Du PUR à la purge
Il existe certes des voix dissonantes au regard de cette campagne PUR. Dans nos colonnes comme dans l’émission Capital consacrée au bilan financier de la Hadopi, Jean Musitelli estime que cette campagne est d’une efficacité nulle. L’Ancien membre du collège n’est pas tendre avec PUR : « Toute cette fameuse mission d’encouragement au développement de l’offre légale qui s’est traduite par la labellisation d’un certain nombre de sites, c’est vraiment une goutte d’eau dans un océan. Toute cette pseudomission en fait était complètement inutile et de ce côté-là, on aurait sans doute pu faire des économies ». Il pense ainsi que « le résultat est nul, absolument. »
Mais il n’est pas certain que la voix de Musitelli, aussi forte ou juste soit-elle, puisse faire plier le sens de l’histoire qu’essayent de souffler la Rue de Texel, la Rue de Valois et le CNC.
Un autocollant rond, des moteurs qui tournent au carré
A la Hadopi comme chez l’UMP Franck Riester ou la socialiste Aurélie Filippetti, tout le monde veut de l’autocollant-rond-qui-fait-bondir-de-20%-les-sites-qui-l’affichent. Penser qu’il s’agit simplement d’un marqueur pour aider le chaland à discerner le licite est une approche incomplète. Le logo PUR a pour vocation de participer au nettoyage des moteurs de recherches, accusés de trop bien référencer les sites de contenus non autorisés.
En mars 2009, nous avions isolé un amendement signé de l’inévitable Franck Riester. Il prévoyait que « La Haute Autorité attribue aux offres (…) un label permettant aux usagers (…) d’identifier clairement le caractère légal de ces offres et elle veille à la mise en place ainsi qu’à l’actualisation d’un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques ». En clair, il s’agissait de faire surréférencer par les moteurs de recherche les sites labellisés par la Hadopi, et de repousser dans les pages subalternes les sites non labellisés. Dans l’exposé de ses motifs, le rapporteur de la loi précisait alors que « cette mission s’inscrit en complément des efforts engagés par le CNC dans le domaine audiovisuel, mais sa portée et son intérêt sont plus larges. »
Revenons au rapport annuel de la Hadopi publié fin 2012. Page 32, la haute autorité nous dit que « l’offre légale manque de visibilité parmi les résultats proposés par les moteurs de recherche. Les différentes évolutions des algorithmes de ces moteurs n’ont pas permis d’améliorer le référencement naturel de l’offre légale [donc labellisée PUR, NDLR]. Les pouvoirs publics doivent avoir les moyens de mesurer la visibilité de ces offres en tenant compte de leur diversité (plateformes de diffusion, portail d’agrégation, sites de référencement, etc.) pour pouvoir identifier les leviers qui permettront de l’améliorer. »
Le levier dont rêve la Hadopi est très exactement celui que préparait Franck Riester en 2009. Sauf que l’amendement de Riester avait fini dans le mur. Contesté par les moteurs notamment, il était peut-être intervenu trop tôt dans le débat.
Hadopi, même pas PUR
Restons encore dans ce rapport annuel de la Haute autorité, décidément très précieux. « L’Hadopi étudie actuellement cette problématique dans le cadre d’un projet axé sur l’étude des liens Internet pointant vers des contenus protégés. Ce projet « Linkstorm » livrera notamment l’analyse du référencement de l’offre légale par rapport aux offres alternatives dans les principaux moteurs de recherche. Cela permettra d’évaluer l’impact du label PUR ainsi que les efforts faits par les différents moteurs de recherche pour valoriser l’offre légale ».
Le collège de la Hadopi voudrait ainsi que les moteurs fassent des efforts « pour valoriser l’offre légale », quant à son projet LinkStorm, il jouera ici le rôle de thermomètre pour jauger le tout. Dans le même temps, la même autorité indépendante a démultiplié les sondes pour flairer par échantillon la propagation de l’illicite sur les réseaux.
Dans son récent et premier rapport Linkstorm, la Hadopi a déjà analysé le niveau des offres légales PUR dans les moteurs de recherche. Le rapport a conclu en une très faible visibilité des offres légales dans les moteurs de recherche… Soit une bonne pelletée d’arguments pour maintenir la pression sur les moteurs et le politique.
Comment inciter ces moteurs à surréférencer le PUR et repousser voir déréférencer le reste ? Il n’y a pas encore de disposition équivalente à l’amendement Riester de mars 2009. Mais la Haute autorité pourra tirer parti de la future lutte contre les sites de streaming et de direct download. On attend comme Aurélie Filippetti les conclusions de la Mission Lescure, mais déjà la Commission de protection des droits préconise de démultiplier les rapports de la Hadopi avec les moteurs pour les inciter à déréférencer les sites illicites. Une incitation qui se fera avec une arme sur la tempe - la menace d’une action judiciaire - et une caresse puisque dans ses échanges, la Hadopi pouvant toujours valoriser le PUR aux yeux des moteurs. Bref, d'un côté la peur, de l'autre le PUR.
Le PUR et l'argent du PUR
La Hadopi vient d’attribuer quatre nouveaux labels « PUR ». C’est d’abord Funanim.fr, un site dédié dans les animations japonaises. Musicovery.com, un site d’écoute et de découverte de musique, qui combine Pandora, Genius, MoodAgent et d’autres… En outre, une librairie numérique, SansPapier.com, et enfin, l’offre légale accessible sur UniversalMobile.fr depuis une application Bouygtel.fr.
On le sait, la Hadopi vise une centaine de sites labellisés pour la fin de l'année 2013. Pourquoi cette ambition ? Officiellement, il s’agit d’aider l’internaute dans le discernement en ligne des offres légales de confiance.
« Le label PUR participe au respect des droits des créateurs et de tous ceux qui travaillent avec eux, il est le point de repère de l’offre légale. PUR aide les internautes à identifier les plateformes proposant des offres en ligne respectueuses des droits des créateurs (films, titres musicaux, jeux vidéo, livres numériques, etc.). Les plateformes labellisées par l’Hadopi apposent le logo PUR sur leur site, indiquant ainsi qu’elles proposent une offre dans le respect des droits des créateurs ». C'est ce que nous explique la plateforme PUR.fr.
Et pour tenter d’arriver à cet objectif symbolique, tous les arguments ont été bons, même les plus amusants.
+20 % d’audience pour les sites labellisés PUR d’après Mme Marais
Première justification. Lors d’une conférence de presse, la Hadopi avait expliqué sans rire que « ce label a permis à certaines plateformes, une quinzaine (...), d’augmenter leur audience de 20 % ». Les propos de Marie Françoise Marais laissaient médusé le parterre de journalistes en ce mois d’octobre 2012.
Un coup de pouce financier de la Hadopi pour les sites PUR
La Hadopi avait envisagé un autre argument pour inciter les plateformes à se faire PURifier. Prêter une oreille attentive à leurs appétits en subventions publiques. C’est ainsi que dans le passé, la Rue de Texel avait été saisie de deux demandes en ce sens. Une plateforme lui avait demandé 50 000 euros pour le développement d’une application ou d’un plug-in permettant d’améliorer l’interopérabilité des titres téléchargés. Une seconde avait réclamé 200 000 euros pour financer une fonctionnalité de type Cloud permettant à l’utilisateur d’accéder à ses titres en ligne. Plutôt qu’un sec refus, la Hadopi avait tenté de trouver toutes les justifications dans la loi pour signer ce joli chèque sur le dos du contribuable. Mais à son grand regret, ses services lui ont signifié qu’elle n’avait pas de compétence pour attribuer ce coup de pouce.
Un coup de pouce financier au forceps de la loi
Qu’à cela ne tienne ! Le précédent gouvernement avait injecté de nuit, un curieux amendement dans la loi sur la simplification du droit. Il s’agissait de permettre à la Hadopi d’allouer une partie de son budget au soutien financier de l’offre légale et donc aux labels Pur. « Une clarification » claironnait à la tribune de l’Assemblée nationale le très fidèle Franck Riester, député et surtout membre du collège de la Hadopi.
Malgré le signal d’alarme du député Tardy, le texte fut voté à l’Assemblée. Puis au Sénat.
C'est le Conseil constitutionnel qui a stoppé cette générosité Hadopienne avec l’argent public. Il a considéré la disposition comme constitutive d’un « cavalier législatif » qui n’avait franchement rien à faire là. Certes, ce flux public aurait facilité la vie de la Hadopi et des plateformes, mais il n’avait surtout rien à faire dans un texte sur la simplification du droit.
Heureusement, la persévérance de la Hadopi pour-son-autocollant-rond-qui-fait-bondir-de-20%-les-sites-qui-l’affichent n’est pas restée vaine après cette baffe constitutionnelle.
Le label PUR, chantage aux aides publics
L’argent public reste toujours une belle et grosse carotte pour inciter les sites à se faire labelliser. Dans son dernier rapport annuel, la Rue de Texel estime en effet qu’il « serait pertinent que le label devienne le point d’entrée des politiques de soutien aux offres de contenus en ligne par les autres institutions publiques. »
En gros, pas de label ? Pas d’aide publique ! Plus tôt, Sylvie Hubac, ancienne présidente du CSPLA devenue directrice de cabinet de François Hollande avait fait une proposition dans le même sens. C’était dans son rapport de janvier 2011 sur la VOD, remis au Centre national du cinéma et de l’image animée.
Ces efforts pour un-autocollant-rond-qui-fait-bondir-de-20%-les-sites-qui-l’affichent ont été nourris également par Aurélie Filippetti, l’ancienne opposante à Hadopi devenue ministre. Dans une récente réponse parlementaire, elle envisage que « la détention du label pourrait conditionner l'obtention de subventions dans un souci de cohérence de l'action des pouvoirs publics ». Soit très exactement ce que préconisent la Hadopi ou Hubac. La ministre témoigne d’ailleurs d’« échanges (…) avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sur les conditions encadrant l'octroi du soutien automatique à l'offre VOD ». Bref, l’idée s’incruste dans les esprits, peu importe leur couleur politique. Mais ce n’est pas tout !
Des procédures plus simples, un renouvellement automatique
La ministre, ancienne députée opposée à Hadopi, se prend désormais presque de passion pour l’avenir de cet autocollant-rond-qui-fait-bondir-de-20%-les-sites-qui-l’affichent. Toujours dans sa réponse, elle a expliqué sans sourciller qu’il « ressort des premières demandes de renouvellement des labels qu'un formalisme trop lourd, lié notamment à l'obligation pour les candidats de livrer le catalogue exhaustif des oeuvres qu'ils proposent sur leurs plateformes, nuit à la pérennité du label ». Outre des procédures simplifiées, elle milite même pour que la Haute autorité puisse renouveler tacitement ce label « tant que de nouvelles objections ou contestations ne sont pas formulées par les titulaires de droits. » C'est là encore ce que préconise très exactement la Hadopi dans son rapport annuel d'octobre 2012.