un professionnel.
Quels biens ? On sait qu’en Commission Copie privée, SORECOP-Copie France avait cité le cas des téléphones ou des tablettes, lesquels seraient par nature exclus du remboursement, sauf si le professionnel sait comment renverser la présomption. Comment prouver qu’on ne fait pas de copie privée ? Les professionnels devront consacrer temps et argent pour récupérer quelques euros à leur niveau, mais des millions, à celui des ayants droit.
On notera que les collecteurs de copie privée pourront toujours signer des conventions d’exonération de paiement de la rémunération pour copie privée. Une fois signée, le pro n'aura pas à payer le moindre centime même pour les biens taxés par présomption. Preuve que les ayants droit peuvent bien savoir une fois pour toute si un pro est bien un pro...
Poursuivons avec l’article 5. Celui-ci est intéressant car il vient contourner, hacker, bidouiller l'arrêt du Conseil d’Etat de juin 2011 qui avait annulé la décision 11 de la Commission Copie Privée. Les effets de cette annulation étaient cependant repoussés au 22 décembre 2011 afin de ne pas bouleverser le régime en France. A charge pour la Commission copie privée de réparer les bugs d'ici là.
Nous sommes fin octobre. Le temps est précieux. Il y a donc un risque évident si la Commission ne parvient pas à tenir l'agenda. Quel risque ? Que le flux de copie privée soit illicite en France à cette date.
Avec cet article 5, magie ! Toutes les règles restent applicables en attendant la prochaine réunion de la Commission et au plus tard dans les deux ans. Ce qui laisse aux ayants droit le temps de sauver les meubles sans se presser.
Une disposition qui devra être validée par le Conseil constitutionnel puisqu'elle fait revivre un acte pourtant tué par le Conseil d'Etat.
L’article 6 va plus loin dans la sécurisation des revenus des ayants droit.
En octobre 2010, l’arrêt Padawan de la CJUE jugeait qu’en Europe, il est interdit de prélever de la copie privée sur le dos des professionnels.
En France, les cabinets d‘avocat ont évidemment sauté sur la brèche et exigé le remboursement des trop versés par les redevables de la copie privée (distributeur, importateur). Il faut dire que depuis 1985, les ayants droit ont profité indument de plusieurs millions d’euros prélevés sur les entreprises. Quand en juin 2011, le Conseil d’Etat a « Padawanisé » le régime français, il a fait preuve d’une grande générosité. Il reportait, disions-nous, son annulation au 22 décembre 2011 afin de ne pas maltraiter les ayants droit. Cependant, ce report se faisait « sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur le fondement des dispositions annulées ».
Le Conseil d’État ne peut pas gommer d’un trait de plume les contentieux judiciaires fondés sur le remboursement des justiciables et lancés depuis fin 2010. Le ministère de la Culture, oui, par une belle pirouette juridique.
L’article 6 a pour objet « de remédier aux effets d’aubaine dont pourraient bénéficier les redevables qui sachant la décision fragile, ont introduit des actions individuelles devant le juge judiciaire pour contester les sommes à verser sur son fondement ». Comment ? Le ministère de la Culture veut leur interdire le remboursement par principe, sauf si le justiciable démontre que le remboursement porte sur des biens acquis à des fins professionnels (1ere condition) et dont « les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée » (2ème condition).
C’est le ministère de la Culture qui définira ces « usages présumés » en accord avec le ministère de l’Économie, lequel pourrait n'apprécier que tièdement d’avoir à trop rembourser en ces périodes difficiles (au titre de la TVA prélevée en trop). Ajoutons aussi que 25% de la copie privée finance la politique culturelle. Si ces sommes venaient à manquer, la Rue de Valois pourrait être obligée politiquement d'ouvrir sa machine à subventions.
Ajoutons pour finir l’article 7 qui indique que les demandes de remboursement au titre de cette loi ne pourront entrer en vigueur que pour les supports acquis après l’entrée en vigueur du texte. Manière de blinder d’éviter l’hémorragie juridique et financière.